Mony Vibescu est un personnage atypique, roumain, richissime, héréditaire du titre d'Hospodar, c'est-à-dire ce qui pourrait correspondre au titre de sous-préfet, ce dernier s'auto-proclame "prince" trouvant ridicule de recevoir et porter un titre administratif. Lassé de se faire enculer par son ami Brandi Fornoski, vice-consul de Serbie, il décide de partir pour Paris, cette ville où les femmes sont, dit-on, toutes belles et ont aussi le cuisse légère.
C'est ainsi que débuteront les aventures du Prince Mony Vibescu qui l'emmèneront à traverser toute l'Europe, en passant par la Serbie pour finir à Port-Arthur en plein conflit russo-japonais.
A travers ce récit,
Apollinaire trace un portrait caustique d'une Europe déchirée par des tensions intestines où fleurit les coups d'État fomentés au service d'intérêts personnels alors que l'Empire Russe affaibli est en lutte avec le Japon pour la domination du Pacifique. L'oeuvre d'
Apollinaire est une satire politique visant à entacher les gouvernants et les puissants qui régissent une Europe vieillissante issue des poncifs décadents du 19ème siècle. Son récit est éminemment subversif et d'une grande richesse et il fourmille d'allusions politiques et militaires et les évènements évoqués et les personnalités citées appartiennent tous à l'histoire.
Le but d'
Apollinaire est évidemment de choquer ses contemporains, avec violence, avec le secret espoir de réveiller les consciences mais sans jamais se départir d'une forte dose d'humour.
Son récit est jouissif, et même si aujourd'hui le contexte historique nous est bien flou (en tout cas pour des lecteurs comme moi peu au fait du contexte politique de l'époque), sa verve et son style font mouche.
Publié en 1907, ce roman est antérieur aux Exploits d'un Jeune don Juan qui paraît bien sage et bien conventionnel face à ce précédent opus. En effet dans
Les Onze Mille Verges, toutes les perversions possibles et imaginables y passent. Pédérastie, pédophilie, scatologie, nécrophilie, ondinisme, onanisme, sadisme, masochisme, meurtres et j'en passe et des meilleurs. Ici on tue des hommes, des femmes, des enfants, des bébés même, sans aucun état d'âme. Enfin bref c'est comme si tout à coup vous étiez dans la peau d'un fornicateur tueur en série et tous ces événements horribles sont racontés avec le plus grand des naturels comme s'il s'agissait de la normalité. Il faut quand même avoir le coeur bien accroché pour en poursuivre la lecture et si le décalage volontaire entre les situations d'une extrême cruauté et la verve jubilatoire dont elles sont racontées ne rendaient pas le récit d'une grande drôlerie, je crois que sa lecture en serait carrément impossible.
Avez-vous vu ce film "C'est arrivé près de vous" de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde ? Nous sommes ici avec ce roman dans le même registre d'humour noir... Peut-être en pire même !!! Et en 1907 !!! C'est dire !!!
Avec
Les Exploits d'un jeune don Juan,
Apollinaire voulait alerter ses concitoyens sur la nécessité de procréer, ici il se livre à une satire politique de l'époque dans laquelle il vit.
En tout cas,
Apollinaire, c'est sûr quand il a quelque chose à dire, il n'y va pas par quatre chemins et il ne fait pas semblant, c'est le moins qu'on puisse dire.
Jugez-en par vous-même...
Les Onze Mille Verges... Une lecture que je ne vous conseille pas !!!
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