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EAN : 9782234064638
240 pages
Stock (08/09/2010)
3.5/5   2 notes
Résumé :

L’idée que l’avenir de l’humanité se trouve dans le passé et que la solution aux problèmes du présent est à chercher du côté d’une sagesse venue du fond des âges n’est pas neuve. Chaque époque a connu la tentation du primitivisme. L’incertitude idéologique actuelle lui donne toutefois une vigueur nouvelle. Le regain d’un tourisme mystique cherchant au l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Autant le dire d'emblée, si je partage les grands axes d'analyse de l'auteur (lutte contre la naturalisation ou l'essentialisation des relations sociales et des populations, inscriptions toujours historiques des données humaines, insistance sur la recherche d'universaux abstraits et concrets, refus de l'enfermement ou de la réduction de l'être à une identité fantasmatique, ou refus de l'abandon d'un principe d'espérance orienté vers l'avenir, etc.) je n'en tire pas forcément les mêmes conclusions. Mais c'est là le propre de la dispute politique qui est irréductible, et inversement, aux débats plus théoriques.

Il me semble que Jean-Loup Amselle ne prend pas assez compte les conséquences matérielles des fantasmagories (constructions sociales) élaborées et donc les possibles moyens pour desserrer les contraintes réelles, pour réduire les écarts entre le ressenti/vécu inscrits dans le quotidien et les idéaux plus ou moins théorisés.

Les femmes et hommes, sous les multiples impositions sociales (qu'elles soient fictives ou réelles importent peu ici) restent toujours des actrices et des acteurs.

Recueil d'articles, le livre est riche de multiples dimensions, que je ne saurais évoquer ici. Et quant à choisir, je commence par quelques conclusions du livre qui illustrent bien, à mes yeux, les propos de l'auteur :

« Détestable parce qu'on enferme l'individu dans un nous collectif, dans une sorte de prison identitaire, du monde, manière quelque peu condescendante de désigner tout ce qui n'est pas le centre‘occidental, universel, la case absente du musée du Quai Branly, l'Europe en un mot, qui ne fait l'objet d'aucune exposition, qui ne s'expose pas au regard de l'autre exotique, elle. »

« Plutôt que de se fondre dans l'objet de recherche, il me semble que le regardeur doit aussi s'observer lorsqu'il regarde et que son rapport à l'objet ou au sujet doit être envisagé comme le rapport entre deux sujets, comme un rapport d'élocution susceptible d'être lui-même observé des deux cotés. »

« Il devrait être possible pour des individus se réclamant d'identités différentes de parvenir à l'élaboration d'un savoir réciproque, d'une coproduction des visions, des regards, des perceptions relatives aux uns et aux autres, à propos des uns et des autres. »

« Il s'agirait donc d'une intercompréhension entre des individus et des groupes, multiculturelle si l'on veut, mais qui ne ferait pas a priori l'hypothèse de l'inscription des individus dans des communautés de référence. »

Dans son introduction, Jean-Loup Amselle indique que ce qui l'intéresse « c'est de mettre en avant la spécificité du primitivisme actuel, phénomène lié à la fin des grands récits, des téléologies profanes, des Lumières au marxisme, à la chute du mur de Berlin, etc. »

De de ce point de vue, l'auteur va critiquer la « sorte d'anthropologie » qui se développe aux dépens « d'un secteur de la discipline plus attaché à l'historicité et à la contemporanéité des différentes cultures exotiques. »

Les textes sont regroupés en trois parties « Politiques », « Anthropologiques » et « Artistiques ». Je ne m'attarderais que sur la première.

L'auteur critique la gauche et l'extrême gauche dans « leur incapacité à penser l'historicité du religieux et celle de l'exotique, d'une part, et à un mauvais usage de l'universalisme, d'autre part. » L'auteur souligne que la religion est souvent envisagée « sur le strict plan des valeurs, en bien et en mal », cette appréhension faisant « écran à une compréhension sereine d'un phénomène social ». Il insiste aussi sur la non prise en compte des conditions historiques des réalisations/pensées religieuses, leur abstraction atemporelle ou l'ostracisation des religions minoritaires par la République.

Il critique aussi l'autre coté : « Cette volonté de fixer des identités, par définition mouvantes, a pour effet de renvoyer les acteurs sociaux minoritaires à leurs supposées cultures d'origine, de même que d'assigner à résidence identitaire tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont revendiqué une spécificité par rapport au mainstream identitaire. »

Je partage la double charge contre un « Occident déshistoricisé et érigé en juge absolu de l'ensemble des cultures du monde » et contre le relativisme qui dénie les caractéristiques communes aux différentes cultures « Si le fait d'imposer les droits de l'homme (ou de la femme) constitue un mauvais usage de l'universalisme, et attire à juste titre les foudres des postcolonialistes, le relativisme culturel de ces derniers n'est pas non plus une solution satisfaisante dans la mesure où il empêche la saisie de ce que les Anglo-Saxons nomment commonalities, c'est à dire les caractéristiques communes aux différentes cultures. »

A l'heure où certain-e-s prônent l'exemplarité d'une République a-historique, en oubliant à la fois la république impériale et colonisatrice et son autre possible « démocratique et sociale » et où d'autres sur-valorisent des temps (irréels) enfouis ou reconstruits dans les mémoires en niant les inscriptions de toutes les constructions sociales dans l'histoire et en relation avec d'autres, ce livre est plus que le bien venu.

Il devrait permettre des débats théoriques plus englobants sur le fond et des disputes plus concrètes sur les politiques à déployer, sur les politiques à choisir démocratiquement, loin des illusoires passés mais en prenant en compte les effets biens réels, discriminants, hiérarchisants ou racialisants des passés et des présents.

De l'auteur dans la même collection : L'occident décroché. Enquêtes sur les postcolonialismes (Paris 2008)
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Plutôt que de se fondre dans l’objet de recherche, il me semble que le regardeur doit aussi s’observer lorsqu’il regarde et que son rapport à l’objet ou au sujet doit être envisagé comme le rapport entre deux sujets, comme un rapport d’élocution susceptible d’être lui-même observé des deux cotés.
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Si le fait d’imposer les droits de l’homme (ou de la femme) constitue un mauvais usage de l’universalisme, et attire à juste titre les foudres des postcolonialistes, le relativisme culturel de ces derniers n’est pas non plus une solution satisfaisante dans la mesure où il empêche la saisie de ce que les Anglo-Saxons nomment commonalities, c’est à dire les caractéristiques communes aux différentes cultures.
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Détestable parce qu’on enferme l’individu dans un nous collectif, dans une sorte de prison identitaire, du monde, manière quelque peu condescendante de désigner tout ce qui n’est pas le centre‘occidental, universel, la case absente du musée du Quai Branly, l’Europe en un mot, qui ne fait l’objet d’aucune exposition, qui ne s’expose pas au regard de l’autre exotique, elle.
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Cette volonté de fixer des identités, par définition mouvantes, a pour effet de renvoyer les acteurs sociaux minoritaires à leurs supposées cultures d’origine, de même que d’assigner à résidence identitaire tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont revendiqué une spécificité par rapport au mainstream identitaire
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Il devrait être possible pour des individus se réclamant d’identités différentes de parvenir à l’élaboration d’un savoir réciproque, d’une coproduction des visions, des regards, des perceptions relatives aux uns et aux autres, à propos des uns et des autres.
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Videos de Jean-Loup Amselle (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Loup Amselle
C?est dans la conjoncture de l?après Deuxième Guerre mondiale et de la conférence de Bandung (1955) qu?émerge le paradigme postcolonial, courant d?idées qui accompagne l?entrée sur la scène internationale des pays décolonisés dits du « Tiers Monde ». Dans leurs critiques de la domination occidentale, le ou les postcolonialisme(s) ont mis en avant la traite esclavagiste transatlantique et la colonisation. Progressivement, une théorie plus radicale s?est imposée : la « pensée décoloniale », qui fait remonter à la découverte des Amériques, en 1492, la mise en ?uvre d?une nouvelle formule de domina¬tion sociale et d?exploitation économique, désormais indexée sur la notion de race.
À partir de leurs itinéraires respectifs, le philosophe Souleymane Bachir Diagne et l?anthropologue Jean-Loup Amselle dialoguent sur des questions cruciales qui engagent les rapports entre l?Afrique et l?Occident : l?universalisme, les spécificités culturelles et linguistiques africaines, le soufisme ouest-africain, le panafricanisme.
Ces échanges reposent sur la conviction partagée que toutes les entreprises qui visent à établir une communication entre les différentes cultures humaines de notre planète sont salutaires, car elles permettront d?abattre les barrières réelles ou imaginaires qui fragmentent notre monde.
http://www.albin-michel.fr/ouvrages/en-quete-dafrique-s-9782226397195
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