La flatterie n'émane pas des grandes âmes, elle est l'apanage des petits esprits qui réussissent à se rapetisser encore pour mieux entrer dans la sphère vitale de la personne autour de laquelle ils gravitent.
- Eh ! bien, où donc est mon neveu ?
- Il dit qu’il ne veut pas manger, répondit Nanon. Ça n’est pas sain.
- Autant d’économisé, lui répliqua son maître.
- Dame, voui, dit-elle.
- Bah ! il ne pleurera pas toujours. La faim chasse le loup hors du bois.
Dans les grandes circonstances de la vie, notre âme s’attache fortement aux lieux où les plaisirs et les chagrins fondent sur nous.
La nécessité rendit cette pauvre fille si avare que Grandet avait fini par l'aimer comme on aime un chien, et Nanon s'était laissé mettre au cou un collier garni de pointes dont les piqûres ne la piquaient plus.(...)
Grandet, saisi de pitié, disait en la regardant: "Cette pauvre Nanon!" Son exclamation était toujours suivie d'un regard indéfinissable que lui jetait la vieille servante. Ce mot, dit de temps à autre, formait depuis longtemps une chaîne d'amitié non interrompue, et à laquelle chaque exclamation ajoutait un chaînon.
Cette pitié, placée au cœur de Grandet et prise tout en gré par la vieille fille, avait je ne sais quoi d'horrible.
L'innocence ose seule de telles hardiesses.Instruite la vertu calcule aussi bien que le vice.
Grandet n’était pas embarrassé pour apprendre à Charles la mort de son père, mais il éprouvait une sorte de compassion en le sachant sans un sou, et il cherchait des formules pour adoucir l’expression de cette cruelle vérité. Vous avez perdu votre père ! ce n’était rien à dire. Les pères meurent avant les enfants. Mais : Vous êtes sans aucune espèce de fortune ! Tous les malheurs de la terre étaient réunis dans ces paroles.
Le deuil est dans le cœur et non dans les habits.
Conservez-moi ma bonne femme ; je l'aime beaucoup, voyez-vous , sans que que ça paraisse, parce que , chez-moi, tout se passe en dedans et me trifouille l' âme .
Sentir, aimer, souffrir, se dévouer, sera toujours le texte de la vie des femmes.
...Eugénie , mue par une de ces pensées qui naissent au cœur des jeunes filles
quand un sentiment s' y loge pour la première fois , quitta la salle pour aller
aider sa mère et Nanon . Si elle avait été questionnée par un confesseur habile , elle lui eût dit sans doute avoué qu' elle ne songeait ni à sa mère ni
à Nanon, mais qu' elle était travaillée par un poignant désir d' inspecter la
chambre de son cousin , pour y placer quoi que ce fût, pour obvier à un oubli ,
pour y tout prévoir, afin de la rendre , autant que possible , élégante et propre
Eugénie se croyait déjà seule capable de comprendre les goûts et les idées de son cousin . En effet, elle arriva fort heureusement pour prouver à sa
et à Nanon , qui revenaient pensant avoir tout fait , que tout était à faire ..