J'ai apprécié la lecture de ce livre, qui se lit assez facilement. En plus d'être une fresque de la vie pendant la guerre, on suit les derniers jours de ces noms inscrits sur un monument aux morts. Inscrit là, parfois depuis presque un siècle, sans pour autant qu'on sache de qui on parle. Combien d'entre-nous se retourne encore sur ces figures de marbres ? Chacun avait sa vie, ses problèmes, ses difficultés. Sur un fond d'humour et de bienveillance pour ces disparut, l'auteur nous dit qu'au moins, les problèmes ont été résolus !
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– Hé ! Monsieur le Maire ! Qu’est-ce tu fous donc par là ?
C’est ce grand flandrin d’Escoffier, qui fait partie de son conseil.
– Je vais à Thiers, voir le sous-préfet. Rapport au monument.
– Alors, monte un peu. Je t’emmène.
– Non, non. Faut que j’aille à pied.
– Pourquoi que t’irais à pied quand je t’offre le transport, gracieusement ? T’es déjà enfariné comme un gardon. Qu’est-ce qu’il pensera de toi, le sous-préfet, quand il te verra dans cette apparence ?
– Enfariné, c’est ce que je veux ! Tout juste, Auguste ! Il pensera que j’ai pas les moyens de voyager en voiture.
Depuis le fond des temps, sa race s’était prémunie contre toutes les calamités que le bon Dieu envoie au pauvre monde. Un rayon de l’armoire était rempli de remèdes éprouvés : queues de cerise pour distendre la vessie ; herbe de millepertuis contre les ballonnements ; romarin contre la faiblesse cardiaque ; fleurs de sureau et de camomille contre les coliques ; fleurs de foin à prendre en bains de pieds contre les maux de dents ; pétales de lys conservés dans l’huile pour les blessures… Un brin de bruit bénit au-dessous du crucifix protégeait la maison des incendies et de la foudre ; en cas d’orage, on en faisait brûler une ramille. – p.16
En fait, vus d’ici, c’est-à-dire de la pièce où j’écris ces lignes noires sur mon papier blanc, c’était plutôt un brave troupeau marchant tout seul vers l’abattoir. Car, de tous les bestiaux, l’homme est le plus docile ; les autres ont besoin qu’on les pousse, qu’on les encadre, qu’on les fouette, qu’on les tire jusqu’au lieu de leur mort : avec lui, il suffit d’une chanson, d’un mot d’ordre, d’un bout de papier grand comme la main ; et il court à la boucherie aussi agile qu’un virolet. – p.237-238
Bon gré, mal gré, je dus accepter cette injustice : les femmes ne figurent jamais sur les tablettes des monuments aux morts. Même si elles ont péri de la façon la plus militaire qui soit : mitraillées, gazées, écervelées, fusillées, bombardées, canonnées. Même si elles sont mortes de la mort des autres : ceux qui y ont droit. – p.40
Donc les histoires disaient que le vieil Annet Fafournoux était incroyablement économe, ce qui est une grande vertu que certains appellent avarice. Qu’ils l’appellent comme ils voudront ; mais cette qualité-là fut pendant des siècles, non seulement l’honneur, mais le fondement de l’Auvergne. – p.52
A l'occasion du centenaire de l'écrivain auvergnat Jean Anglade, les éditions Presses de la Cité proposent un cycle de lectures dans la régions. Elles ont confié à "Acteurs, Pupitres et Compagnie" la mise en place de ces lectures et la sélection des extraits de textes parmi les plus remarquables de Jean Anglade.
En savoir plus : http://bit.ly/1KPtMBy
Sa première ?période bleue? de romancier social des années 50 à 70, sera particulièrement mise en lumière avec ses oeuvres plus littéraires (Des chiens vivants) puis ses textes populaires dans sa veine auvergnate à partir de 1969 (La pomme oubliée). Ces lectures donneront à découvrir ou redécouvrir un grand auteur qui a su fédérer un public nombreux, fidèle, transgénérationnel. Il est un homme aux valeurs humanistes et son oeuvre considérable aborde des genres et des sujets très différents: romancier, essayiste, traducteur (de Boccace et de Machiavel), biographe, mais surtout intarissable conteur, Jean Anglade est l?auteur d?une centaine d?ouvrages.
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