"Une recherche qui ne serait pas avant tout personnelle aurait-elle du sens ?"
C'est la question qui m'est apparue centrale dans
Expérience de Mort Imminente - L'approche jungienne de
Alexandra Arcé. La conjonction de l'individuel et du conceptuel apporte à une recherche sa force d'évocation. Elle éveille l'attention du lecteur, stimule son envie de s'immerger dans la réflexion proposée et de s'approprier son contenu.
Sur les concepts, l'auteure fait preuve d'une connaissance étendue et notablement assimilée de travaux de recherche ayant trait à la psychologie analytique, à la psychanalyse et plus généralement à l'étude de la conscience et de l'inconscient. Il en découle une densité de l'exposé mais surtout un didactisme que l'on souhaiterait trouver dans d'autres ouvrages.
Sur le plan individuel,
Alexandra Arcé sort de sa réserve pour témoigner d'une expérience qu'on devine intime, précieuse et personnelle. La façon dont elle relate son Expérience de Mort Imminente ne subjugue pas ni ne stupéfie. Sa narration se situe plutôt à l'équilibre entre confession et pudeur. Elle touche le lecteur. On va dire les choses plus simplement : j'ai été touché.
Ce positionnement m'a invité à me poser la question en retour : et moi, ai-je connu une telle expérience EMI ? J'ai effectivement connu une expérience comparable de Plénitude Imminente, je m'en souviens. Il y a quelques années en plein après-midi d'été, en marche sur un chemin quelque part en Ardèche. J'ai découvert à cette occasion un attachement durable envers une nature qui m'avait laissé jusque-là indifférent. de cette expérience, je tire le même constat que l'auteure avec mes pauvres mots : "il s'est passé quelque chose". C'est difficile à décrire et pourtant souhaitable de s'y atteler pour ré-offrir en partage ce précieux moment, encourager chaque lecteur à faire mémoire et peut-être à témoigner à son tour. C'est ainsi que se réactualise l'imaginaire collectif, par l'expression mimétique d'un vécu témoignant d'une expérience singulière en même temps que d'intuitions communes. La vie, la mort, le sens que l'on accorde et qui nous accorde aux évènements de l'existence ; font partie des soubassements de l'EMI ou de ce qui s'en apparente, c'est pourquoi elle est vecteur potentiel du mythe réactualisé. Ce type d'expérience est généralement le premier pas sur un chemin - osons les grands mots - initiatique.
La qualité d'un témoignage ne saurait à lui seul justifier un ouvrage. L'auteure convoque - pour ne citer que cet aspect théorique car ils sont nombreux - quelques-uns des travaux tardifs de
Carl Gustav Jung à propos de ce qu'il nomme "le mythe moderne" : il s'agit du phénomène Ovni. Celui-ci apparaît comme la forme émergente à l‘échelle collective - propre à la période de l'après-guerre dans sa forme - d'un Tout autre face auquel les consciences individuelles puissent mettre en forme et canaliser leurs tensions diffuses ; au risque d'imaginer, de fantasmer ou d'idéaliser la réalité de ce Tout autre de nature totémique.
Quant à l'EMI, elle accède au statut de mythe actualisé, dont le phénomène Ovni fut la forme pauvre et temporaire : il a fait long feu. Changement d'époque ou d'ère – nous entrerions dans celle du Verseau - et peut-être de paradigme ; l'EMI semble nous faire renouer avec des mythes plus fondateurs, plus ancestraux, plus fidèles à la réalité des hommes dans ce qu'elle a d'universelle. On pense notamment aux grands récits des traditions – actualisés par les imaginaires de chaque culture et de chaque époque - qui gravitent autour de la transformation, la renaissance, la résurrection, la métamorphose, la métanoïa, l'anamnèse etc.
L'essai de
Alexandra Arcé a trouvé sa place dans ma bibliothèque au côté de mes livres favoris. Se placer - comme le fait l'auteure - en disciple de guides de conscience aussi sages et inspirés que Jung ou Wilber – pour ne citer qu'eux - augure d'un beau chemin qui s'ouvre et qui vient. Il ne s'agit pas d'un essai fleuve, il est plutôt dense et ramassé, comme je les préfère. La nuance du propos est remarquable, on est bien loin des approches magistrales ou formelles qui peuvent lasser à trop vouloir démontrer, convaincre ou forcer l'intime conviction du lecteur.
L'ouvrage est là, à portée de vue et de main, accessible et disponible pour être ré-ouvert, ré-annoté, relu, feuilleté à nouveau. On le laisse reposer un peu pour le redécouvrir un autre jour, comme on le fait avec tout livre qu'on a aimé.