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sur 417 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai adoré ce bain dans ce flot tumultueux de mots, de phrases magnifiques. Quelle écriture sublime ! Quelle passion distillée au cours de ces pages ! Jamais Racine ne m'aura autant subjuguée qu'à travers les mots de Nathalie Azoulai. Les descriptions sont tellement vivantes qu'on a l'impression que le tableau proposé se met à respirer, à vibrer. Il prend corps !

Car voici ici sous couvert d'une rupture dans un couple, une biographie de Racine, orphelin éduqué à l'abbaye de Port-Royal, connaissant son grec et son latin, jouant sur les mots et avec eux. Car oui Racine est le biographe de la rupture, de l'amour impossible entre A qui aime B qui aime C.
Je ne connaissais pas grand chose de la vie de cet auteur, sinon ces tragédies étudiées en classe. Et quel régal ici de découvrir enfin sa vie, de le voir évoluer, hésiter, se questionner, de s'approcher petit à petit du roi Soleil pour enfin être consacré auteur favori puis historien. Quel parcours !

« À vingt kilomètres du château de Versailles se trouve un vallon. Cent marches y creusent le sol jusqu'en son point le plus bas, l'abbaye de Port-Royal. Sur les contreforts, autrefois, une grange, une ferme, quelques boules de buis, un verger, des arbres immenses. Au plus grand faste français de tous les temps, le vallon oppose son calme, son dénuement, un sentiment de réclusion aussi salutaire que celui d'un refuge. Elle émet une hypothèse : toute la vie de Racine se tient dans l'écartèlement que provoquent en lui ces deux lieux. »
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Nouvelle exploration des prix littéraires avec cette fois le prix Médicis. Il fait partie de ces prix fondés en parallèle au Goncourt puisqu'il était d'abord décerné en même temps que le Femina qui lui a tout de suite été fondé en opposition à la misogynie (pour ses fondatrices) dudit Goncourt. le Médicis a lui pour philosophie de récompenser des auteurs méconnus, dont la renommée n'est pas encore installée (même si je vois que Marie Darieussecq a été récompensée en 2013 alors qu'elle avait fait un succès retentissant avec Truismes dès 1996). En consultant la liste des lauréats, je me rends compte que c'est bien mon premier Médicis que cet ouvrage de Nathalie Azoulai.

Et ce ne sera sans doute pas mon dernier puisque je me suis vraiment régalé. Autant la mode actuelle de l'autofiction a tendance à me laisser de marbre, autant la tendance aux biographies romancées et à la recréation de périodes historiques me fascine. Ici c'est le grand Racine qu'on suit tout au long de son existence, avec une simple introduction à partir d'une histoire d'amour moderne entre un Titus et une Bérénice (et qui a peut-être une part d'auto-fiction, mais qui reste fort limitée).

Ce livre est intelligent, passionnant et accessible, trois qualificatifs qui en font un vrai bijou. Je me suis régulièrement demandé, comme souvent dans ces livres, la part de vérité historique et la part de liberté fictionnelle. Mais je n'ai jamais rien trouvé d'incohérent, tout était logique, la construction progressive du style de Racine, ses différentes discussions avec les protagonistes. Chaque phrase attribué à Racine me paraissait tellement couler de source que le mérite en revient forcément à l'auteure : soit elle a fait un travail de recherche précis et impressionnant pour retrouver des citations aussi simplement belles, soit elle s'est tellement imprégnée de ses mêmes recherches que ses dialogues sonnent immédiatement juste... donc c'est quoi qu'il arrive génial.

On apprend énormément de choses sur ce génie français et ses hésitations, sur l'enfance tellement corsetée par la religion, sur la libération parisienne remplie de culpabilité, sur la compétition avec Molière et Corneille, sur l'amitié avec La Fontaine. J'ai dévoré le livre en deux trois jours, sans aucune lassitude, en me laissant guider dans des réflexions philosophiques, littéraires. J'ai conversé avec le roi Louis XIV, assisté aux balbutiements De l'Académie Française, le bonheur total.

Aucune esbroufe portant dans le style, volontairement très simple et pas du tout dans une recherche de compétition (et il ne valait mieux pas) avec l'auteur. Racine n'est jamais évoqué que comme Jean, on a l'impression de faire partie du cercle des intimes et on cherche à rester le plus disret possible, ayant toujours l'impression que quelqu'un finira par nous dire "Mais qu'est-ce que vous faites là, retournez dans votre siècle, vous n'avez pas à connaître l'envers du décor de notre époque" ! Il faut beaucoup de talent pour installer cette atmosphère, et je remercie donc humblement Madame Azoulay de m'avoir ouvert ce portail temporel pour assister à des moments historiques du théâtre français, fondateurs également de ce que notre langue est devenue. Que la langue française continue à évoluer, surtout dans sa construction, tout en respectant le canevas de base. C'est cela Racine et son génie français, une contradiction permanente, l'innovation perpétuelle dans le respect d'une certaine tradition
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Bérénice a le coeur brisé, elle est dévastée : Titus vient de la quitter parce qu'il ne peut se résoudre à en quitter une autre. Roma, sa femme. Qu'il dit pourtant ne plus aimer.
Roma. La mère de ses enfants. On ne quitte pas la mère de ses enfants.
C'est une histoire tellement banale que celle de Titus et Bérénice.
Elle a tellement mal, elle voudrait mourir, là, comme une héroïne de roman ou mieux encore de tragédie. Elle aurait dû se douter pourtant qu'un Titus et qu'une Bérénice ne pouvaient pas vivre heureux et s'aimer toujours.
Il est des passions qui meurent avant l'incendie et qui ne laissent exsangue qu'une moitié de ceux qui ne faisaient pourtant qu'un.
Pour conjurer son chagrin, et parce qu'au détour de son chemin, un vers la happe soudain et tinte à son oreille et à son coeur, la jeune femme se plonge dans les textes de Racine. Peut-être que les mots, et les vers du créateur de Phèdre, d'Andromaque, d'Iphigénie et de Bérénice ont le pouvoir de consoler, de guérir d'un chagrin d'amour…
Pour dominer sa peine, Bérénice se lance ainsi à la recherche de Racine, pour tenter de comprendre comment ce grand ordonnateur des passions amoureuses a su si bien en dire toutes les nuances, toutes les brûlures, tous les éclats. A-t-il aimé ? A-t-il souffert ? Faut-il avoir vécu pour dire et raconter ? Qui se cachait vraiment derrière la figure austère du dramaturge de Port-Royal ?
Le cheminement de la jeune femme, pour qui l'oeuvre de Racine revêt une dimension cathartique, constitue alors pour Nathalie Azoulay le prétexte pour nous offrir une biographie romancée de l'auteur.
De l'enfance grise et orpheline, sous la férule d'une tante inaccessible aux années de formation à Port Royal, de l'ivresse des premiers succès aux fastes de la cour du roi soleil, de la maturité au crépuscule, entre l'amour de dieu et celui des comédiennes, l'homme devient sous la plume de l'auteur un personnage riche et complexe, émouvant et presque fragile parfois. On devine les contours et les tourments du jeune pensionnaire à qui on enseignait l'amour sacré de dieu et qui découvrait les auteurs classiques ainsi que d'autres artistes tous ayant pour point commun d'exalter les passions humaines, subversives, le désir et parfois la lascivité... On distingue le courtisan soucieux de plaire aux grands de ce monde et d'évincer ses concurrents. On mesure enfin la douleur d'être tiraillé -le dilemme est cornélien- entre le monde et Port Royal. le Racine que découvre Bérénice est un homme complexe, humain qui dévoile par petites touches les ambiguïtés dont il était pétri, les sentiments qui le faisaient vaciller et qui l'ont sans doute conduit à sublimer l'amour qu'il éprouvait pour les femmes, à l'ériger en passion divine et forcement douloureuse. Comme doit l'être l'amour de dieu.
Au terme du voyage, ce Racine que je trouvais si froid au lycée et qui me glaçai, se révèle. Quant à Bérénice, elle y trouvera la paix et peut-être aussi la vérité. Après tout, Titus n'aimait pas Bérénice.
Quant à Nathalie Azoulay, elle a sans doute dû les aimer, elle, et Racine avec eux pour leur offrir si bel écrin, une langue aussi ciselée et cadencée, limpide et chantante. Une langue à la fois érudite et magnifique, quasi-parfaite qui rend hommage au style du maître, à ses flots et ses éclats dont les tumultes ne sont qu'apparemment soumis.
Pour dire la passion et ses excès, il n'en fallait pas moins.
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Sur le thème de "la femme abandonnée", l'idée originale de l'auteure est de puiser à la source des grands classiques dont Didon, personnage mythologique et surtout Bérénice, reine de Palestine aimée de l'empereur Titus qui la sacrifiera à la raison d'Etat.
Racine en a fait une tragédie.
Nathalie Azoulai en a fait un roman, avec une Bérénice d'aujourd'hui (peut- être son double), tout aussi désemparée et désespérée que les grandes héroïnes de l'Histoire.
L'intérêt du livre, c'est l'approche du problème du désespoir amoureux par l'entremise de Racine en cherchant à comprendre à travers la vie du tragédien comment s'est construite son oeuvre axée sur la fureur des passions humaines. J'ai beaucoup aimé cette vision de Racine, vision dépoussiérée de l'austérité des manuels scolaires, qui présente l'enfant pieux élevé dans la rigueur janséniste dont il s'affranchit pour devenir un jeune homme libertin, puis un courtisan et grand bourgeois père de famille.
Si comme moi vous avez aimé ce récit, je recommande une visite au site de Port Royal dans la Vallée de Chevreuse : des ruines, des tombes, un petit musée, un lieu inspiré qu'avait aussi fait revivre Claude Pujade-Renaud dans son roman "le désert de la grâce", publié en 2007
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Ce livre s'ouvre sur une rupture. Dans la tragédie de Racine, Titus choisit Rome et son empire plutôt que sa maîtresse, Bérénice, reine de Palestine. de nos jours, Bérénice aime Titus mais celui-ci, marié, lui préfère sa famille et surtout son épouse, Roma. Comment se remettre d'un tel chagrin d'amour ? Bérénice décide de se tourner vers Racine. Il faut dire que celui-ci est quasiment un spécialiste de l'amour qui finit mal. Ses tragédies donnent la part belle aux femmes, qu'elles aiment ou qu'elles haïssent, qu'elles se lamentent ou qu'elles se vengent.
Finalement, cette rupture n'est que prétexte à nous raconter la vie de Racine, de ses classes à l'abbaye de Port-Royal des Champs jusqu'à sa mort et la destruction de cette abbaye, berceau du jansénisme et qui contestera trop fort le pouvoir absolu de la monarchie.
Racine lit l'Enéide en secret et se retrouve fasciné par Didon et son désespoir. Dès lors, le goût de la poésie ne le quitte plus. Il compose des vers sur tout ce qu'il observe et, contre l'avis de ses maîtres, il part à Paris, y découvre les fastes et les plaisirs de la vie en dehors des murs de l'abbaye, fait la connaissance de la Fontaine et Boileau. La tragédie est son domaine et, malgré les critiques et les remontrances de sa tante, il met en scène les femmes et leurs amours, avec toujours en filigrane le souvenir de cette Didon éplorée qui le fascine encore des années plus tard. "Bérénice" (on y revient toujours) est une histoire de rupture annoncée mais que l'on retarde au fil des actes. Comme le dit plus tard le roi, avec cette pièce, il sait faire éprouver aux hommes ce que pensent les femmes.
La quête de Racine s'achève avec "Phèdre et Hyppolite". Il renonce au théâtre après seulement dix pièces (très peu pour l'époque). Couvert d'honneurs, pensionnaire, académicien, il devient, avec son ami Boileau, historien du roi et se marie. Renté dans le rang, il est un couritsan accompli. Mais la fin de sa vie et les morts successives de ses anciens maîtres le poussent à une dernière rébellion : il revient à son ancienne école, cette abbaye contestatrice. Cela lui fera perdre la faveur royale, mais retrouver l'affection de sa tante.
Au fil des pages, Nathalie Azoulai nous présente ainsi un adolescent fasciné par la Didon éplorée de Virgile et la poésie lyrique des grecs, un jeune homme cherchant à mettre la pureté de la langue française dans ses vers, un homme mûr qui se détourne de la poésie après s'être lassé de l'incompréhension, du scandale et des reproches, un vieil homme qui retourne à l'abbaye qui a vu son enfance et son adolescence et où il a découvert son goût pour le rythme de la langue. On ne retrouve la Bérénice de notre époque qu'en de brefs intermèdes alors qu'elle se remet de la rupture qui a débuté toute cette histoire et que son ancien amour se meurt.
Je ne pense pas que ce livre soit apprécié par tout le monde. Il faut y entrer et se prendre au jeu de la langue. Nous découvrons un Racine qui part dans des envolées lyriques sur l'amour et la passion, sur ses vers et sa conception de la langue française, et je reconnais que ce n'est pas toujours facile à suivre. Il faut parfois un peu de recul et de connaissances historiques pour comprendre certaines subtilités. La majorité des personnages n'est pas nommée (comme le cousin, le roi, le marquis) et même les noms connus ne reviennent pas souvent. le jansénisme n'est précisément nommé que vers la fin du livre, alors qu'on le sent en filigrane. Même les
Malgré ces détails parfois nébuleux (honnêtement, j'ai dû faire quelques recherches pour tout comprendre), ce fut une lecture agréable. Je recommande la lecture de cet ouvrage à tous les amoureux de la langue française.
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Quand j'ai lu la liste des romans du Goncourt, celui-ci m'est resté en mémoire, je me répétais cette phrase et elle avait une sonorité si particulière que découvrir l'histoire qui se cachait derrière devenait une obsession. Mais une fois le livre en main, après avoir lu la quatrième de couverture, je me suis dit alors c'est ça, tout simplement, l'histoire d'une femme délaissée et qui pleure sur son amour perdu ? J'en aurai presque perdu l'envie de lire le roman, mais la curiosité était là et la petite phrase aussi, comme un mantra qui ne me quittait pas. Décidément, je devais en finir avec elle et donc, avec ce livre. Pour cela une seule solution : le lire.

J'ai rapidement été soulagée en découvrant que l'héroïne, même à terre, restait combative, même au fond du trou, elle cherchait une corde pour remonter. Puis, je me suis laissée entraîner sans trop savoir où par l'écriture envoûtante de Nathalie Azoulai et avant que je m'en rende compte j'étais accro à ce roman. Parce que ce n'est pas l'histoire d'une femme délaissée, cela c'est juste le prétexte de l'auteur pour parler de quelqu'un de tellement plus grand : Racine. L'histoire de nos Titus et Bérénice modernes se résume à quelques chapitres au début, au milieu et à la fin du roman. Tout le reste, ce n'est que Racine, car la question au centre de ce roman est de savoir comment un homme, qui plus est un janséniste, a-t-il pu décrire avec autant de précision et de vérité, quelque chose d'aussi complexe que la passion amoureuse et ses affres ?

Pour repousser la mélancolie, Bérénice se plonge corps et âme dans la vie de Racine, elle cherche, comme un écho, une réponse à sa douleur, quatre siècles plus tôt. Peut-être parce qu'à cette époque aimer était tabou. Il fallait se contenter de mariage de convenance, de relations de convenances, tout devait convenir alors que l'amour, la passion amoureuse ne conviennent pas, elles s'imposent comme une vérité générale et indéniable. Et que fait Titus après tout si ce n'est refuser l'amour pour la convenance ? Bérénice s'oublie, le lecteur l'oublie et la vie de Racine s'écoule. La meilleure façon de tenir à distance le chagrin ? Se trouver une occupation dévorante. Bérénice à la vie de Racine à étudier, à comprendre ; Racine a le théâtre, la poésie, l'écriture, et plus que le reste l'amour des mots et de la langue. Mieux que personne, il sait que la sonorité d'une phrase a autant d'impact sur l'auditoire que le sens.

Cela Nathalie Azoulai l'a compris. Quand j'ai terminé, à regret, ce roman, il était parsemé de notes et de post-it pour marquer les plus beaux passages. Ceux qui, une fois murmurés, laisse une empreinte plus subtile et tenace, que ceux sur lesquels les yeux se sont contentés de glisser.

Je n'ai pas osé les laisser en place quand je suis allée faire dédicacer ce roman, pudeur de lecteur, pas plus que j'ai trouvé les mots pour dire à Nathalie Azoulai combien ce livre était beau dans le fond et dans la forme. Mea culpa, quelque soit son âge je crois qu'on se sent toujours enfants devant les personnes talentueuses.
Lien : https://belykhalilcriticizes..
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J'aimé, j'ai adoré ce livre pour le plaisir de redécouvrir les tragédies de Jean Racine, de découvrir son univers, son parcours à travers le Grand Siècle, pour son goût des mots qui ne pouvait que rejoindre le titre de ce blog.

J'avoue, je ne me souvenais pas qu'il était un enfant de Port-Royal élevé dans l'austérité, l'ascèse permanente mais aussi nourri des mots de l'antiquité latine, dont les vers de Virgile et particulièrement ce chant IV de l'Enéide qui voit Didon confier sa plainte d'avoir été abandonnée par Enée. Sans doute une des sources qui inspirera Racine et le fera creuser les mots, les mètres et les rimes pour atteindre l'acmé de la douleur de la séparation amoureuse dans Bérénice.

Autre paradoxe de la vie de Racine, cette fascination pour Louis XIV dont il n'a de cesse de conquérir l'attention, exclusive si possible, alors qu'il sait que le roi veut faire taire les critiques de Port-Royal envers la trop grande magnificence et la vanité de son règne.

Paradoxe encore, ce désir qu'il a de traduire au mieux la passion amoureuse alors que sa propre vie intime est, par son éducation, peu encline à l'excès. Sa relation avec la du Parc, la célèbre comédienne, apportera dans sa vie le tragique qu'il voulait expérimenter. Par la suite, il se glissera dans une vie familiale sans fracas, toute sa concentration se portera sur la meilleure manière de gagner les faveurs du roi (contre ses « concurrents » que sont les Corneille ou Quignault) et de décliner dans ses pièces la gloire et l'amour, l'héroïsme et le désespoir.

Au delà de l'enchâssement de cette vie, de cette oeuvre, dans une tragédie moderne (l'abandon d'une Bérénice d'aujourd'hui par un Titus qui ne peut quitter sa Roma), Nathalie Azoulai dit comment se forge le destin d'un immortel, la construction de son oeuvre, son amour et sa lutte avec les mots qu'il veut couler dans une langue pure, nouvelle. A l'instar de celle de Racine, sa langue est belle, élégante, racée, balancée. On se surprend à y déceler les alexandrins cachés, on savoure sa noblesse, sa beauté. On voudrait retarder le moment de refermer le livre. Heureusement, Bérénice est éternelle.
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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C'est au festival des écrivains du sud à Aix-en-Provence que j'ai rencontré Nathalie Azoulai. Gros coup de coeur pour son livre. le titre est déjà beau à lui seul. J'avais donc envie de poursuivre en ayant dans le silence le plus complet une conversation avec la pensée de l'auteur. J'ai donc acheté son livre et je m'y suis plongée corps et âme. Je peux vous dire que c'est un livre d'une grande intensité et d'une grande intériorité. C'est un livre que je n'oublierai pas de si tôt. Il s'est implanté, a pris racine au plus profond de mon âme.
Le roman débute ainsi, l'homme Titus quitte sa maîtresse Bérénice dans un café. Comme toute femme abandonnée, Bérénice pleure, s'épanche, parle avec ses amis de sa rupture, de son chagrin et de son abandon. En parlant avec eux, elle se rend compte que des citations arrivent dans la conversation et ce sont toujours les mêmes citations de Racine. Un vers la touche tout particulièrement : "dans l'Orient désert, quel devint mon ennui". Ce soir là en rentrant chez elle, elle cherche toutes les pièces de Racine que sa bibliothèque contient. Ces vers de Racines la console, "elle remâche ses vers comme les feuilles d'une plante apaisante" et grâce à eux elle arrive à se passer de confidents. Elle s'enferme chez elle ; lit et relit les héroïnes raciniennes, elle se sent proche de ces malheureuses, les vers de Racine rassembleraient - ils les amoureux malheureux ? puis elle se pose la question de savoir pourquoi Racine a voulu faire parler ces héroïnes qui souffrent ? Elle s'immerge donc dans l'oeuvre de Jean, elle se doute que Racine va être son consolateur ou sa consolation. Notre contemporaine Bérénice, parle de Jean Racine comme s'il était un homme de notre époque, elle nous le rend plus proche, c'est là je crois, le génie de l'auteur, elle a réussi à s'attaquer à un monument du patrimoine français et à nous le rendre humain, un Racine fait de chair et de sang. Bérénice pense très fort que Jean aime les femmes car il les comprend. Aurait-il pu écrire sur le malheur féminin et avoir cette empathie s'il ne les avait pas aimées. Ses tragédiennes sont elles aussi des êtres de chair et de sang, elles sont à la fois comblées, blessées, inguérissables, impatientes et irascibles.
Mais pourquoi notre Bérénice cherche t-elle l'explication de son chagrin dans l'oeuvre de Racine ? Pour s'apaiser d'abord et ensuite si elle comprend comment Racine a pu écrire des vers aussi poignants sur l'amour des femmes, alors elle comprendra peut-être pourquoi Titus l'a quittée.
Très beau livre sur Racine et sur l'amour !!
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Ce livre m'attendait comme une promesse.
D'emblée les premières lignes, sont une voix, comme le murmure du vent dans les arbres ou le bruit des vagues au loin.
Une histoire, devenue banale, Bérénice est amoureuse de Titus qui lui est marié et il la quitte pour retourner vers sa femme. Elle est ravagée par le chagrin, et accepte les banalités d'usage qui lui sont offertes comme un emplâtre sur une jambe de bois.
Jusqu'au jour où une voix lui rappelle Racine. Elle plonge dans son oeuvre comme on SURNAGE.
L'auteur emploie une formule extraordinaire : "Racine c'est le supermarché des chagrins d'amour", elle a trouvé son sésame.

Dès lors elle n'aura de cesse de décortiquer la vie et l'oeuvre de Racine, car elle ressent au plus profond d'elle-même que comprendre Racine lui donnera la clef de l'abandon de son Titus à elle.

Jean Racine issu d'une famille de petits notables, devient orphelin dès l'âge de deux ans, et est élevé par les "Solitaires de Port-Royal", des hommes qui au XVII ème siécle, ont décidé de vivre en ascètes. Il y acquiert une solide culture littéraire et religieuse, qui le forge. Et l'amitié qui le lie à Jean Hamon, médecin de Port Royal, le relie à une vie plus tangible.
L'auteure nous fait le cadeau de nous engager à mettre nos pas dans ceux de Racine et de le rendre plus que vivant.
Son arrivée à Paris et l'apprentissage des us et coutumes,ou comment on devient un bel esprit, sa créativité, ses doutes.
Il découvre le plaisir, qu'il soit littéraire ou charnel mais sans jamais perdre de vue son ambition.
Il se lie d'amitié avec La Fontaine, Boileau, et entre en rivalité avec Corneille qu'il admire.
Son ambition en bandouillère, plus qu'un parcours sa vie est une vraie trajectoire sous la protection du Roi Louis XIV. Vivre sous l'égide du Roi ,n'est pas de tout repos.

Racine n'est pas mort, il vit chez Nathalie Azoulai.

Mais si Titus n'aimait pas Bérénice...
Sur le bateau de sa vie, Bérénice va "affaler", subir les "embruns" de son chagrin, accepter de "giter" et enfin "hisser" la voile, jusqu'au "mouillage" sauveur.
Un texte stylé de bout en bout, sans faille, sans fausse note, un ensemble abouti qui permet une lecture fluide . le délié de la narration accentue chez le lecteur la sensation de goûter à une histoire singulière dans une universalité intemporelle.

Un véritable coup de coeur, pour une auteure que je découvre.
Une envie de redécouvrir Racine, également, n'est pas la moindre des qualités de ce livre.

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A propos de sa rupture amoureuse, Bérénice, femme moderne en plein chagrin d'amour, décide de se plonger dans l'oeuvre et la vie de Racine et de comprendre comment ce dramaturge du XVIIe siècle a su transcrire en mots, et en vers, les sentiments qui habitent chacun de nous lors d'une rupture. Particulièrement celle de Bérénice et de Titus.
Un roman sur la vie de Racine, dramaturge qui côtoya La Fontaine, Boileau, Molière, fut l'ennemi de Corneille et le protégé de Louis XIV. Avec une écriture que je peine à qualifier, sinon d'harmonieuse et fluide, Nathalie Azoulai nous conte la vie de cet auteur, et donne une âme à celui dont, pour la plupart d'entre nous, l'oeuvre reste mystérieuse et inaccessible ( un des auteurs (avec Corneille notamment) qui nous faisait prier pour éviter de tomber sur une de ses pièces au bac de français ;) ).
Racine y est attachant, on le rencontre lors de sa jeunesse et de son éducation à Port-Royal, dans un milieu religieux, puis on suit son évolution, son arrivée à la cour, ses galanteries, la naissance de ses pièces, son attrait pour les versions grecques et latines, son goût et son détail pour le mot juste.
Phèdre, Bérénice, Hermione, Andromaque et Iphigénie y deviennent des personnages qu'il connait, inventées par lui mais avec qui il vit chaque jour ensuite, qu'il a voulu rendre vivantes, réelles, vraies, justes. Encore ce souci de la justesse, dans les sentiments, dans le choix du mot pour exprimer une émotion.
Clé de son succés mais aussi de ses déboires, cette justesse dans les mots, ctte manie du détail et de la transcription du réel lui a permis de créer des héros et héroïnes qui ont traversé le temps et sont parvenues jusqu'à nous.
Je n'ai jamais lu de pièce de Racine, mais après avoir lu ce livre, je cours de ce pas m'acheter Phèdre et Bérénice, car j'ai désormais très envie de les rencontrer.
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