Dans un avenir à court terme.... Centrum, la Mégapole. Les pluies éternellement acides sur les bas-fonds, le plein soleil de chaque jour sur les quartiers huppés.
C'est le territoire de chasse du "Furet"
Son job est simple.
Il consiste à réguler la population d'une Terre surpeuplée.
En maraude quotidienne, il traque et tue ses proies. Celles tirées au sort tous les jours par l'Ordi Central. Des gens comme vous et moi: homme, femme ou enfant; jeune, vieux ou dans la force de l'age. L'Objectif: pratiquer des "retraits" en nombre suffisant pour maintenir un taux de population acceptable.
Le furet est un fonctionnaire assermenté. Il est reconnu d'utilité publique. Ses horaires de travail ont une amplitude légale. Il est soumis au secret professionnel, est protégé par un syndicat. Il tient un rôle à hauteur valeur civique: celle d'exécuter, en toute impunité, une sentence de mort cadrée par la loi, une douzaine de fois par jour (jours de repos exclus) au service de l'intérêt collectif.
Lui et quelques autres visent, sur ordre gouvernemental, 500.000 retraits légaux par an.
Un travail comme un autre ...
Parce qu'il faut bien quelqu'un pour les basses œuvres. Parce que c'est comme çà que tourne le monde du "furet". Légalement. Pour la simple et banale survie du plus grand nombre. Tant qu'un tueur assermenté acceptera ce principe du moins pire au nom du collectif.
Le furet ne porte ni nom ni prénom.
Andrevon a choisi d'en priver son personnage principal, de le remplacer par un "Je" narratif masculin qui conduit le récit de bout en bout.
Ce choix d'auteur ne me semble pas anodin. C'est dans la nature d'Andrevon de ne se faire aucune illusion sur l'humain. N'importe qui, au grand jeu du furet, peut faire l'affaire. Il suffit de le conditionner, de lui asséner qu'il fait œuvre utile, que la loi du plus grand nombre est la seule qui vaille.
Ôter des vies, une douzaine par jour, ne lui cause aucun problème, il n'est que la petite main sans responsabilité autre que celle d'obéir aux ordres. A sa hiérarchie de se débrouiller avec les problèmes de conscience qui rôdent.
C'est un tueur froid, presque solitaire, sans états d'âme, sans regret ni remord. Muet comme une tombe sur ce qu'on lui demande de faire, il exerce ce travail devenu contrainte quotidienne jusqu'au bout de l'ennui. Il s'offre néanmoins le choix des armes pour faire plier la routine à sa convenance: le pistolet sur la nuque qui éclate les vertèbres, le couteau qui éviscère du périnée au sternum, la grenade qui éparpille la chair et les os ... etc
Le furet, le soir venu, rentre au terrier. Il y prend connaissance du listing des "poules" du lendemain. Ses cibles en attente lui importe d'ordinaire peu... si ce n'est qu'un soir, un nom inattendu apparait. La donne, le concernant, vient de changer. Il va devoir gratter sous la surface des choses....
La suite appartient au roman...
Les dés, bien entendu, seront pipés.... quand surgira de derrière les décors truqués une autre réalité encore plus sombre que la précédente
... mais de ce twist d'auteur je ne dirai rien. A vous de passer derrière le miroir.
"Le travail du furet" sort en 1983, un an après "Blade Runner", l'adaptation ciné que fit Ridley Scott de "Les androïdes rêvent t'ils de moutons électriques" de Dick.
On retrouve le background visuel urbain entrevu par le réalisateur ciné: la pluie, la fumée, la pollution, l'éternelle demi obscurité. La traque des six réplicants imaginée par Dick s'étend avec Andrevon à des milliers d'hommes et de femmes.
Les Nexus-6 de Dick ne sont que des androïdes à durée de vie courte pour restreindre leur humanisation. Les cibles sacrifiées d'Andrevon sont pleinement humaines, des souvenirs réels construisent ce qu'elles étaient.
L'auteur français semble ainsi avoir voulu aller plus loin.
Si ce n'est que son propos est ailleurs: au sein de la dystopie évidente il inclut un pastiche du polar noir US des années cinématographiques hollywoodiennes 30's et 40's.
Je m'explique.
Le héros d'Andrevon passe son temps libre à visionner de vieux films de l'époque, les allusions et les références abondent. Laureen Bacall et Humprey Boggart, entre autres, sont souvent cités. Le furet traque ses cibles déguisé en détective typique, stetson noir et gabardine blanche. Le "Je " narratif reprend les tics et les codes du polar noir; les grosses ficelles du genre sont de sortie, cynisme, humour à froid et allusions salaces parfois. Le furet prend l'air désabusé, fataliste; il devient volontiers bagarreur. Tout le récit se fait à la manière de Chandley ou de Chase.
Belle réussite sous cet angle là.
Alors que limité à la mouvance dickienne revue par Ridley Scott le propos aurait pu paraitre opportuniste.
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