L'histoire commence en 1078 : alors que son père vient livrer à un monastère les poissons qu'ils ont pêchés tous les deux, Avner ressent un lorsqu'il voit pour la première fois une icône mais aussi en entendant les chants orthodoxes :
« On y voyait trois personnages assis, le regard baissé. le fond de l'icône brillait comme de l'or, et il émanait des visages une expression de grande douceur. »
Il a alors quatorze ans, et tout va changer pour lui : il veut peindre des icônes, lui-aussi, au grand dam de son père.
Déjà, il avait ressenti de la fascination pour un papillon qu'il appelle le Roi des Rois qu'il aurait tant voulait dessiner, mais chez les Juifs, il est interdit de dessiner le monde, ce serait faire de l'ombre à Dieu de vouloir reproduire son oeuvre.
Son père lui donne le choix : si tu veux représenter ainsi, tu quittes la maison et ne reviens jamais plus. Avner résiste devant cette manifestation d'intolérance qui le fait beaucoup réfléchir, mais, il décide de partir, suivre son destin.
Il va demander au père qui dirige le monastère, Anastase, de lui apprendre la technique, mais, il ne pourra pas dépasser le troisième niveau d'étude s'il n'épouse pas la religion orthodoxe, et donc être baptisé, ce qu'il accepte. Il reçoit alors le nom de « petit Anastase ». Mais, est-il sincère dans sa conversion, son Maître en doute mais ne laisse rien transparaître. Avner apprend ainsi qu'on ne dit pas peindre mas écrire une icône, car elle est issue d'une méditation, et non un simple dessin. On parle d'iconographe pour désigner ces hommes qui écrivent une icône.
La première qu'il écrit est une représentation de la vierge, à laquelle il a donné les traits de Myriam, la fillette qui a vécu avec lui durant l'enfance et l'adolescence (et que l'on va marier contre son gré bien sûr à un homme bien plus âgé).
Il va donc commencer son voyage initiatique, Acre, Mar Saba, et plus tard Capharnaüm, Bethléem, Jérusalem apprenant le Grec, les prières orthodoxes, retrouver les chants liturgiques qu'il aime tant, se frottant à la jalousie des autres moines parce qu'il est très doué, pour choisir le meilleur bois pour le support inventer des mélanges, pour créer de nouvelles couleurs, notamment un bleu azur qui va déclencher les hostilités.
Il est accompagné par Mansour, un marchand ambulant musulman qui va lui expliquer les principes de l'Islam et devenir son ami au fil du temps, il prie avec lui pendant les voyages, chacun dans « sa langue » et Mansour lui explique comment tourner sa natte vers la Kâba, baisser la tête par humilité…
Ce voyage que l'on peut qualifier d'initiatique va être une longue méditation, un long chemin pour comprendre ce que représente une icône, que l'on doit se débarrasser le l'orgueil au passage.
Je retiendrai une scène très forte, durant laquelle, Avner dont l'icône, a été choisie trois années par l'évêque, l'higoumène pour être précise, va être obligé de brûler tout son travail, toutes les icônes qu'il a écrites, car les autres moines les jugeaient blasphématoires, Avner se prenant pour Dieu lui-même selon eux. Après un jugement bâclé qui ne l'autorise à garder que celle représentant la Vierge sous les traits de Myriam. Mais sursaut d'orgueil, encore une fois, il va la brûler, elle-aussi avant de quitter le monastère.
J'ai beaucoup aimé, les échanges entre Mansour et Avner sur la religion (ce qui relie, n'oublions pas), sur les différences, et les similitudes, les intolérances de chacun vis-à-vis des autres. Et ce d'autant plus que les Croisés arrivent pour libérer le tombeau du Christ et pour cela se livrent aux pires exactions.
Les réflexions sur l'orgueil, la sagesse la charité sont approfondies, étayées. La fin tragique d'Avner témoigne de l'intolérance de toutes et la puissance du désir de destruction qui peut envahir si facilement tous les hommes, alors que les messages de paix ont tant de mal à être entendus.
J'aime ce genre de livres qui racontent une histoire, mais propose une réflexion profonde sur la vie, que l'on peut prendre au premier, deuxième ou xième degré comme on le voudra. On peut aussi préférer le côté voyage en Terre Sainte, si on préfère.
C'est une période de l'Histoire que m'intéresse depuis toujours, et l'évangélisation par la force me heurte au plus haut point. Toutes les religions ont du sang sur les mains, car l'interprétation du message originel a été « remaniée » par les hommes.
J'ai beaucoup pensé, au cours de ma lecture aux moines tibétains qui créent les mandalas, avec une patience infinie, une méditation dans l'action, et qui ensuite vont le disperser dans la rivière la plus proche, comme une ode à l'impermanence…
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Tout est soigné dans ce roman, l'écriture, la couverture et le titre.
J'ai découvert Metin Arditi avec « le Turquetto » pour lequel j'ai eu un immense coup de coeur et j'ai lu tous les livres qu'il a publié ensuite. J'ai le même plaisir de lecture que celui que je ressens en lisant les romans d'Amin Maalouf avec la révélation que fut pour moi « Léon l'Africain ». L'Orient me fascine qu'il s'agisse du Moyen-Orient ou de l'Extrême-Orient. Ils font partie des auteurs qui font rêver, comme les histoires qu'on pouvait nous raconter dans l'enfance.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset. qui m'ont permis de retrouver un auteur que j'apprécie énormément avec son dernier roman. Il me reste à découvrir Juliette dans son bain et Mon père sur mes épaules.
#Lhommequipeignaitlesâmes #NetGalleyFrance
Vous l'aurez compris ce roman est un coup de coeur. J'espère vous avoir donné envie de lire ce beau roman, car ma critique ne me satisfait pas totalement. En effet, chaque fois que j'ai un coup de coeur, je trouve ma prose tellement limitée et insuffisante que je préfère laisser l'émotion prendre la place
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