Loin de me contenter d'étudier les reculs ou les retours allégués des religions révélées, des religions de la transcendance, je prends complémentairement en compte les théories qui débattent de l'emprise, de la dissolution récente et des résidus actuels du sacré politique, de cette « sacralisation de la politique » qui fut le propre du 20e siècle. Je cherche à évaluer les conséquences de la perte de foi dans les gnoses et les messianismes séculiers et millénarismes de naguère. Comme on le perçoit par mon évocation de ces trois notions, je m'appuierai sur une tradition intellectuelle qui remonte à Éric Voegelin, Jacob Taubes et Karl Löwith et qui interprète les idéologies totales du 20e siècle, socialisée et fascistes, comme des « religions politiques », produits hybrides de l'étape historicité du désenchantement.
Ceci m'amène à interroger la conjoncture nouvelle comme résultante la fois de l’effondrement de ces religions politiques à la fin du siècle vingt et des ultimes progrès de l'anomie et de la privatisation des croyances religieuses traditionnelles — deux notions importantes que je reprends et réexplique à leur tour.
Marc Angenot : du fascime .Marc Angenot interrogé à Paris, pour Mediapart, par Antoine Perraud (décembre 2014).