De quoi est fait un authentique « regard contemporain » ?
Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2015/01/02/note-de-lecture-quest-ce-que-le-contemporain-giorgio-agamben/
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Seul peut se dire contemporain celui qui ne se laisse pas aveugler par les lumières du siècle et parvient à saisir en elles la part de l’ombre, leur sombre intimité. Avec ceci, nous n’avons pas encore tout à fait répondu à notre question. Pourquoi le fait de réussir à percevoir les ténèbres qui émanent de l’époque devrait-ils nous intéresser ? L’obscurité serait-elle autre chose qu’une expérience anonyme et par définition impénétrable, quelque chose qui n’est pas dirigé vers nous et qui, par la même, ne nous regarde pas ? Au contraire, le contemporain est celui qui perçoit l’obscurité de son temps comme une affaire qui le regarde et n’a de cesse de l’interpeller, quelque chose qui, plus que toute lumière, est directement et singulièrement tourné vers lui. Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps.
La contemporanéité est donc une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances ; elle est très précisément la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l’anachronisme. Ceux qui coïncident trop pleinement avec l’époque, qui conviennent parfaitement avec elle sur tous les points, ne sont pas des contemporains parce que, pour ces raisons mêmes, ils n’arrivent pas à la voir. Ils ne peuvent pas fixer le regard qu’ils portent sur elle.
Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n'adhère à ses prétentions, et ne se définit, en ce sens, comme inactuel ; mais précisément pour cette raison, précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps.
Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Yannick Haenel tenait la conférence : L'amour, la littérature et la solitude.
Il sera question de cette attention extrême au langage qui engage notre existence. C'est-à-dire des moyens de retrouver, à travers l'expérience poétique de la solitude, une acuité, une justesse, un nouvel amour du langage. Écrire, lire, penser relèvent de cette endurance et de cette précision. C'est ce qui nous reste à une époque où le langage et la vérité des nuances qui l'anime sont sacrifiés. Écrire et publier à l'époque de ce sacrifice planétaire organisé pour amoindrir les corps parlants redevient un acte politique. Je parlerai de Giorgio Agamben, de Georges bataille, de László Krasznahorkai, de Lascaux et de Rothko. Je parlerai de poésie et d'économie, de dépense, de prodigalité, et de la gratuité qui vient.
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