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3,39

sur 417 notes
Je vous la fais courte (c'est, finalement, pour agréer la demande de Krout, cf. sa critique, de plus cette oeuvre a déjà été superbement commentée).

C'est l'histoire d'une meuf, la narratrice, emplie de ressentiment à l'endroit d'un homme qui n'a pas, au cours des deux années de leur histoire, su convoquer le courage d'abandonner son contexte familial pour aller au bout d'une logique affective.
C'est une histoire répétée chaque nuit dans le poste, chez Caroline Dublanche sur RTL, lorsque la culpabilité fait faire plus de choses que l'amour, de ces choses indécises et d'entre-deux que l'on rencontre aussi dans le théâtre d'Anouilh, les histoires de Marguerite Duras et qui conduisent l'homme irrésolu à attraper la maladie de l'amour ou plutôt celle de la mort. (Titus non plus ne survivra pas longtemps à son renoncement - et pas davantage l'homme irrésolu -). Elia Kazan (l'Arrangement), Moravia (le Mépris) ont aussi implacablement écrit sur la lâcheté des mâles qui, au bout de l'attente n'induit plus précisément que le mépris de l'autre, avant l'affreuse indifférence.
Il y a du Titus dans chaque homme et forcément des Bérénice qui, à bout de bras, portent un amour plein d'atermoiements et qui un jour, sur le chemin de leur Palestine, de lutte lasses, par-dessus le parapet d'un pont (c'est un rêve récurrent chez elles) jettent ce fardeau sentimental.

L'idée magistrale de l'auteure est d'élaborer un parallélisme entre la renonciation d'état et une résignation domestique.
Pour éloigner le chagrin, la haine parfois, d'aucunes font du macramé, écrivent sur des réseaux sociaux ou appellent Caroline Dublanche ; la narratrice, invitée par Bérénice, s'investit dans la vie et l'oeuvre de Racine, qu'intimement, toujours elle nomme Jean. Comme disent de leurs mets les cuisiniers , elle raconte une histoire et revisite la vie de Racine à Port-Royal, Paris, Versailles près du roi. C'est sa thérapie.
Et c'est un beau travail d'écriture, classique, original, richement documenté.

"Selon les jours, le roi lui pose une question de latin ou de vocabulaire, lui demande une lecture, surtout, lorsque, souffrant, il ne quitte pas son lit. [...] cette promiscuité ne ternit rien, au contraire. L'admiration qu'on a pour les idoles, loin de retomber quand on les voit déglutir ou cracher, ne fait que s'emporter d'avantage et les élever plus haut, comme si elle relevaient de deux règnes différents, puisaient à deux métaphysiques, celles des hommes et celle des dieux, augmentaient leur mérite par cette ambivalence extraordinaire."

Et puis, cette ultime confidence de la narratrice :
"Que Titus n'a jamais aimé Bérénice ou qu'il l'a aimée, que vouloir comprendre ce qu'on appelle l'amour, c'est vouloir attraper le vent. Au jeu de la marguerite, on pourrait arracher n'importe lequel des pétales, à la folie, passionnément, pas du tout. [..]
On dit qu'il faut un an pour se remettre d'un chagrin d'amour. On dit aussi des tas de choses dont la banalité finit par émousser la vérité."

Tout de même, Madame,

Une année dites-vous, c'est là bien peu de temps
Pour que de ces transports fuie le ressentiment.

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Racine, maître es tragédie, grand ordonnateur des passions amoureuses contrariées, l'auteur de Phèdre, Andromaque, Bérénice peut-il aider à guérir d'un chagrin d'amour ? C'est en tout cas le chemin qu'emprunte l'héroïne et narratrice de ce roman qui séduit autant par sa langue, belle, riche, mélodieuse que par son originalité et donne envie de se replonger dans les oeuvres de Racine.

Quoi de plus actuel qu'une Bérénice quittée par Titus parce qu'il ne veut pas se séparer de Roma, sa femme qu'il n'aime plus assure-t-il à Bérénice mais qui est la mère de ses enfants ? Situation banale, mille fois croisée. Qui laisse pourtant notre Bérénice contemporaine totalement détruite. Jusqu'à ce qu'un simple vers s'insinue dans son esprit, la titille et la pousse à relire les tragédies de Racine. "Elle trouve toujours un vers qui épouse le contour de ses humeurs, la colère, la déréliction, la catatonie...Racine, c'est le supermarché du chagrin d'amour, lance-t-elle pour contrebalancer le sérieux que ses citations provoquent quand elle les jette dans la conversation." Pour comprendre son chagrin et se donner une chance de le dompter, elle part sur les traces de Racine, tente de comprendre comment cet homme en est arrivé à si bien disséquer et traduire la passion amoureuse. Pour si bien le dire, faut-il l'avoir vécu ?

Même s'il s'agit de revisiter la vie et le cheminement de Racine, nous ne sommes pas dans une quelconque biographie mais bien dans un roman dont le dramaturge est le héros. Ce que cherche à savoir Bérénice c'est ce que l'homme a pu éprouver, quelles émotions l'ont assailli, quels drames l'ont forgé, quelles frustrations l'ont poussé. Rien dans son enfance ni son éducation ne le destinait au théâtre. Au contraire. A Port-Royal où il est pensionnaire sous l'autorité d'une tante après le décès prématuré de ses parents, on ne connaît d'amour que celui de Dieu. C'est dans l'étude des textes grecs et latins qu'il puise son inspiration mais c'est en cachette qu'il se nourrit de textes "subversifs" évoquant des passions entre les individus, des émotions dont il est interdit de faire état dans l'enceinte de l'établissement. Seule la tragédie l'inspire, et l'amour de la langue, sa volonté de simplifier pour la rendre plus limpide.

"Il n'a qu'une ambition, celle de composer des vers qui plaisent et qui restent. A l'idée de naissance ou de providence, il doit résolument substituer celle de carrière. le verbe plaire entre dans son vocabulaire".

Son parcours sera flamboyant, favorisé par Louis XIV (d'un an son aîné seulement) et son goût pour les Arts, à une époque où il côtoie Boileau, La Fontaine, Corneille, Molière et Lulli, tous au service du rayonnement du Roi Soleil. C'est un Racine courtisan et habile que découvre Bérénice, un séducteur qui rattrape largement le temps perdu de son adolescence dans les bras des actrices suspendues aux rôles qu'il crée pour elles. Un Racine totalement subjugué par son Roi au point d'abandonner le théâtre pour se consacrer à son histoire. Mais un Racine tiraillé entre deux influences, celle rigide de l'Abbaye de Port-Royal et celle du théâtre qui lui offre un terrain d'expression autant que la reconnaissance. Un homme qui néanmoins ne boude aucune émotion, les vit à fleur de peau ou bien cherche à les étudier, à mieux comprendre les ressorts de la passion en obtenant le témoignage de femmes qu'il utilisera ensuite pour forger ses personnages. Et sublimer leurs sentiments.

Pour Bérénice, revenir aux sources c'est aussi retomber sur terre. Faire le tri entre fantasmes et réalité. Entre le théâtre et la vie. Comprendre que si Titus l'a quittée, c'est qu'il ne l'aimait pas. Tout simplement.

Ce roman est un vrai cadeau qui fait chanter le texte aux oreilles du lecteur, servi par une belle érudition et un propos limpide. Il propose une réflexion salutaire sur les illusions de la passion et ses effets secondaires. Incitant pourtant à s'y laisser prendre plutôt qu'à s'en méfier. Quitte à relire Racine pour s'en guérir.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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J'aime un alexandrin, posé, calme et serein
Pour les tourments d'un coeur, alarmé, incertain
Oui mais, j'aime mieux
Sous mon ciel pluvieux
La musique de l'impair
Et la liberté des vers.
Entendez cependant que les monuments je les aime fonctionnels. Je n'ai point propension à vénérer les illustres morts. Ni adulation. Ni vouloir de les singer. Ni admiration pour ceux qui s'y essayent.

Je retrouve ici tout ce qui m'a longtemps écarté des biographies. Ces défauts patents que l'on me présente comme autant de qualités. Cet aveuglement que l'auteur veut à toute force partager par de longues et pompeuses incantations. Ces rodomontades à l'envi pour se faire remarquer, dit platement : ces phrases pleines de mots et vides de sens. Tout cela me laisse froid, sans le moindre frisson. Huitres : les plus creuses sont les plus baveuses; phrases en longueur sans saveur : idem.

Ils sont bien cruels, zébrant cette étale prose nous peignant Racine jeune ou vieux d'un seul aplat si pâle, ces quelques emprunts érudits. Et bien trop peu nombreux pour illuminer cet épais brouillard qui m'engourdi. Comme il me semble vain et vaniteux ce récit d'une groupie nécrophile dont j'entrevois le fantasme "Et quand, un moment plus tard, il la pénètre, l'énergie qu'il met dans le mouvement de ses hanches vient confirmer que le chasseur n'est plus la proie." Et ce Jean abusif revenant sans cesse m'est de plus en plus insupportable. Vingt fois j'ai manqué laisser là cet ouvrage, vingt fois un sursaut mortifère me fit continuer. Je prends Racine et son amour des arbres qui n'écrivent ni ne s'agitent et qui ne s'abaissent à d'avillissants ronds de jambes, la tragédie c'est d'aimer ce qu'on n'est pas, madame.

Et pourtant le début ... "Titus mange goulûment. Il a une faim proportionnelle à l'énergie que lui demande ce moment. Bérénice ne touche pas à son plat. Elle reste immobile, le regard fixé sur son assiette. Puis elle pleure." Déjà monte en moi une ancienne houle, irrépressible, du plus profond de mes entrailles, que j'avais de longtemps enfouie et les moiteurs de mon front blême qui saura les rafraîchir ? Déjà mon coeur accablé. Déjà ... J'avais rêvé une autre suite :
Elle pleure, se lève, disparaît dans la nuit ...

Deux étoiles pour ce livre, c'est un cadeau, je voudrais mettre plus, je devrais mettre moins. "Titus n'aimait pas Bérénice" et moi de ne l'aimer point.
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J'ai adoré ce bain dans ce flot tumultueux de mots, de phrases magnifiques. Quelle écriture sublime ! Quelle passion distillée au cours de ces pages ! Jamais Racine ne m'aura autant subjuguée qu'à travers les mots de Nathalie Azoulai. Les descriptions sont tellement vivantes qu'on a l'impression que le tableau proposé se met à respirer, à vibrer. Il prend corps !

Car voici ici sous couvert d'une rupture dans un couple, une biographie de Racine, orphelin éduqué à l'abbaye de Port-Royal, connaissant son grec et son latin, jouant sur les mots et avec eux. Car oui Racine est le biographe de la rupture, de l'amour impossible entre A qui aime B qui aime C.
Je ne connaissais pas grand chose de la vie de cet auteur, sinon ces tragédies étudiées en classe. Et quel régal ici de découvrir enfin sa vie, de le voir évoluer, hésiter, se questionner, de s'approcher petit à petit du roi Soleil pour enfin être consacré auteur favori puis historien. Quel parcours !

« À vingt kilomètres du château de Versailles se trouve un vallon. Cent marches y creusent le sol jusqu'en son point le plus bas, l'abbaye de Port-Royal. Sur les contreforts, autrefois, une grange, une ferme, quelques boules de buis, un verger, des arbres immenses. Au plus grand faste français de tous les temps, le vallon oppose son calme, son dénuement, un sentiment de réclusion aussi salutaire que celui d'un refuge. Elle émet une hypothèse : toute la vie de Racine se tient dans l'écartèlement que provoquent en lui ces deux lieux. »
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Une amoureuse plantée là par son amant qui préfère sa femme légitime, avouez que l'on a fait plus original, oui je le concède mais dès que vous les appelez Titus et Bérénice tout change.

Inconsolable notre Bérénice trouve un peu d'apaisement et de consolation dans la lecture à voix haute des pièces de Racine et fait revivre pour nous un Jean Racine lui aussi très partagé entre religion et théâtre, entre la rigueur de Port-Royal et le faste de Versailles.
On découvre un Racine qui cherche ses mots, qui s'initie à la versification, qui découvre la souffrance amoureuse et qui saura nous l'offrir avec Bérénice.

C'est un livre ambitieux et chatoyant, l'auteur nous dit que les mots d'aujourd'hui ne suffisent pas à apaiser la douleur et que son héroïne finit par la trouver très loin dans le temps. Son portrait de Racine est riche et il est fait avec brio même si sont gommés les travers du grand homme qui laissa à leur triste sort ses amis jansénistes pour s'approcher au plus près du Soleil royal et en retirer bien des avantages.

J'ai aimé ce roman et ce rapprochement entre deux amoureux dévastés, la Bérénice actuelle et Racine qui perd à la fois sa maitresse et son actrice fétiche La Duparc.
L'écriture est belle, le propos habile et délicat.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Intéressante introspection, les recherches du jeune Racine sur la musique des mots, l'influence de sa rigoureuse formation classique de Port-Royal sur sa recherche de perfection, de concision.

Intéressant contexte aussi, comment faire sa place auprès du roi Soleil parmi les Molières et autres Corneille.

Par contre j'ai le sentiment que Nathalie Azoulai s'adresse à des connaisseurs et ne nous apprend pas grand chose sur le contenu des tragédies à part cette anachronique Bérénice refusant de décrocher son portable pour le moribond Titus.
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Le roman commence de nos jours. Une femme nommée Bérénice, est quitté par son amant, Titus, qui préfère rester avec sa femme, Roma. Bérénice est dévastée par le chagrin, et décide, en guise de thérapie, de se plonger dans l'oeuvre et la vie de Racine, qui de son point de vue, a décrit cette souffrance d'être quitté, du point de vue d'une femme, comme personne. La plus grande partie du roman va donc dérouler la vie de Racine, la création de ses oeuvres, une analyse de celles-ci.

La langue de Nathalie Azoulai dans ce roman est classique, dépouillée, elle tente de retrouver une forme d'épure, comme les pièces de Racine, tout en tentant de percer le mystère de la passion. C'est sans aucun doute très ambitieux, et cela n'est pas complètement tenu de mon point de vue dans le roman. le personnage de Racine m'a paru pendant la majeure partie du roman étrangement dépourvu de passion, tout au moins pour les femmes. Mais cette passion, le personnage de Racine imaginé par Nathalie Azoulai semble l'avoir ressenti pour un seul être, Louis XIV. Sans oublier un lieu peuplé de différents personnages, qui a été la matrice de toute sa personnalité, qu'il a renié avant d'une certaine manière y être ramené comme malgré lui vers la fin de sa vie : Port Royal. Une manière de concurrence s'instaure entre le souverain et le lieu saint et ses habitants. D'autant plus déchirant que Louis XIV semble jusqu'à un certain point partager les sentiments de Racine, et se montre d'une jalousie impitoyable vis à vis de l'homme des lettres, devenu son biographe. Et il a raison sans doute, au final, Racine semble faire un choix, et trahir le souverain pour un concept, une autre idée de l'humanité, de rapports entre les êtres, et d'idéal de vie. Ce conflit passionnel est ce qui m'a paru de plus vivant, de plus authentique, dans le livre.

C'est évidemment très contestable du point de vue historique, Racine n'a pas été cet interlocuteur privilégié, ce presque alter ego du roi que nous propose Nathalie Azoulai. Comme Molière n'a pas été ce buveur de lait aigri et pitoyable qu'elle nous dépeint. Connaissant un peu l'époque et l'histoire littéraire, j'ai été un peu gênée par moments par les inventions de l'auteure. Mais nous sommes dans un roman, et non une biographie, ce qui autorise les entorses à la vérité.

Plus gênante sont à mon sens quelques lieux communs sur l'amour, la passion. Comme par exemple : « Ce que l'on nomme amour n'est ni doux ni tendre, rien n'en est proche comme la haine, soupire-t-il. » Et il y un côté artificiel entre les deux parties du livre, la souffrance de la femme quittée, et la vie de Racine. Parce que même si ses pièces évoquent la passion, il y peu de passion amoureuse pour les femmes dans sa vie telle que nous la raconte Nathalie Azoulai, et j'aurais tendance à la suivre sur ce point, même si nous ne savons que très peu, par quelques rares lettres, de ce qu'il a pu éprouver. L'enjeu, comme je l'ai indiqué plus haut, paraît être une lutte entre le Roi, ce qu'il représente, ce qu'une allégeance implique, et Port Royal, son éthique, sa vision de la vie.

Je suis donc quelque peu mitigée suite à la lecture de ce roman, qui a d'indéniables qualités et qui se lit avec fluidité, certaines pages, vers la fin, sont très touchantes. Mais à mon sens tout cela manque d'unité, part dans des directions différentes, pas toutes convaincantes.

Je ne voudrais pas être trop négative, et ne pas décourager ceux qui voudraient lire ce roman, car encore une fois, il a de réels atouts et vaut la peine d'être découvert.
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Titus n'aimait pas Bérénice. Andromaque n'aimait pas Pyrrhus qui n'aimait pas Hermione qui n'aimait pas Oreste.

L'amour spolié peut-il trouver consolation dans les tragédies de Racine ? Cet ouvrage est-il une biographie qui ne dirait pas son nom ? Il ne se veut pas comme tel. Il se veut être la biographie du désamour. Lequel a ses classiques. Jean racine y trouve bonne place.

"Il faut plusieurs voix pour raconter une séparation". (page 240)

Ecrire, c'est parler avec la certitude ne pas être interrompu. Nathalie Azoulai nous livre une somptueuse tirade sur cet arrachement que vivent les amours décues. Qui aurait entendu pareille complainte féroce sans le recours au maître du genre ?

"On ne quitte jamais impunément ce qu'on a aimé". (page 119)

C'est très bien fait.
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Eh bah moi non plus j'aime pas.
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Nouvelle exploration des prix littéraires avec cette fois le prix Médicis. Il fait partie de ces prix fondés en parallèle au Goncourt puisqu'il était d'abord décerné en même temps que le Femina qui lui a tout de suite été fondé en opposition à la misogynie (pour ses fondatrices) dudit Goncourt. le Médicis a lui pour philosophie de récompenser des auteurs méconnus, dont la renommée n'est pas encore installée (même si je vois que Marie Darieussecq a été récompensée en 2013 alors qu'elle avait fait un succès retentissant avec Truismes dès 1996). En consultant la liste des lauréats, je me rends compte que c'est bien mon premier Médicis que cet ouvrage de Nathalie Azoulai.

Et ce ne sera sans doute pas mon dernier puisque je me suis vraiment régalé. Autant la mode actuelle de l'autofiction a tendance à me laisser de marbre, autant la tendance aux biographies romancées et à la recréation de périodes historiques me fascine. Ici c'est le grand Racine qu'on suit tout au long de son existence, avec une simple introduction à partir d'une histoire d'amour moderne entre un Titus et une Bérénice (et qui a peut-être une part d'auto-fiction, mais qui reste fort limitée).

Ce livre est intelligent, passionnant et accessible, trois qualificatifs qui en font un vrai bijou. Je me suis régulièrement demandé, comme souvent dans ces livres, la part de vérité historique et la part de liberté fictionnelle. Mais je n'ai jamais rien trouvé d'incohérent, tout était logique, la construction progressive du style de Racine, ses différentes discussions avec les protagonistes. Chaque phrase attribué à Racine me paraissait tellement couler de source que le mérite en revient forcément à l'auteure : soit elle a fait un travail de recherche précis et impressionnant pour retrouver des citations aussi simplement belles, soit elle s'est tellement imprégnée de ses mêmes recherches que ses dialogues sonnent immédiatement juste... donc c'est quoi qu'il arrive génial.

On apprend énormément de choses sur ce génie français et ses hésitations, sur l'enfance tellement corsetée par la religion, sur la libération parisienne remplie de culpabilité, sur la compétition avec Molière et Corneille, sur l'amitié avec La Fontaine. J'ai dévoré le livre en deux trois jours, sans aucune lassitude, en me laissant guider dans des réflexions philosophiques, littéraires. J'ai conversé avec le roi Louis XIV, assisté aux balbutiements De l'Académie Française, le bonheur total.

Aucune esbroufe portant dans le style, volontairement très simple et pas du tout dans une recherche de compétition (et il ne valait mieux pas) avec l'auteur. Racine n'est jamais évoqué que comme Jean, on a l'impression de faire partie du cercle des intimes et on cherche à rester le plus disret possible, ayant toujours l'impression que quelqu'un finira par nous dire "Mais qu'est-ce que vous faites là, retournez dans votre siècle, vous n'avez pas à connaître l'envers du décor de notre époque" ! Il faut beaucoup de talent pour installer cette atmosphère, et je remercie donc humblement Madame Azoulay de m'avoir ouvert ce portail temporel pour assister à des moments historiques du théâtre français, fondateurs également de ce que notre langue est devenue. Que la langue française continue à évoluer, surtout dans sa construction, tout en respectant le canevas de base. C'est cela Racine et son génie français, une contradiction permanente, l'innovation perpétuelle dans le respect d'une certaine tradition
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