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3,7

sur 473 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un futur proche. Bien proche… La pollution, le réchauffement climatique, les pandémies et, comme si tout cela ne suffisait pas, les guerres et le pillage des ressources, ont peu à peu détruit notre planète et cantonnent l'humanité dans de grandes métropoles urbaines situées au bord des océans et menacées par la montée des eaux, les pénuries et les famines. Bienvenus dans le monde de demain. Prochain arrêt : Bangkok.

Dès la première page, l'immersion est totale et suffocante. Pas le temps de tester la température du coude, de parcourir son Berlitz pour connaître les traditions locales ou pour s'approprier les trois pages de vocabulaire nécessaire. Paolo Bacigalupi impose à son lecteur un saut sans bouée depuis le grand plongeoir, une méthode comme une autre pour apprendre à nager dans le marigot putride et étouffant de notre futur. C'est une méthode un peu brutale mais efficace. le lecteur patauge au début, ne comprend pas tout ce qui se dit ou se trame, mais finit par apprendre au fil des pages ces mots thaïs et/ou futuristes qui lui permettront de poursuivre : ngaw, khap, wai, khun, jok, mahout, yang guizi, farang…De la même façon, la toile de fond géopolitique sort du flou et les desseins des personnages, bien mystérieux au départ, se précisent peu à peu…

Nous évoluons dans une mégapole grouillante peuplée de communautés hétéroclites, où l'on croise en chemin des lézards mutants jingjok2 et des cheshires (chats domestiques zombies génétiquement modifiés retournés à l'état sauvage, directement issus de l'univers de Lewis Carroll), où les déplacements urbains se font en rickshaw, les transports intercontinentaux en dirigeable, où les piles à ressort ont remplacé l'électricité et le pétrole devenu introuvable, et où la société civile est au bord du chaos et de l'insurrection.

Dans ce monde hostile, le lecteur accompagne les principaux protagonistes du récit dans leur lutte pour la survie, se familiarise avec les combats des factions gouvernementales fratricides opposant le ministère de l'Environnement et le ministère du Commerce, aux objectifs si parfaitement et si clairement irréconciliables et découvre les manigances postcoloniales et hégémoniques des firmes occidentales.

Nous faisons la connaissance d'Anderson Lake, ce « farang » si malin et si intelligent, petit industriel dirigeant une usine agrochimique puisant ses ressources énergétiques dans la force musculaire des mastodontes, sorte de mammouths du futur 100% garantis pur OGM. On se rend vite compte qu'Anderson avance masqué et poursuit des objectifs peu avouables en lien avec les ambitions des grandes multinationales agroindustrielles, appelées AgriGen, PurCal, RedStar, Springlife ou Total Nutrient Holding dans le roman, dignes successeurs de l'actuelle Monsanto.

Nous sympathisons avec Hock Seng, ce vieux « yellow card » chinois qui doit faire preuve de créativité pour tirer son épingle du jeu, aidé en cela par son expérience des conflits passés lui permettant de louvoyer dans une jungle urbaine au bord de la guerre civile, et qui n'hésite pas à faire allégeance simultanément à ses maîtres farangs et à la maffia locale, dirigée par l'effrayant Sukrit Kamsing dit « l'Enculeur de chiens ».

Nous accompagnons dans leur combat quotidien le fier capitaine Jaidee Rojjanasukachai (dit le « Tigre de Bangkok ») et sa lieutenante Kanya, les deux « chemises blanches » qui, au service du général Pracha, tentent de faire respecter les normes sanitaires et douanières mises en place par le ministère de l'Environnement, ce qui bien entendu n'est pas du goût d'Akkarat, le sinistre et puissant ministre du Commerce prêt à ourdir tous les complots pour contourner ces empêcheurs de commercer en rond.

Enfin, nous rencontrons cette fille automate, abandonnée par son propriétaire dans un bouge de Bangkok, Emiko, une « nouvelle personne » aux étranges pouvoirs dont l'unique objectif désormais est de retrouver ses semblables depuis qu'elle a appris qu'elle n'était pas un modèle unique fabriquée par une firme japonaise commercialisant des sextoys sophistiqués. Devant la beauté plastique d'Emiko, personne ne peut rester de glace…

Attention, Emiko est susceptible de surchauffe en raison de ses circuits fragiles, et il ne faut pas l'énerver. Or, dans la situation explosive et pré-insurrectionnelle que connaît Bangkok actuellement, cette bombe siliconée pourrait bien mettre le feu aux poudres…

Amis lecteurs, ne soyez pas rebutés par la dureté du monde que décrit Paolo Bacigalupi. Car ce monde est notre monde de demain. Comme chacun sait, Monsanto veille aux graines.

Pendant cette lecture, pour vous mettre dans l'ambiance, réécoutez comme moi la musique du film In the Mood for Love, et celle de One night in Bangkok. Après la lecture, vous pouvez au choix reprendre votre Berlitz et apprendre à lire le thaï ou plus simplement répéter, pour le mémoriser comme un mantra, ce nom : « Paolo Bacigalupi ». Un nom certes bien difficile à retenir, mais dont il faudra désormais se souvenir.

Bonus :
https://www.youtube.com/watch?v=fIgU9aNpb9k
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Un roman d'anticipation de qualité qui nous montre avec brio ce qui pourrait être notre futur.
Avec la surconsommation, la pollution, le gaspillage et tout ce qui peut en découler pour notre planète et pour nous même.
De mêmes que les manipulations génétiques et technologiques ne sont pas en reste.

Néanmoins la quête du pouvoir est toujours bien présente et est le leitmotiv de toute société.
Des personnages attachants, déroutants qui nous permettent de nombreuses réflexions sur le monde d'aujourd'hui et de demain.

Un grand merci à Walktapus qui a réussi à titiller ma curiosité grâce à sa critique.
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Séduite par le titre et la superbe couverture de ce livre j'attendais un roman d'anticipation sur le destin de l'humanité confrontée à la robotique...

J'ai trouvé un roman riche en thèmes et en personnages, très dense où je me suis tout d'abord perdue dans un début laborieux, déroutée par le vocabulaire et les noms propres.

Avec « La Fille Automate » de Paolo Bacigalupi, l'on se retrouve dans le royaume de Thaïlande après la contraction. La contraction a suivi l'expansion. L'expansion c'est nous, notre consommation de masse, notre gaspillage de ressources, notre pollution qui a engendré le réchauffement climatique et la montée des eaux.
La contraction suit donc, avec la disparition des énergies fossiles et le manque récurrent d'énergie. La terre entière est ravagée par des maladies et épidémies. Les multinationales biotechnologiques (AgriGen, Total Nutrient) se sont emparées du marché des plantes et se spécialisent dans l'importation de semences génétiquement modifiées. La calorie est devenue l'unité la plus recherchée.
La vie est difficile à Bangkok, l'énergie est fournie par des mastodontes, éléphants génétiquement modifiés et les piles à ressort. Cependant, les Thaïs dépendent moins des compagnies occidentales blanches « Farang » grâce à leurs équipes de transgénieurs qui transpiratent des semences. Mais ce royaume vit protégé par le protectionnisme du puissant ministère de l'environnement et de sa faction armée les « chemises blanches »


Dans Bangkok, nous suivons le quotidien de personnages radicalement différents : la lieutenante Kanya et le capitaine Jaidee, officiers des Chemises Blanches, Lake, Carlyle et Anderson, des farangs travaillant pour des multinationales caloriques, Hock Seng un chinois « Yellow card » de la communauté malaise et Emiko, une « nouvelle personne », créature artificielle créée pour le plaisir d'un japonais puis abandonnée à Bangkok et qui sera l'effet papillon du livre.

Ce livre demande à être apprivoisé. Je me suis accrochée et j'ai plongé dans ce décor post-crise énergétique et géopolitique complexe tellement probable qu'on ne peut s'empêcher de penser que c'est visionnaire. Il oblige à se poser des questions sur la société et ses dérèglements. Merci aux éditions Au Diable Vauvert et à Babelio, Masse Critique de m'avoir offert l'opportunité de lire ce Livre.

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J'ai eu quelques difficultés au début à me mettre dans l'histoire, peut-être à cause du style, ou bien à cause de l'impression de froideur qui se dégageait des premiers chapitres... Mais à partir du moment où Emiko est apparue, mon intérêt n'a été que croissant... Un livre qui dérange, de par sa nature, puisque ce futur imaginé par Bacigalupi est loin d'être irréaliste... La corruption, les grandes entreprises dont le profit se fait sur le dos des moins nantis, les ressources qui s'amoindrissent, les pandémies, le réchauffement climatique... Bref, c'est à glacer le sang.... Un livre dense, avec plusieurs thèmes plus qu'intéressants... Une bonne lecture avec un début plutôt complexe, mais qui ne se lâche plus après...
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Mon dernier "page-turner".
J'avais du mal à lâcher Emiko et Anderson, Jaidee et Hock Seng: les héros aux visages multiples du livre.
Ce roman est foisonnant, riche et angoissant. C'est à la fois un roman d'aventure et d'anticipation mais aussi une critique de la société d'hyperconsommation.
Je ne comprends pas comment j'ai pu passer complètement à côté lors de sa sortie...
A lire même si on n'est pas fan de science fiction; c'est bien plus que ça!
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Bangkok ravagée, Bangkok submergée, Bangkok biohackée, mais Bangkok libérée !

Nous sommes dans le vif du sujet de ce roman qui s'apparente à un thriller très inventif en matière de science-fiction. Une apocalypse est survenue et l'énergie est une chose rare, de même que les ressources alimentaires dont les semences sont aux mains de puissantes entreprises étrangères.

Il y a énormément de créativité, de génie technique, génétique, politique, des personnages passionnants et des aventures nombreuses. Un peu de fantastique, dont on aurait aimé qu'il aille un peu plus loin.

Longtemps on se demande pourquoi il s'appelle "La fille automate", tant elle intervient peu. Puis elle prend de l'ampleur sans pour autant occulter les autres personnages. Car le biohacking touche aussi les animaux - dont les humains - et la fille automate est un appel à supprimer les travers du monde actuel. Si cela ne se passe pas de manière naturelle, alors une version modernisée de l'humain pourrait nous remplacer. Cela fait froid dans le dos mais tout est désormais possible. Ne croyons pas que la science-fiction n'est qu'une folie de l'imagination. L'anticipation puise dans le plausible. Redoutons le châtiment !

L'écriture est assez fluide mais il faut rester assez attentif car il y a pas mal de personnages, seulement deux grandes force politiques mais autant de protagonistes orbitant autour d'elles. Les camps sont assez nets, les rebondissements moins nombreux que les aventures et bon nombre de situations nous interpellent soit par leur originalité, soit par la réflexion qu'elles peuvent nous apporter.

Lien : https://www.patricedefreminv..
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J'avais beaucoup entendu parler de ce roman, qui revenait souvent comme un classique avenir de la SF. La fille automate de Paolo Bacigalupi nous entraîne dans un futur sombre, où des multinationales tentent de manipuler la génétique pour permettre à une humanité éparse de survivre à un environnement hostile, où les pandémies menacent régulièrement de la rayer de la carte. Un roman qui respire la bonne ambiance en somme.

Le roman nous immerge rapidement dans un univers biopunk sale et sans concessions. C'est un monde où la pauvreté et la maladie règnent en maître. L'ensemble de l'histoire se parcourt avec un creux désagréable au ventre tant la violence et la crasses semblent omniprésentes. le Royaume Thaï, où se passe l'histoire, est considéré comme un havre relativement stable face à d'autres régions du monde ravagées. le Vietnam subit une guerre brutale. Les récoltes du monde risquent à chaque moment d'être contaminée par la Rouille, une maladie qui touche les plantes et les rend impropres à la consommation, entraînant disette sur famine et la violence qui en découle de facto.

Au Royaume Thaï, les camps sont clairement délimités. Nous avons en bas de l'échelle les yellow cards, travailleurs immigrés, souvent empilés dans des camps, menacés constamment. Les chemises blanches font régner l'ordre officiel du gouvernement, ne lésinent pas sur la violence et sont redouté de l'ensemble de la société. Les étranger, “farang”, sont des investisseurs installés pour produire des aliments (algues, fruits…) et sont en généralement riches, cyniques et déconnectés. On a bien sûr le reste de la société, pêcheurs, éleveurs de poissons… Pauvres paysans tentant tant bien que mal de survivre dans un monde profondément malade.

Ce roman est à lire pour la richesse des problématiques abordées. La première est évidemment le sous-texte écologique, présente tout le long du récit sans nous être martelée. L'histoire nous emporte dans une post-histoire où l'humanité a abusé des ressources naturelles, entraînant une prolifération des maladies et des catastrophes naturelles. Comme je l'ai déjà évoqué, le transgénique est devenu monnaie courante pour tenter de créer des légumes viables, ce qui a abouti à une multiplication des entreprises spécialisées Monsanto-Style, avec des transingénieurs qui apprécient rien de mieux que de jouer à Dieu. C'est paradoxal et inquiétant, et pose la question de l'hubris d'une humanité qui même à bout de souffle tente d'utiliser les mêmes outils qui a mené à sa perte dans l'illusion d'obtenir un résultat différent. Il ya quelque chose de profondément pessimiste et déprimant.

D'autant plus que l'auteur ne s'arrête pas en mettant en avant l'intelligence artificielle. C'est à travers le personnage d'Emiko que nous voyons cet élément. Emiko est une création japonaise, une sorte de simili-humaine née en éprouvette, qui sert notamment à effectuer des travaux pour combler les carences de main d'oeuvre d'une société vieillissante. Elle allie beauté et intelligence, mais dispose de défauts de conception volontaires. Elle a notamment les pores de la peau très resserrés pour lui donner un teint parfait, elle ne sue donc pas assez et surchauffe rapidement. Mais elle a été abandonné au Royaume Thai. Elle sert dès lors de distraction, subissant une multitude de situations avilissantes. La fille automate ne peut pas se rebeller, à cause notamment de son code génétique. Mais pour combien de temps ?

Dès les premières pages, l'immersion est totale ! Voire trop : l'auteur nous plonge directement dans le vocabulaire spécifique de son monde (farang, chemise blanche, rouille…) sans forcément nous donner les clés. Il faut donc aimer être déstabilisé et accepter que tout ne sera pas évident ou compréhensible immédiatement. Mais une fois cette étape passée, l'histoire gagne en puissance pour dévoiler des enjeux bien plus importants qu'elle ne laissait entrevoir. En effet, on commence avec Anderson, américain peu sympathique qui cherche l'origine de mystérieux fruits qui semblent immunisés contre la fameuse Rouille. Très vite il va se trouver intriquée dans des conflits politiques qui bouleverseront l'équilibre du Royaume.

En outre, cet aspect progressif est porté par une écriture simple mais efficace. Mais également par le choix narratif d'aborder plusieurs points de vue à travers des personnages très différents. L'ensemble donne une cohérence plaisante à l'univers. Paolo Bacigulapi a également une bonne maîtrise de son rythme, notamment grâce à des passages intenses en émotion et/ou en action.

Malheureusement, un aspect m'a empêché d'entrer complètement dans l'histoire. Moi qui suis pourtant très fan de récits porteurs d'une grande noirceur, j'ai trouvé que la fille automate en débordait. Dans le sens où parfois il y a une violence qui vient vraiment alourdir le propos ou la description là où une plus plus subtile aurait un impact identique sans perdre le propos. Je pense notamment à une scène particulièrement crue avec Emiko. Il y a parfois une forme de surenchère qui m'a déconnectée de certaines scènes.

Enfin, les personnages sont variés et bien campés, mais ce n'est pas un livre pour vous si vous les aimez attachants. En effet, cette noirceur constante apporte un flou moral. du coup, de nombreux personnages agissent par nécessité et n'ont pas forcément de personnalités très approfondies, voire chacun d'entre eux nous est antipathique à un certain moment. Une fois de plus, ce manque de connexion émotionnelle pourra empêcher certains de rentrer complètement dans le roman.

Beaucoup de mes camarades lecteurs de SF ont adoré de livre et il a reçu de nombreux prix. C'est justifié puisqu'il ne manque pas de qualité : des propos intéressants menés avec efficacité, une maîtrise du rythme et un univers glaçant mais bien construit… Pour ma part, cette difficulté à s'immerger dans les premières pages, un côté sombre et dépressif trop présent et des personnages trop peu attachants m'empêchent de le compter parmi mes favoris. Peut-être ne lis-je pas assez de cyberpunk ?


Lien : https://lageekosophe.com/
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Pas vraiment habituée à lire des ouvrages de science fiction, je n'ai pourtant pas hésité longtemps devant la présentation de ce titre que m'a faite Silvana des éditions J'ai lu. Un choix que je n'ai pas regretté un instant.
Sous la plume efficace de Paolo Bacigalupi, j'ai découvert un monde à la fois profondément différent du nôtre et finalement pas si éloigné. Peut-être faut-il y voir une version de notre avenir… Face à la disparition des énergies fossiles, à des manipulations génétiques hasardeuses, les épidémies ont ravagé la population et changé la face du monde. La planète est maintenant gouvernée par de puissantes multinationales qui veillent scrupuleusement sur la nourriture qu'elles produisent. le monde est fait de luttes d'influence, d'espionnage, de pots de vin…
A Bangkok, le pays est dirigé par la Reine Enfant, assistée d'un conseiller ; le pays intéresse au plus haut point les investisseurs étrangers car il dispose d'une banque de semences, un véritable trésor en ces temps tourmentés. C'est dire si le pays est convoité : à l'intérieur même de ses frontières, des querelles intestines font rage et malmènent un peu plus la population. Trois intervenants de poids se disputent âprement le pouvoir : le Ministère de l'Environnement et ses chemises blanches, le Commerce et enfin les sociétés étrangères… Pour la population, écrasée entre le marteau et l'enclume, le quotidien est difficile, fait de débrouille, de faim et de misère.
Dans ce décor dantesque, quelques personnages hors du commun tentent de mener leur barque du mieux possible. Emiko, une nouvelle personne, une automate abandonnée par son propriétaire : sa vie est un enfer, sa vie est en sursis dans cette société et elle semble si humaine, dans ses réactions, ses interrogations. Jaidee est le capitaine des chemises blanches, un homme intraitable ; il est aimé du peuple mais se fait beaucoup d'ennemi par sa droiture. Kanya, son adjointe, ne sourit jamais et se veut à la hauteur de son mentor. Anderson, le gaijin, tente de positionner au mieux les intérêts qu'il représente, sa rencontre avec Emiko procure à la jeune femme l'espoir d'une nouvelle vie. Hock Seng est son assistant : ancien homme d'affaires, il cherche à se renflouer et n'hésite pas à nouer de dangereuses alliances.
La première partie du roman installe l'histoire, fait découvrir au lecteur cet univers aux allures d'apocalypse : la société thaïlandaise et les différentes « castes » qui la composent, les forces en présence, le quotidien adapté… Ainsi, plus de voitures, sauf pour de très rares privilégiés, mais des vélos ou des rickshaws, des nourritures inconnues au nom barbare, des animaux créés de toutes pièces comme ces Cheshire : conçus comme cadeau d'anniversaire, ils se sont multipliés et hantent les rues.
Au lecteur également de se plier au vocabulaire employé par l'auteur qui mêle volontiers au récit des termes thaïs, les utilisant de la même manière : le terme waï désignant le salut est par exemple utilisé comme un verbe classique et utilisé fréquemment. Cela peut dérouter au début mais on s'y fait vite. D'autant que cet ouvrage mérite amplement ce petit effort de concentration !
Passé ce début un peu laborieux (et le terme est fort), le lecteur est emporté par cette histoire passionnante, soucieux de découvrir ce qu'il adviendra de ce monde que l'on devine en pleine mutation et des protagonistes pour lesquels on éprouve de la sympathie. Pour ma part, Emiko et son envie de liberté, Kanya, victime de son sens de la justice et son sérieux. J'ai pris grand plaisir à suivre leurs aventures, à les voir évoluer dans cet univers terrible, en manque de valeurs. L'auteur signe ici une lecture coup de poing, en entraînant son lecteur dans un futur d'épouvante et en l'incitant sans aucun doute à la réflexion.
Lien : http://nahe-lit.blogspot.be/..
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«Nous sommes comme des petits singes qui essaient de comprendre une énorme jungle.»

C'est un peu l'impression que j'ai eu en rentrant dans cette jungle foisonnante qu'est «La fille automate», le récit d'un futur dans le royaume de Thaïlande, après l'effondrement de l'énergie fossile, dans un monde où la biodiversité n'est plus qu'une mine d'or disparue, et où de grandes pandémies ont dévasté le globe. Après une période de guerre et de dévastation, épidémies et fondamentalisme religieux menacent toujours, mais le commerce mondial reprend lentement ; et une poignée de sociétés dites caloriques (AgriGen notamment) contrôlent l'alimentation et le destin des humains avec leurs semences stériles et brevetées, d'un prix naturellement exorbitant.

Dans une ville de Bangkok menacée par la montée des eaux, une cité corrompue, grouillante et brûlante, Lars Anderson sous la couverture d'une activité de production d'énergie à base d'algues transgéniques, cherche à satisfaire les appétits impérialistes d'AgriGen et à mettre la main sur la banque de semences préservée par le royaume de Thaïlande.

Personnage ambigu (comme beaucoup d'autres ici), Anderson va croiser et être séduit par Emiko, une fille-automate de conception nippone, éduquée pour servir un maître japonais, puis abandonnée dans un bordel de Bangkok, un être programmé pour plaire et obéir mais apte à ressentir la souffrance et l'humiliation.

Au coeur des luttes acharnées pour le pouvoir thaïlandais, la fille automate n'est finalement qu'un personnage parmi d'autres, dans ce récit qui forme une prolongation extrêmement convaincante et imaginative des facettes les plus inquiétantes de la modernité.

«Des vendeurs de rues tendent leurs bras drapés de guirlandes de soucis, offrandes pour le peuple, proposent des amulettes scintillantes de moines révérés pour se protéger de tout, depuis la stérilité jusqu'à la gale purulente. Des étals de nourriture fument et grésillent dans l'odeur d'huile de friture et de poisson fermenté ; autour des chevilles de leurs clients, les formes tremblotantes et chatoyantes des cheshires s'enroulent en gémissant, espérant quelques restes.
Plus haut se dressent les tours de l'ancienne Expansion de Bangkok, vêtues de lierre et de moisissure, leurs fenêtres explosées depuis longtemps, elles ressemblent à de grands os blanchis par les charognards. Sans air conditionné ni ascenseur pour les rendre habitables, elles se contentent de cloquer au soleil. La fumée noire des feux de fumier illégaux s'échappe de leurs pores, révélant les locaux où les refugiés malais font cuire leur chapatis et bouillir leur kopis avant que les chemises blanches n'aient le temps d'investir leur refuge dans les hauteurs et de les tabasser pour crime.»
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Un livre de SF qui présente un futur terrifiant, qui pourrait bien être celui de la terre dans un siècle si nous n'y prenons pas garde.

Le réchauffement climatique est là, les transgénieurs ont joué avec le feu en créant de nouvelles espèces animales (le chat du cheshire, en hommage à Lewis Carol, fluo et caméléon, ou les charançons transpiratés qui ravagent les récoltes), humaines (les différentes versions des automates humains), et végétales, (des plantes stériles, rendant dépendant des fournisseurs...).

Les cultures sont malades, et les maladies passent aux hommes (rouille vésiculeuse, cibiscose) et sont morelles. Au milieu de ce chaos génétique, où l'énergie fossile n'existe plus, le monde a changé. La géopolitique est dominée par quelques grandes compagnies des calories (Soypro, Agrigen...). Il faut savoir qu' aujourd'hui, dans la ''vraie vie'', il n'y a réellement que trois grands fabricants de semences au monde. On n'y est presque!! Mais là, dans ce roman, c'est monsanto puissance dix mille (est-ce que je risque un procès??)

En Thaïlande, à Bangkok, les magouilles s'enchainent, dans un combat à mort entre le ministère de l'Environnement chargé de surveiller les importations des produits transpiratés et le ministère du Commerce qui pactise avec les farangs (les étrangers et leurs entreprises qui dépensent leur quota carbone dans les pays du tiers monde.

Un enjeu majeur pour Anderson Lake: trouver la banque de semences thaïlandaise pour renouveler le stock de gène de l'entreprise pour laquelle il travaille. L'enjeu est stratégique, car cela relève pour lui de la diversité et de la salubrité des productions agricoles à venir.

Entre pot de vin à tous les bords, coups d'états, conflits sociaux (peuple/ farangs/ yellow card / automate) et raciaux (chinois, thaïs, birmans, farangs), il ne fait pas bon vivre dans ce futur vers lequel nous courrons si nous ne faisons rien et continuons à gaspiller nos énergies.
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