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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un roman court mais intense en émotion et bouleversant, un livre qui m'a mise dans le questionnement. C'est avec pudeur, sensibilité, subtilité et poésie, que l'auteure ,nous laisse entrer, dans un pan de sa vie, la quête de ses origines. Elle remonte le cours de l'histoire , jusqu' à ses trisaïeux, surnommés les "Déplacés". Ces derniers , ayant quittés l'Inde, vers l'île Maurice pour travailler dans les plantations de cannes à sucre, une main d'oeuvre à moindre coup pour les exploitants. Des hommes et des femmes , marqués par un numéro pour pouvoir les identifier, eux qui pensaient retrouver un sens à leur vie, un retour à leur dignité ,
L'auteure voue un amour pour ses grands parents, principalement son grand père, cet homme fort qui a osé se rebeller face à cette situation, un homme qui dégage de l'empathie, L'auteure dévoile , son enfance, sa vie avec parents et ses grands parents, eux seuls pourront trouver, combler les réponses aux questions qu'elle se posait Un livre remarquablement documenté , une partie de l'histoire que je ne connaissais pas, le début qui commence par le vol d'étourneaux qui migrent comme chaque année, un reflet de l'histoire de l'auteure, à travers la migration de sa famille et également d'autres personnes, Tout est écrit avec une grande délicatesse
A lire de toute urgence.

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Dans un magnifique premier chapitre plein d'incertitudes, de questions et de poésie, Natacha Appanah nous parle du mystère que constituent les murmurations d'étourneaux, ce qui lui permet de commencer à s'interroger sur ce qu'est la mémoire. La Mémoire délavée nous propose une réflexion sur la mémoire et son fonctionnement autant qu'un récit sur les origines familiales. Entre 1834 et 1920, après l'abolition de l'esclavage, les colons manquèrent brusquement de main d'oeuvre et trouvèrent dans certains pays où la misère est endémique, l'Inde entre autres, une main d'oeuvre bon marché (très bon marché). On transporta cette main d'oeuvre en bateau, dans des conditions souvent épouvantables, là où le besoin se faisait sentir, dans les plantations de canne à sucre de l'île Maurice, par exemple. Les arrivants s'engageaient à servir pendant plusieurs années, d'où le nom de cette pratique, l'engagisme. Contrairement à ce qu'elle avait toujours cru (ou voulu croire, nous explique-t-elle), à savoir que c'étaient ses arrière-grands-parents qui étaient arrivés sur l'île Maurice au début du XXe siècle et qu'ils avaient rejoint une communauté déjà installée, elle découvre que ce n'est pas le cas. En 2022, elle entre en possession de trois fiches des archives qui lui prouvent que c'est le grand-père de son grand-père qui est arrivé le premier, dans les conditions que l'on connait, et non pas dans celles que sa mémoire lui renvoyait : « Mon esprit les a lavés, ces ancêtres, essuyé leurs visages, coiffé leurs cheveux, habillé de vêtements propres, éloigné des cales de bateaux et de la perspective du labeur quotidien des champs de canne. C'est une image presque proprette. C'est une mémoire délavée » (p. 30). Natacha Appanah possède bien peu de renseignements sur les deux générations qui ont précédé celle de ses grands-parents, mais elle s'attache ici à recueillir tout ce qu'elle peut. Elle retracera surtout la vie de ses grands-parents, toujours en s'interrogeant sur la mémoire et sur son étrange fonctionnement, avec ses détours, ses oublis, ses transformations, sa réécriture, en somme… Je reste sous le charme de l'écriture de l'autrice et de la forme qu'elle a donné à cet ouvrage. On y sent toutes ses interrogations, ses hésitations, ses doutes, son envie de transmettre des souvenirs « vrais » tout en étant consciente de la gageure. Elle s'interroge beaucoup sur la transmission volontaire des souvenirs et sur la mémoire transgénérationnelle, sans apporter de réponse, bien sûr, mais avec une sincérité et de fréquents retours sur soi qui m'ont infiniment touchée. Un très beau livre.

[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de Elle de 2024]
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C'est un beau livre qui a été pensé je crois jusque dans le choix du papier, la taille et la police d'écriture, les photos choisies, en noir et blanc, pour un travail de mémoire qui compte.
C'est l'histoire du trajet migratoire des aïeux de Nathacha Appanah, quittant l'Inde en 1872 pour rejoindre l'île Maurice. C'est à Port-Louis qu'ils furent employés comme coolies et devinrent les « engagés » en remplacement des esclaves noirs et pour travailler dans les différentes exploitations et champs de cannes à sucre. C'est un témoignage et une réhabilitation qui tend à inscrire chacun des siens dans une lignée représentative restituée. Mais c'est surtout un somptueux drapé que Nathacha Appanah revêt aujourd'hui et dont chaque plis, texture, épaisseur la constitue elle-même en tant que personne à travers les générations. La douceur du récit nous mène en appartenance de cette famille par un lien affectif invisible et pourtant perceptible. L'envol se fait dès la première page.
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"La mémoire délavée" est un magnifique album de famille proposée par Natacha Appanah dont les figures principales sont le grand-père et la grand-mère de l'auteure. Elle plonge dans ses souvenirs et ce travail intime qui débute par des réminiscences se transforme peu à peu en une évocation de plus en plus précise d'une jeunesse mauricienne avec une double éducation, celle moderne de ses parents et celle traditionnelle de ses grands-parents. Ce « roman » familial sera l'occasion pour quelques lecteurs de découvrir un point important mais méconnu de l'histoire coloniale, celui de l'engagisme. Au milieu du XIX° siècle, lorsque l'esclavage est progressivement aboli, l'économie coloniale, notamment l'agriculture et plus particulièrement la canne qui produit le sucre, le carburant de l'économie, doit compenser la baisse drastique de la main-d'oeuvre. Les décideurs d'alors mettent en place des contrats de travail qui sont proposés à des ouvriers des pays pauvres. La péninsule Indienne qui est déjà un réservoir démographique important fournira 85% de ce « prolétariat » à qui l'on fera miroiter des opportunités d'enrichissement. Les capitalistes contemporains dénoncés pour leur action prédatrice peuvent s'enorgueillir de puiser leur ADN dans cette exploitation éhontée de la misère. La communauté historienne est unanime à considérer que les conditions de vie de ces engagés et de leurs familles n'étaient guère plus enviables que celles des esclaves, à une différence notable : le statut d'homme libre. L'engagisme concerna 1 million 500 personnes dont un tiers vers Maurice. 120 000 travailleurs partirent aussi vers la Réunion et quelques dizaines de milliers vers la Guadeloupe et la Martinique. L'objet de ce livre n'est pourtant pas d'engager un débat mémoriel sur la responsabilité des empires et de leurs descendants. Natacha Appanah s'interroge sur les héritages culturels au sens large, sur les persistances de comportements liés à ce statut d'engagé, sur les conditions de ce déracinement sur les différentes générations. Qu'est-ce que l'on perpétue ? Qu'est-ce que l'on transforme ? Les réflexions de l'auteure, probablement étayées par une importante recherche documentaire ne bascule jamais dans la thèse historique mais s'efforce de maintenir le plus vivant possible le récit de cette transmission familiale. Les passages émouvants se succèdent mais l'espièglerie se niche parfois dans certaines anecdotes. L'écriture cristalline de ce court ouvrage ainsi que l'apport judicieux de photos de famille ou de documents aidant à la compréhension de cet essai, contribuent à l'émotion ressentie. Dans le débat actuel sur l'immigration, ce livre est un élément supplémentaire qui devrait permettre d'éviter les erreurs du passé. La circulation des populations qui cherchent ailleurs des conditions de vie meilleures n'est pas un phénomène contemporain, elle est inévitable et surtout légitime. La vraie question n'est pas de savoir si nous devons ou non accueillir ces femmes et ses hommes mais comment le faire. La mémoire délavée est un vibrant hommage à ces migrants d'hier. Parmi ceux d'aujourd'hui se trouvent sans doute des grands-parents des Natacha Appanah du XXIIème siècle.
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C'est un pur moment de grâce que ce livre proposé par Natacha Appanah. Ni roman, ni autobiographie, il remonte avec l'autrice le fil d'une mémoire sépia dans les pas de sa propre famille.
Natacha Appanah est née et a grandi sur l'île Maurice, mais elle est aussi l'arrière arrière petite-fille de coolies venus de l'Uttar Pradesh en Inde. Ce texte compose un tressage subtil d'émotions, de couleurs et de réminiscences.
Vers 1870, ses ancêtres, un couple et un enfant de 11 ans ont signé pour l'engagisme (Indentured Labour), forme de travail sans contrat créé pour pallier aux pénuries de main d'oeuvre après l'abolition de l'esclavage. Des milliers d'indiens ont ainsi quitté leur terre et leurs racines et ont osé franchir l'eau noire (l'océan Indien), bravant ainsi l'un des interdits majeurs de leur foi.
Sitôt sur les bateaux, ces hommes et femmes perdaient leur nom et leur histoire, n'étant plus que des numéros de la comptabilité mobilière des maîtres des exploitations de cannes à sucre ou de coton.

Au fil des phrases se dessine une reconstruction, l'appropriation d'un sol nouveau et d'une culture différente. Comme on en enfile un costume neuf sans jeter l'ancien, au fil des générations et des ascensions sociales, sa famille s'est faite Mauricienne tout en gardant ce soupçon de cari venu des temps anciens et d'une patrie que l'on a fini par oublier.
C'est un magnifique chemin de résilience d'où le personnage du grand-père de l'auteure émerge avec plus de force et de netteté, comme si les mots tendrement choisis de sa petite-fille arrachaient les oripeaux de l'exil pour qu'il devienne une simple migration, semblable à celle des étourneaux.
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Nathacha Appanah cherche, fouille ses souvenirs et ceux de ses proches, des archives, signe un récit vibrant d'émotion, aussi pudique qu'intime. Elle retrace les pas de ses ancêtres, puis de ses grands-parents, le coeur battant et lumineux de ce livre (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/09/10/la-memoire-delavee-nathacha-appanah/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Quelle forme doit prendre l'écriture pour parler du passé, de sa famille, de ceux que l'on a connus mais qui n'ont pas tout dit, qui sont restés secrets et humbles ? La question est difficile, surtout quand on est romancière et que l'on a pour habitude d'écrire des fictions. Peut-être n'y a-t-il pas de réponse. Ou bien faut-il se lancer sans se demander quel sera l'effet produit. Les étourneaux en plein vol n'ont pas conscience de la beauté de leur mouvement. Ils volent. Nathacha Appanah va donc se lancer, elle-aussi, écrire sur ses ancêtres coolies qui ont quitté l'Inde pour aller travailler sur l'Île Maurice à la fin du XIXe siècle. La traversée a duré sept semaines. À leur arrivée, on leur donne un numéro. 358444, 358445, 358448. Terrible déshumanisation. Un couple et un enfant. Des trous dans la suite de nombres laissent toujours imaginer le pire. Quitter sa terre pour devenir un esclave ailleurs s'appelle l'engagisme. Un autre terme pour dire l'esclavage. Remplacer les esclaves noirs dans les champs de canne à sucre après l'abolition de l'esclavage. Un virgule cinq millions d'Indiens qui ont quitté leur pays, leur village, leur famille pour travailler ailleurs, là où on leur faisait croire que de l'or était caché sous les rochers. Encore une histoire de domination. Comment être précis pour raconter ce qu'ils ont vécu ? Que reste-t-il de ce qui s'est transmis oralement ? Évidemment, on peut interroger les parents, les grands-parents mais ils répondent : « c'est vieux tout ça ». Alors, on se fait une idée, on les imagine, on les invente au risque d'en faire une fiction. « Mon esprit les a lavés, ces ancêtres, essuyé leurs visages, coiffé leurs cheveux, habillés de vêtements propres, éloignés des cales de bateaux et de la perspective du labeur quotidien des champs de canne. C'est une image presque proprette. C'est une mémoire délavée. »
C'est avec beaucoup de sensibilité et de pudeur que Nathacha Appanah fait le récit de ses ancêtres sur l'Île Maurice sans jamais cesser de s'interroger sur la façon de restituer leur quotidien. Comment les mots d'aujourd'hui vont-ils exprimer, sans jamais les déformer, les moeurs d'autrefois : l'accouchement d'une femme, la grand-mère, seule, accroupie, sur une toile de jute. Comment raconter la poliomyélite du père soignée par sa mère à l'aide de feuilles de noni écrasées en cataplasme, infusées dans de l'huile chaude et pressées en jus. Parce qu'elle se méfiait de l'hôpital et des médecins. Combien la grand-mère a-t-elle eu d'enfants ? Douze, quinze ? Sept ont survécu. Comment continue-t-on à vivre quand on a perdu cinq enfants ? Comment se lève-t-on tous les matins pour aller travailler jusqu'à la nuit tombée dans les champs ? Quels mots, quelles phrases pour dire cela, pour restituer ce qu'elle fut, pour ne pas se tromper et la saisir dans toute sa complexité et sa richesse ? Quelle bonne distance adopter pour dire ceux qu'on a tellement aimés ?
L'autrice raconte aussi son enfance entre ses grands-parents qui ne savent ni lire ni écrire et des parents instruits et diplômés. Une enfance en équilibre sur un fil entre le passé et le présent, les temps anciens et la modernité, l'ici et l'ailleurs.
Un texte magnifique et vraiment très émouvant qui rend hommage à ces vies de là-bas, dont on sait si peu de choses.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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"La Mémoire délavée" paraît dans cette collection du Mercure de France, "Traits et portraits" que j'aime beaucoup car elle offre des livres soignés, sur papier glacé, illustrés joliment. Bref, c'est d'abord un très bel objet à offrir.

Quand on l'ouvre, c'est le style qui envoûte, bien timbré, équilibré, apaisant, émaillé de phrases comme des bijoux qu'on ne peut s'empêcher de souligner ou de recopier dans un carnet comme autant de trésors glanés sur la route de la lecture. J'aime cette délicatesse du trait pour parler des traces du passé de sa famille, comme des "empreintes sur le sable". Nathacha Appanah caresse ce qu'elle évoque, et ceci même quand elle parle d'exil, d'asservissement ou d'injustice.

Cette qualité stylistique n'est pas décorative, elle dit le désir qu'en a l'auteure de ne pas abîmer son sujet, de ne pas asservir en l'évoquant sa famille, qui a payé un si lourd tribu à la déshumanisation dont étaient victimes les Indiens immigrés à l'île Maurice. La recherche du mot juste est corrélée à la recherche du bon traitement de son sujet :"Je voudrais que ça coule comme du miel […] mais les mots sont lourds, du béton on dirait. Personne de ma famille ne pourrait lire ça, ça parle d'eux pourtant ça les aliène". Il n'y a pas de beauté de la langue en soi : elle sera ressentie comme belle parce qu'elle n'étouffe pas les gens qu'elle évoque et qu'elle saura aussi être efficace, "comme des clés de biche ou des marteaux" pour ouvrir la mémoire familiale.

J'ai aimé aussi les pistes de réflexion qu'ouvre cet essai : que recouvrent le silence et l'oubli de ceux qui nous ont précédés ? Quand s'arrête la "peine" de nos aïeux ? Se peut-il que celle-ci aille jusqu'à contaminer notre identité actuelle profonde ? de quoi hérite-t-on finalement ? Malgré ses recherches pour mettre au jour les événements vécus par son grand-père, elle bute sur le silence, sur le tabou, sur l'oubli et les intègre à son oeuvre, finalement faite de "présence-absence". La démarche littéraire n'est pas omnipotente, elle est une humble tentative pour fixer ce qui s'enfuit inexorablement, cette "mémoire délavée" - quel magnifique titre, au passage !

Et puis par-delà l'intérêt de la réflexion, cet essai s'impose par son émotion. Quand elle évoque son père, son grand-père, sa grand-mère analphabète auxquels elle était si attachée, quand elle part à la recherche de bribes d'elle-même dans ce passé enfoui, c'est proprement bouleversant. Nathacha Appanah emploie des mots simples, elle écrit avec sincérité et amour, et cela me touche en plein coeur.

Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices Elle 2024
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De souvenirs et pensées en mémoire familiale.

« Quand revient le temps des étourneaux qui se déploient dans le ciel pour dessiner des figures […]
J'essaie de décrypter le ballet des étourneaux […]
C'est à la tombée du jour qu'ils apparaissent. C'est à la tombée du jour que nous sommes les plus vulnérables.[…]

L'autrice délivre ses confidences sur l'histoire de sa famille, la découverte des non-dits et des silences, des joies et des peines. C'est un récit très intime et personnel, raconté avec pudeur, délicatesse et poésie. Je l'ai beaucoup apprécié.
J'ai trouvé les interprétations avec les étourneaux – dont j'ai livré quelques extraits - d'une très belle puissance évocatrice ; à l'orée, subtile et poétique, du récit.

Il y a dans cette quête comme une investigation sur les traces d'un passé, un besoin de marcher sur des empreintes fragiles pour mieux comprendre son chemin et se réaliser, c'est un vibrant hommage à ses grands-parents, à ses ancêtres, empreint de respect et de tendresse.

J'ai découvert aussi l'histoire des engagés indiens que je ne connaissais pas.
Leur exil… de l'autre côté de « l'Eau noire » sur l'Ile Maurice.

C'est un récit familial poignant de toute beauté sur la puissance de l'héritage de nos ancêtres, sur le pouvoir de la littérature aussi.
La violence côtoie la douceur dans leur histoire. J'ai trouvé beaucoup de dignité aussi.
Une belle déclaration d'amour à ses aïeux.
*
J'ai été ravie de rencontrer Nathacha Appanah lors d'un salon littéraire, elle dégage tellement de douceur et de sérénité, une force tranquille.

J'ai ressenti de belles émotions avec cette lecture grâce à la plume de Nathacha Appanah.
Certaines lectures résonnent en nous, elles touchent des cordes sensibles par rapport à notre vécu, notre histoire familiale. Ce fut le cas ici pour moi grâce aux liens très forts que j'ai entretenus avec mes grands-parents et aux souvenirs d'enfance à la fois très prégnants et nébuleux parfois.

J'ai lu jusqu'à présent quelques romans de l'autrice, et j'imagine que « Les rochers de Poudre d'Or » son premier roman doit être pertinent à lire après ce récit.
De plus, j'ai beaucoup aimé l'objet livre – édition Mercure de France, collection Traits et portraits, contenant des photos archives de l'autrice, et d'autres illustrations.
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Cherchant a mieux connaître l'histoire intime de sa famille Nathacha Appanah nous entraîne dans un long voyage historique et géographique. Dans ce récit elle remonte jusqu'en 1872 lorsque ses aieux quittent le sud de l'Inde pour venir travailler dans les champs de canne à sucre de l'île Maurice.

Le premier chapitre est envoutant et nous embarque dans une réflexion poétique sur les migrations et sur l'écriture qui virevolte comme les étourneaux se rassemblant en fin de journée.
"C'est à la tombée du jour qu'ils apparaissent. C'est à la tombée du jour que nous sommes les plus vulnérables. Il y a ces minutes étranges, gris-bleu, glissantes, quand le soleil s'en va et quelque chose venu du fond des âges remonte et se rappelle à nous. Une peur, une intranquillité, une fragilité. Nous pressons le pas, nos coeurs sont plus lourds et nos enfants pleurent sans raison. A la tombée du jour, j'arrête d'écrire et je me rends compte combien cette chose entrprise il y a quelques mois m'échappe. Cette chose, je dis. Cette chose, comme si elle existait quelque part, cette chose tel un objet. Cette chose m'échappe, je dis. Elle n'est ni ici ni là. Cette chose, c'est un récit sur mes grands-parents et je ne l'ai pas encore trouvée aujourd'hui, à l'heure où s'agitent les étourneaux."

Questions sur la forme mais aussi sur la transmission intergénérationnelle durant tout ce récit l'auteure va s'intéresser à la question de la mémoire.
Mémoire historique et officielle qui par des données factuelles consignées dans des fiches administratives renseigne, témoigne mais déshumanise.
"Les archives ne sont pas le reflet exact de l'histoire, elles sont perméables aux confusions, aux anachronismes, elles sont influencées par le contexte de ces prises de documentation, les errreurs humaines, le temps qui passe et qui délave, le hasard d'un dossier qui se mélange à un autre, une photo qui se décolle et qui glisse. C'est une mémoire imparfaite."
L'autrice se tourne alors vers les récits familiaux, les souvenirs incertains des uns et des autres. Mais, ces récits oraux forment eux aussi une mémoire subjective et Nathacha Appanah éprouve les limites et la fragilité de l'oralité.
"Des récits formés par des demi-vérités, des sélections, des morceaux choisis, des moments enjolivés, des pans abandonnés."

Le récit est l'entrelacement de toutes ces données. Connaître ses origines, tenter de comprendre ceux qui l'ont précédée. Créer sa propre histoire familiale sans trahir, sans trop dévoiler non plus et l'inscrire dans L Histoire, tel est le pari réussi de Natthacha Appanah. Pour cela toujours elle questionne l'acte d'écriture. Elle s'interroge sur le choix d'une phrase, d'une formulation, sur son impact.

Ce récit très poétique, hommage puissant et plein de tendresse à sa famille, à ses aïeux et surtout à ses grands parents dignes et discrets, présents mais jamais envahissants est un gros coup de coeur.
Tout m'a attiré et convaincu dans ce livre, l'objet au si beau papier glacé, les illustrations historiques ou personnelles, la délicatesse de la forme, l'hommage aux ancètres, les questionnements sur la mémoire, la transmission de l'histoire familiale de génération en génération, et l'écriture subtile et poétique de l'auteure.

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