Les textes réunis ici permettent de mieux saisir le sens du rapport que la philosophie, liée à la métaphysique, à l’éthique et à la politique, entretient avec l’art.
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Tandis que pour les Anciens, c’était le travail – le negotium – qui se trouvait défini négativement par rapport à la vie contemplative – l’otium –, les modernes semblent incapables de concevoir la contemplation, le désœuvrement et la fête autrement que comme un repos et une négation du travail.
Or, dès lors que nous entreprenons au contraire de définir le désœuvrement en relation à la puissance et à l’acte de création, il va de soi que nous ne pouvons pas le penser comme oisiveté ou inertie, mais comme une praxis ou une puissance d’un type spécial, qui se maintient dans un rapport constitutif avec son propre désœuvrement.
(…) Il s’agit, je crois, d’un désœuvrement interne, pour ainsi dire, à l’opération elle-même, d’une praxis sui generis qui, dans l’œuvre, expose et contemple avant toutes choses la puissance, une puissance qui ne précède pas l’œuvre, mais l’accompagne et fait vivre et ouvre des possibles. La vie, qui contemple sa propre puissance d’agir et de ne pas agir, se désœuvre dans toutes ses opérations, vit seulement sa vivabilité.
On comprend mieux alors peut-être la fonction essentielle que la tradition de la philosophie occidentale a assignée à la vie contemplative et au désœuvrement : la praxis proprement humaine est celle qui, désœuvrant les œuvres et fonctions spécifiques du vivant, les fait, pour ainsi dire, tourner à vide, et, de cette manière, les ouvre au possible. Contemplation et désœuvrement sont, en ce sens, les opérateurs métaphysiques de l’anthropogenèse, qui, libérant l’homme vivant de tout destin biologique ou social et de toute tâche prédéterminée, le rendent disponible pour cette absence d’œuvre particulière que nous avons l’habitude d’appeler «politique» et «art». Politique et art ne sont pas des tâches, ni simplement des «œuvres» : elles nomment plutôt les dimensions dans lesquelles les opérations linguistiques et corporelles, matérielles et immatérielles, biologiques et sociales, se trouvent désactivées et contemplées en tant que telles.
Là où il y a récit, le feu s'est éteint, là où il y a mystère, il ne peut y avoir d'histoire.
C'est ainsi que le mystère défait et desserre la trame de l'histoire et que le feu attaque et consume la page du récit.
Le feu et le récit, le mystère et l'histoire sont les deux éléments indispensables de la littérature.
Le sujet ne doit pas être conçu comme une substance, mais comme un tourbillon dans le flux de l'être.
Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Yannick Haenel tenait la conférence : L'amour, la littérature et la solitude.
Il sera question de cette attention extrême au langage qui engage notre existence. C'est-à-dire des moyens de retrouver, à travers l'expérience poétique de la solitude, une acuité, une justesse, un nouvel amour du langage. Écrire, lire, penser relèvent de cette endurance et de cette précision. C'est ce qui nous reste à une époque où le langage et la vérité des nuances qui l'anime sont sacrifiés. Écrire et publier à l'époque de ce sacrifice planétaire organisé pour amoindrir les corps parlants redevient un acte politique. Je parlerai de Giorgio Agamben, de Georges bataille, de László Krasznahorkai, de Lascaux et de Rothko. Je parlerai de poésie et d'économie, de dépense, de prodigalité, et de la gratuité qui vient.
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