“Fraise et chocolat” est à la fois un récit autobiographique et une chronique de l'intime (voire du très intime), dans lequel
Aurélia Aurita, alias Chenda, nous invite littéralement à l'intérieur de son histoire d'amour passionnée avec
Frédéric Boilet auteur, lui aussi, de bandes dessinées, rencontré quelques mois plus tôt. C'est sans fausse pudeur et sans langue de bois que la jeune femme nous raconte sa sexualité épanouie avec cet homme de vingt ans son aîné.
Bizarrement, ce statut imposé de lecteur/voyeur, qui pourrait vite devenir dérangeant avec cette impression de lire quelque chose qui ne nous regarde absolument pas et relève du cercle privé, n'a rien de déplaisant. le ton est cru, les dessins volontairement pornographiques, mais sans jamais être vulgaires et c'est là le tour de force réalisé par
Aurélia Aurita. Les deux amants sont profondément amoureux, l'alchimie entre eux est réelle et ils sont visiblement sur la même longueur d'ondes sexuellement! du coup, le résultat donne à voir un couple qui s'éclate, qui vit sa sexualité sans tabous et qui ne cesse de se chercher et de se découvrir, explorant chaque orifice possible et chaque parcelle de peau avec, pour seule volonté, procurer jouissance et plaisir à son partenaire! Pas si mal comme programme, non?
J'ai vraiment été sensible au fait que ce soit une femme qui raconte et non un homme. On n'a pas du tout le côté performance sexuelle et concours de celui qui a la plus grosse…Au contraire, ça reste léger, plein de finesse, de sensibilité et de fraîcheur (non pas que les hommes en soient dénués hein?... ;-p) et globalement sympathique. Après, si l'on cherche une histoire avec de la profondeur et de grandes réflexions, mieux vaut passer son chemin! Certains sujets auraient pu s'y prêter (la double nationalité, le racisme, le déracinement, le rapport des hommes et des femmes quant à la différence d'âge dans le couple, la difficulté à trouver sa place et sa légitimité quand on est une femme auteure et que l'on vit avec un homme déjà installé dans le métier par exemple…), mais ces sujets sont abordés de manière trop superficielle dans ce roman graphique pour que l'on s'y intéresse vraiment et ne sont clairement pas le propos de l'auteure.
Le dessin quant à lui est agréable et très expressif avec son aspect croqué en noir et blanc. le rendu est vivant, dynamique, cochon sans être cru puisqu'il ne fait pas dans les détails. Petit plus dans l'édition intégrale des Impressions Nouvelles: une préface de
Joann Sfar (qui s'est visiblement régalé!) et un épilogue de 36 pages qui dévoile ce qu'est devenu ce couple enflammé! Alors maintenant vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous avait pas prévenu, c'est même marqué sur la couverture, voici une lecture: “Pour public averti”!