Cherchant a mieux connaître l'histoire intime de sa famille
Nathacha Appanah nous entraîne dans un long voyage historique et géographique. Dans ce récit elle remonte jusqu'en 1872 lorsque ses aieux quittent le sud de l'Inde pour venir travailler dans les champs de canne à sucre de l'île Maurice.
Le premier chapitre est envoutant et nous embarque dans une réflexion poétique sur les migrations et sur l'écriture qui virevolte comme les étourneaux se rassemblant en fin de journée.
"C'est à la tombée du jour qu'ils apparaissent. C'est à la tombée du jour que nous sommes les plus vulnérables. Il y a ces minutes étranges, gris-bleu, glissantes, quand le soleil s'en va et quelque chose venu du fond des âges remonte et se rappelle à nous. Une peur, une intranquillité, une fragilité. Nous pressons le pas, nos coeurs sont plus lourds et nos enfants pleurent sans raison. A la tombée du jour, j'arrête d'écrire et je me rends compte combien cette chose entrprise il y a quelques mois m'échappe. Cette chose, je dis. Cette chose, comme si elle existait quelque part, cette chose tel un objet. Cette chose m'échappe, je dis. Elle n'est ni ici ni là. Cette chose, c'est un récit sur mes grands-parents et je ne l'ai pas encore trouvée aujourd'hui, à l'heure où s'agitent les étourneaux."
Questions sur la forme mais aussi sur la transmission intergénérationnelle durant tout ce récit l'auteure va s'intéresser à la question de la mémoire.
Mémoire historique et officielle qui par des données factuelles consignées dans des fiches administratives renseigne, témoigne mais déshumanise.
"Les archives ne sont pas le reflet exact de l'histoire, elles sont perméables aux confusions, aux anachronismes, elles sont influencées par le contexte de ces prises de documentation, les errreurs humaines, le temps qui passe et qui délave, le hasard d'un dossier qui se mélange à un autre, une photo qui se décolle et qui glisse. C'est une mémoire imparfaite."
L'autrice se tourne alors vers les récits familiaux, les souvenirs incertains des uns et des autres. Mais, ces récits oraux forment eux aussi une mémoire subjective et
Nathacha Appanah éprouve les limites et la fragilité de l'oralité.
"Des récits formés par des demi-vérités, des sélections, des morceaux choisis, des moments enjolivés, des pans abandonnés."
Le récit est l'entrelacement de toutes ces données. Connaître ses origines, tenter de comprendre ceux qui l'ont précédée. Créer sa propre histoire familiale sans trahir, sans trop dévoiler non plus et l'inscrire dans
L Histoire, tel est le pari réussi de Natthacha Appanah. Pour cela toujours elle questionne l'acte d'écriture. Elle s'interroge sur le choix d'une phrase, d'une formulation, sur son impact.
Ce récit très poétique, hommage puissant et plein de tendresse à sa famille, à ses aïeux et surtout à ses grands parents dignes et discrets, présents mais jamais envahissants est un gros coup de coeur.
Tout m'a attiré et convaincu dans ce livre, l'objet au si beau papier glacé, les illustrations historiques ou personnelles, la délicatesse de la forme, l'hommage aux ancètres, les questionnements sur la mémoire, la transmission de l'histoire familiale de génération en génération, et l'écriture subtile et poétique de l'auteure.