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Julien Lapeyre de Cabanes (Traducteur)
EAN : 9782330184070
208 pages
Actes Sud (04/10/2023)
3.89/5   118 notes
Résumé :
Avant la Première Guerre mondiale, époque des Unionistes au pouvoir en Turquie, Ziya, un garçon de seize ans, fait preuve d’un courage incroyable en tuant publiquement l’assassin de son frère aîné. Il est immédiatement emprisonné, condamné à perpétuité car trop jeune pour être exécuté.
Enfermé dans un lieu sordide, Ziya, que la mort n’inquiète pas, impose d’emblée le respect, et son regard effraie ceux qui le croisent. En prison il se met à jouer aux dés. Un ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (52) Voir plus Ajouter une critique
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Je ne connaissais pas l'auteur, je le découvre à travers ce roman. Un livre écrit avec justesse, finesse, un roman déroutant, hypnotisant, mystérieux, C'est l'histoire de Ziya, adolescent âgé de 16 ans, qui tue, sans état d'âme, le meurtrier de son frère, lors de son procès, Il est emprisonné , condamner à perpétuité. Il découvre , en prison , le jeu des dés qui devient une véritable passion, voir une, addiction, Il se voit transférer, en Égypte, une nouvelle vie, il n'est pas considéré comme un paria,
Nous sommes dans l'empire Ottoman, une histoire, ayant
e toile de fond la politique, la manipulation psychologique des personnes, de cette époque. Une nouvelle vie commence pour Ziya, Il fait la connaissance de Nora, qui réveille en lui ses premiers émois, son premier amour, mais tout cela reste platonique, seul compte leurs promenades dans de merveilleux verger. Nora, doit quitter , du jour au lendemain, l'Égypte, un grand vide pour Ziya, un amour, encré à jamais dans sa mémoire .Les femmes , les dés deviennent ses meilleurs amis. Un retour dans son pays, où il peut vivre normalement, et non comme un paria. Ses vieux démons refonds surface. Quel acte abjecte est il en train , de préparer ?
L'auteur décortique avec subtilité la psychologie du personnage. Un homme complexe, j'ai eu énormément de difficulté à me connecter avec lui, et à dégager de emphatie. L'auteur nous envoûte avec beaucoup de dextérité dans son environnement littéraire La lecture captivante, addictive, visuelle, d'une fluidité intense. Un titre à double définition, et qui résume l'histoire, les dés du jeu et les dés jetés par hasard pour prendre le bon où le mauvais tournant d'une vie. Ce roman est époustouflant, remarquable, aucune fausse note, un livre frôlant le chef d'oeuvre littéraire.
Un gros coup de coeur que je vous conseille.
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Bien qu'ayant entendu de nombreuses louanges à propos de Ahmet Altan, notamment pour son livre Madame Hayat, prix Femina étranger 2021, c'est seulement aujourd'hui, avec Les Dés que je fais connaissance avec cet auteur.
Quand on sait que ce grand journaliste et écrivain turc, Ahmet Altan, a passé cinq ans derrière les barreaux des prisons d'Erdogan pour son engagement, il n'est guère étonnant que son dernier roman décrive un jeune homme enfermé pour un temps à la prison de Sinop, mais surtout enfermé dans une prison intérieure dont il reste prisonnier.
Le roman se déroule au début des années 1900, époque où les unionistes sont au pouvoir en Turquie.
Ziya, garçon de seize ans, a une admiration immense pour son frère aîné Arif, caïd redouté par tout le quartier. Il est son héros.
Celui-ci lui apprend que son devoir n'est pas seulement de défendre son honneur personnel, mais aussi celui de sa famille et du peuple tcherkesse auxquels ils appartiennent et que mourir vaut toujours mieux que vivre dans le déshonneur.
Ziya a tout juste dix ans quand Arif lui met un pistolet dans la main. Il apparaît très vite que le gamin a un don spécial, quand il tient le pistolet, l'arme fait corps avec lui.
Un soir, Arif trouvant l'un des gros bras de la garde albanaise du sultan, ivre, en train de terroriser la foule, insulter les policiers sans qu'ils n'interviennent, le gifle, considérant comme une offense personnelle qu'un autre caïd se permît d'effrayer la foule en sa présence.
Deux mois plus tard, Arif est abattu.
Ziya, qui a alors seize ans, va faire preuve d'un courage incroyable. Introduit en secret dans un recoin du tribunal où doit être entendu l'assassin de son frère, le jeune Tcherkesse l'abat d'une seule balle en pleine audience, suscitant par son geste l'admiration de tous.
Arrêté, jugé coupable, il est condamné à perpétuité et emprisonné à Sinop où ceux qu'on y enfermait avaient peu de chance d'en sortir. Bien que ce lieu fut un enfer, il avait fait ce qui convient à un homme d'honneur et il était prêt à payer le prix. Il tuerait encore si nécessaire.
C'est en prison qu'il se met à jouer aux dés.
Un an après son incarcération, il est exfiltré vers l'Égypte par les soutiens politiques de son clan. C'est là qu'il va faire son apprentissage des choses de la vie.
Amnistié, de retour à Istanbul, une action d'éclat lui est proposée…
Extraordinaire est la manière dont Ahmet Altan explore le caractère et le comportement de ce garçon, de sa prime jeunesse jusqu'à son dernier soupir, une véritable analyse dans laquelle sa personnalité est décortiquée.
Il montre, comment, tout enfant, à peine quatre ans, Ziya a appris à refouler ses émotions.
Bien évidemment, c'est Arif, ce frère aîné qui a façonné son frère, mais encore fallait-il que cet enfant soit prêt à recevoir son enseignement, qu'il ait une personnalité qui sorte de l'ordinaire, l'admiration ne suffisant pas à tout expliquer. D'ailleurs, l'autre frère, Hakki, de trois ans plus âgé que Ziya, éduqué de la même manière, ne parvient pas à s'extraire de la peur de mourir et demeure incompris par son frère qui se moque, lui, de la vie comme de la mort.
C'est en prison, avec les dés qui réussissent à l'arracher à ce long jour sombre, qu'il va ressentir quelques émotions, éprouvant même pour eux, une sorte de gratitude.
Après son premier rapport sexuel lors de sa sortie, une gêne le ronge, il sait seulement que cela ne ressemblait ni au jeu ni au meurtre. Ses relations avec les femmes seront toujours particulières et l'orgueil et la vanité qui le rendent d'une agressivité mortelle face aux mâles, devant les femmes, l'arrête net.
Non loin d'Alexandrie, il rencontre une jeune fille, Nora, dont il va apprécier la compagnie et qu'il n'oubliera jamais. La narration de la relation entre ces deux jeunes gens qui n'avaient rien en commun, m'a vraiment émue et leurs promenades dans les vergers m'ont touchée.
Au départ de Nora, ce n'est qu'au casino, ce lieu d'où sont exclus tous les sentiments, ce lieu où tout s'engloutit dans l'oubli, qu'il trouve la sérénité, jusqu'à ce qu'un joueur lui montre un autre moyen d'arriver à l'oubli : les femmes.
Les Dés de Ahmet Altan brosse le portrait psychologique d'un homme très difficile à cerner qui incarne l'engagement absolu de ceux qui sont prêts à tout pour défendre leur honneur, celui de leur famille et de leur clan. Pour lui seuls les couards sont incapables de meurtre.
Roman psychologique, roman philosophique sur la notion de liberté, roman historique et politique dont la toile de fond est cet empire ottoman en train de s'effondrer, roman fondé sur une histoire vraie, Les Dés est un roman assez noir, parsemé cependant de quelques lueurs qui m'a profondément interpellée.
Je remercie les éditions Actes Sud et Babelio qui m'ont permis de découvrir la plume agréable, éclairée, fluide, délicate et poétique de ce grand écrivain : Ahmet Altan.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Après Madame Hayat qui offrait à son jeune protagoniste l'apprentissage de la liberté, le dernier roman d'Ahmet Altan nous plonge cette fois dans le processus mental inverse : un adolescent assoiffé d'honneur et de justice devient un redoutable terroriste, tuant aveuglément au nom de la loi de son clan.


En ce début de XXe siècle où l'empire ottoman vacille, trois frères tcherkesses, Arif, Hakkî et Ziya, vivent à Istanbul. Ziya, le plus jeune, n'est qu'adoration pour son aîné, Arif, puissant et charismatique caïd de la pègre. Lorsque celui-ci est assassiné, l'adolescent de seize ans, très tôt façonné au code d'honneur des siens, entreprend aussitôt de le venger et abat le meurtrier en plein tribunal. Trop jeune pour la peine capitale, il est condamné à la perpétuité dans ces geôles semblables « aux ténèbres sanglantes du ventre d'une femelle requin dont la progéniture s'entredévore avant même de voir le jour ». C'est dans cette mort à petit feu qu'il découvre la passion du jeu et l'ivresse de mourir et renaître sans fin à chaque roulement de dés. Quand, huilés par d'obscures tractations, les verrous de la prison laissent finalement échapper le jeune homme, le tueur doublé d'un flambeur est plus que jamais une mèche d'amadou...


L'intelligence de l'analyse rivalise avec les beautés de plume de cet auteur qui s'impose décidément comme un maître écrivain. le plus grand talent préside à sa dissection psychologique de ce jeune homme construit dès le plus jeune âge dans le refoulement des émotions, pour lui comme autant de faiblesses. Ses tourments intérieurs dont, faute de les comprendre, encore moins de les verbaliser, il est le jouet inconscient, il prétend les faire taire, tuant l'humain en lui avec la force de sa haine, pour s'accrocher aux seuls repères qu'on lui ait jamais présentés, clairs et rassurants dans leur aveugle rigidité d'armure : le code d'honneur de son clan, le culte de sa toute-puissance et le devoir de le défendre coûte que coûte. « Mourir valait toujours mieux que de vivre dans le déshonneur. »


Prêt à tout, il est le pion idéal dans le jeu des manipulateurs de tout poil. Ceux-ci, surtout à notre époque, auraient pu se draper dans des motifs religieux. En cette période d'instabilité du régime, il devient le jouet d'intérêts politiques, qui le dépassent mais qui savent... le faire rouler comme un dé ! Pour le joueur, peu importe de perdre ou de gagner, de vivre ou de mourir, l'essentiel est ailleurs. Ceux qui arment les terroristes l'ont bien compris aussi, qui jouent sur la colère et le désir de mort qui les consument : « La vie ne lui suffisait pas », « Il était né avec la passion terrible de vouloir tout consumer, tout épuiser, avec un appétit sans fin. Seuls le jeu et le crime savaient assouvir cette passion. »


Un nouveau très grand roman, aussi pénétrant que merveilleusement écrit, de l'auteur turc si attaché au « combat contre le mal causé par la perversion des sociétés ». Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« Madame Hayat » a été une lecture marquante. Autant dire que lorsque j'ai reçu une proposition de lecture du nouveau roman d'Ahmet Altan, j'ai secrètement espéré le recevoir. Je remercie vivement Babelio et les éditions Actes Sud pour ce très beau cadeau.

J'attendais énormément de ce dernier roman, tant j'avais été séduite par l'écriture et la force de « Madame Hayat », lauréat du prix Femina étranger 2021. Je n'ai pas été déçue, l'auteur est parvenu à m'emporter dans un lieu et une époque, la Turquie au début du XXème siècle, en diffusant toute une palette d'odeurs, de couleurs, de sonorités et d'émotions, de résonances politiques.

*
Le roman s'articule autour des trois frères tcherkesses, Arif Bey, Hakkî et Ziya.

«Ils vivaient sans crainte et insouciants, au début des années 1900, dans la capitale d'un empire en décomposition, au milieu d'un peuple qui avait pour condition la misère et la peur

Ziya, le dernier de la fratrie, admire son grand frère, Arif Bey. Beau, charismatique, redouté, il voit en lui un héros, un modèle, un guide.
Ce grand frère adulé est un caïd de la pègre d'Istanbul. Cet homme violent, irascible, plein d'arrogance et de suffisance, va le façonner, le pétrir, le modeler, l'éduquer dans le culte de l'honneur et du devoir. Il va en faire un adolescent insensible, narcissique, intolérant, inflexible, seulement gouverné par ses responsabilités envers lui-même, sa famille et son peuple.

« Ziya était de ces hommes nés avec des lentilles qui déforment les choses vues, les choses vécues, selon les émotions qui agitent leur monde intérieur. Les phénomènes, à travers ce prisme défectueux, lui apparaissaient modifiés, remodelés selon les exigences de son désir. La réalité ne pouvait l'atteindre dans toute sa nudité. Dès l'enfance, le culte qu'il se vouait à lui-même avait altéré la nature et les dimensions de ce qui l'entourait. Et comme, dès l'enfance encore, il s'était identifié à son frère et imaginé en voyou d'honneur redouté de tous, ce défaut s'était aggravé. »

Suite à une altercation avec un autre caïd d'une bande rivale, l'ainé Arif Bey est tué. Animé d'un esprit de vengeance, méprisant les conséquences de son geste, le jeune Tcherkesse ne va pas hésiter à laver l'honneur de son frère en abattant publiquement, froidement, le meurtrier de son frère.
Trop jeune pour être exécuté, il est condamné à perpétuité et emprisonné. D'emblée nimbé d'une sorte d'aura de respect et de crainte, il va s'imposer au milieu de ces prisonniers, la plupart des assassins.

Et c'est dans cet enfer qui suinte le désespoir, la peur et la mort, qu'il va prendre goût au jeu. Les dés deviennent alors une drogue, un moyen de faire reculer le passé et les souvenirs douloureux. Ziya oublie le temps du jeu : lorsque les dés sont lancés, il pense revivre mais il glisse inexorablement vers l'abîme.

« II contemplait tout, lui-même, les événements présents et futurs, de très loin, depuis un vide immobile. Ni la mort ni la vie n'avaient d'importance. II jetait les dés. le jeu n'avait rien à voir avec l'argent, pas plus que la vie avec le fait de vivre, la mort avec celui de mourir. »

*
Comme dans son précédent roman, l'auteur nous enveloppe d'un sentiment d'enfermement, d'isolement, de solitude. Cela n'a rien d'étonnant lorsque l'on sait qu'Ahmet Altan a été incarcéré durant près de cinq ans pour son engagement politique.

« La prison ressemblait aux ténèbres sanglantes du ventre d'une femelle requin dont la progéniture s'entredévore avant même de voir le jour. Les meurtriers enfermés là, sachant qu'ils n'en sortiraient plus, n'hésitaient pas à se battre et à s'entretuer. Les méthodes étaient variées, du coup de pique ou de couteau à l'huile bouillante qu'on déverse ou au coussin qu'on presse sur la tête du voisin dans son sommeil. Tous vivaient dans l'angoisse et la crainte. »

Ici, il s'agit d'un emprisonnement physique, mais également mental, psychologique. L'esprit, l'éducation, le fantôme du frère, sont une geôle dont les barreaux, invisibles, sont pourtant bien réels. La mort de ce frère vénéré va laisser une plaie purulente, une détresse psychologique intolérable, entretenue par les ragots, la honte, la colère, la mésestime du second frère qui a fait preuve de lâcheté par son inertie à se venger.

Des mots reviennent sans cesse comme une sorte de leitmotiv, il s'enracinent et s'ancrent dans une idéologie : honneur et lâcheté, vengeance et silence, vie et mort. Ils implantent dans l'esprit malléable de Ziya une implacabilité qui fait froid dans le dos, ils anesthésient ses émotions et toutes notions d'empathie, d'amour, de confiance, de regrets.
Cette première partie est superbe, magnifiquement écrite, entremêlant poésie et violence. Il n'est pas possible d'avoir de l'empathie pour Ziya, mais cela n'est pas gênant.

La deuxième moitié du roman introduit des émotions plus confuses, entre exil et exclusion, nostalgie et calme intérieur, rudesse et vulnérabilité, pudeur et maladresse, amitié et amour, laissant la tension dramatique se relâcher.
Le jeune homme n'a pas les mots pour s'exprimer, il ne connaît que la violence, la rudesse d'un monde masculin, le prix du sang. Face aux femmes, il reste désarmé, maladroit, brusque. Elles le fascinent, le déstabilisent et fugitivement, son visage s'éclaire d'une expression fragile et timide. La rédemption, le choix d'une nouvelle vie sont à portée de main, mais est-il encore capable de saisir la perche qui lui a été tendue ?

Puis les dernières pages resserrent leur étreinte dans un final inattendu, aussi beau qu'émouvant.

*
L'auteur explore, avec acuité et justesse, la psychologie de ce jeune homme et pénètre au plus profond de son coeur.
Le héros d'Ahmet Altan apparaît sombre, austère, taiseux, insensible, impulsif, dangereux. Il y a de la folie dans son regard, dans son caractère explosif, dans son dédain de la vie et de la mort, dans son sentiment de supériorité et d'invulnérabilité, dans l'absence de sensibilité et de compassion qui frise la pathologie.
L'écriture incarne parfaitement le tumulte de ses pensées, oscillant entre colère et espoir, courage et peur, honneur et honte, liberté et carcan de l'éducation, autant de notes jouant la gamme des sentiments et des émotions.

Cette façon de creuser, fouiller, disséquer la personnalité de Ziya, m'a rappelé le style de Stefan Zweig, même si j'y ai retrouvé quelques redondances. J'ai trouvé aussi que malgré tout, Ziya gardait une part d'ombre et de mystère.

*
Ahmet Altan aborde la destinée, les hasards de la vie sous l'angle du jeu de dés. Où est le choix, les décisions, le jugement, la réflexion, lorsque les dés décident du destin des hommes ?

« Les dés » résonne d'une forme de dualité, entre l'espoir de gagner et la crainte de perdre. Vivre ou mourir, tuer ou être tué, la vie ou la mort font partie du jeu. Mais tout ne s'oppose pas avec netteté : en ce qui concerne Ziya, ce dualisme est faussé par son inappétence à vivre, son indifférence à mourir, son code de vie dicté par l'honneur et le sacrifice.
Alors pourquoi ne pas laisser le sort décider ?

*
Pour conclure, « Les dés » est un court roman, tragique et intimiste, poétique et brutal. En apportant une attention tant sur le fond que sur la forme, Ahmet Altan signe de nouveau un roman fort, puissant, percutant dans la lignée de « Madame Hayat ». Mais autant Madame Hayat était lumineuse, autant Ziya est sombre et inquiétant.
Les dés sont lancés et esquissent un pas de danse, orientant le destin vers la vie ou la mort.

Un texte beau et profond à découvrir si vous ne connaissez pas encore Ahmet Altan ou si vous avez aimé « Madame Hayat ».
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Je tiens tout d'abord à remercier la maison d'édition Actes Sud et Babelio pour l'envoi du présent ouvrage dans le cadre d'une opération masse critique privilégiée.

Cette fois-ci j'ai vraiment été gâté, car il s'agit d'un livre passionnant que j'ai lu d'une traite en sautant un repas.

Inspiré de faits réels qui se sont passés en Turquie au début du siècle dernier, l'auteur a réussi à nous présenter une histoire de grande qualité psychologique et littéraire.

"Les Dés", est comme oeuvre d'un niveau comparable à son chef-d'oeuvre, "Madame Hayat", qui a remporté, en 2021, le Prix Femina Étranger et qui a reçu sur Babelio 169 critiques majoritairement favorables.

Il est vrai que Ahmet Altan, né à Ankara en 1950, dispose d'un style littéraire étonnant pour un journaliste, rédacteur en chef et fondateur d'un quotidien. Un style par ailleurs mis en valeur par l'élégante traduction en langue française de Julien Lapeyre de Cabanes.

Mais avant tout, Ahmet Altan est arrivé à dresser un portrait psychologique de son personnage principal digne d'un psychanalyste professionnel.

Faisant très attention à ne rien révéler qui pourrait nuire votre lecture, je me limite à un bref résumé du début du récit.

En 1907, le jeune Ziya, 16 ans, tue au tribunal d'Istanbul par des coups de revolver l'assassin de son frère aîné bien-aimé et modèle. Après un séjour en taule, où il se fascine pour le jeu des dés, il est expédié à Alexandrie en Égypte jusqu'à son retour au pays natal, suite à y être gracié.

En Égypte, il tombe follement amoureux de Nora, une jeune doctoresse en médecine d'origine juive. La description de cette liaison entre deux jeunes, qu'au fond tout oppose, est particulièrement émouvante.

De retour à Istanbul, Constantinople à l'époque, Ziya est approché par l'opposition politique au régime gouvernemental du grand vizir du sultan Mehmed V, Mahmoud Chevket Pacha (1856-1913).

Je vous laisse découvrir si notre Ziya, qui n'a entretemps que 22 ans, acceptera la mission ultra-confidentielle où il risque sa vie ?

Car, outre hautement littéraire et extraordinairement psychologique, ce livre est également très captivant.
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critiques presse (6)
LeJournaldeQuebec
02 janvier 2024
Une histoire sombre qui raconte la Turquie juste avant l’effondrement de l’Empire ottoman.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
RevueTransfuge
21 décembre 2023
Tranchant et chatoyant, impressionnant d’intelligence et de force romanesque, "Les Dés" est le grand roman d’une âme tourmentée.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
Culturebox
12 décembre 2023
Ziya se meut dans un univers absurde, il se noie dans le jeu, attendant sans peur une fin inéluctable. Au nom des siens. "Les dés", un roman puissant.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
20 octobre 2023
Un livre essentiel pour comprendre la mécanique mentale d’un terroriste avide de justice qui tue au nom d’Allah et de la loi du clan.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
16 octobre 2023
Un roman à suspense.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Marianne_
06 octobre 2023
Après « Madame Hayat » (prix Fémina étranger 2021), voici « Les Dés », le nouveau roman d’Ahmet Altan. Il s'articule autour de Ziya, un personnage ténébreux hanté par un enfer intérieur, au temps de la fin de l'empire ottoman, entre violence et volupté.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Il savait ce qu’était le meurtre, il savait qu’en tuant il mourrait lui-même, puis ressusciterait. L’espace d’un court instant, il cesserait de vivre, puis la vie reprendrait. Un jeu taillé pour son âme. La vie ne lui suffisait pas, l’ambition et la colère qui l’animaient étaient étrangères à la vie, il brûlait d’un désir de mort.
Il était né avec la passion terrible de vouloir tout consumer, tout épuiser, avec un appétit sans fin. Seuls le jeu et le crime savaient assouvir cette passion. Plus il s’épuisait, plus il se sentait fort et maître de son destin. Il ne pouvait vivre à moins. La seule idée d’une existence sans honneur, faite de peur et d’humiliations, comme celle de l’informe masse humaine qui passait sous ses yeux, lui était insupportable.
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Il sortit presque en courant pour aller au casino. Son air faisait peur à voir. Il posa sur la table tout l’argent qu’il avait dans les poches. Il désirait perdre, avec une rage animale. Il désirait se battre. Il désirait tuer quelqu’un. Il désirait s’arracher aux vagues, il voulait la paix. Quand les dés roulaient, il se calmait ; quand ils s’arrêtaient, la colère revenait. La vie était belle, mais si pleine d’impossibilités, on n’avait pas la force de la changer, de la modeler selon son désir, on jetait les dés et on ne gagnait pas, mais si l’on ne jetait pas les dés, on perdait quand même. On pouvait être à la fois très heureux et très triste, on n’y comprenait rien. Il gagna toute la nuit. Cela le mit encore plus en rage. Il désirait quelque chose, il désirait terriblement une chose, seulement il ne l’obtiendrait pas. La vie ignorait ce que les dés font connaître.
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Son honneur blessé l’obsédait tellement qu’il ne voyait qu’une façon de le réparer : le meurtre. Par un certain côté – le fait de placer son honneur au-dessus de la vie, la sienne comme celles des autres – il ressemblait aux aristocrates d’autrefois. Mais ce qui le distinguait du comte qui risque sa vie dans un duel, c’était qu’il ne savait pas défendre son honneur autrement, incapable qu’il était d’exprimer sa cause de manière subtile et raffinée. Ce manque d’éducation et de finesse était ce qui, le séparant du noble, faisait de lui un assassin.
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Avec ses épais murs recouverts d’algues, ses fils de fer barbelés, ses murs de garde, ses portes métalliques, l’effrayant édifice de la prison de Sinop, sur la côte de la mer Noire, paraissait, à qui le regardait de loin, une vision de l’enfer. Ceux qu’on enfermait là avaient peu de chances d’en sortir. Ils expiaient leurs péchés par un long pourrissement. La plupart étaient des meurtriers. On y envoyait aussi parfois des prisonniers politiques que le pouvoir voulait bannir loin de la capitale.
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C’était un enfer, mais sa conscience d’avoir accompli un péché superbe qui méritait l’enfer était un rempart contre l’enfer. Il tuerait encore si nécessaire, ici comme ailleurs. Du reste, l’envie le traversait parfois de tuer à nouveau, il se disait que cela rappellerait à tout le monde qui il était, comme un coup de neuf. Et s’il ne parlait à personne, tout le monde étrangement sentait que cet homme-là pouvait tuer à chaque instant, tant il avait cet air sombre, silencieux et froid qui effraie même les assassins.
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