Quatre phrases exactes autant que des formules algébriques lui servaient habituellement à embrasser, à résoudre toutes les difficultés de la vie et du commerce : Je ne sais pas, je ne puis pas, je ne veux pas, nous verrons cela. Il ne disait jamais ni oui ni non, et n’écrivait point. Lui parlait-on ? Il écoutait froidement, se tenait le menton dans la main droite en appuyant son coude droit sur le revers de la main gauche, et se formait en toutes affaires des opinions desquelles il ne revenait point.
Il lui avait plus surgi d'idées en un quart d'heure qu'elle n'en avait eu depuis qu'elle était au monde
Monsieur, si vous voulez nous faire l’honneur de venir nous voir, vous ferez très certainement autant de plaisir à mon mari qu’à moi. Notre salon est le seul dans Saumur où vous trouverez réunis le haut commerce et la noblesse : nous appartenons aux deux sociétés, qui ne veulent se rencontrer que là parce qu’on s’y amuse. Mon mari, je le dis avec orgueil, est également considéré par les uns et par les autres. Ainsi, nous tâcherons de faire diversion à l’ennui de votre séjour ici. Si vous restiez chez monsieur Grandet, que deviendriez-vous, bon Dieu ! Votre oncle est un grigou qui ne pense qu’à ses provins, votre tante est une dévote qui ne sait pas coudre deux idées, et votre cousine est une petite sotte, sans éducation, commune, sans dot, et qui passe sa vie à raccommoder des torchons.
Il n'allait jamais chez personne,ne voulait ni recevoir ni donner à dîner;il ne faisait jamais de bruit,et semblait économiser tout,même le mouvement.
Il lui avait plus surgi d'idées en un quart d'heure qu'elle n'en avait eu depuis qu'elle était au monde.
Les avares ne croient point à une vie à venir, le présent est tout pour eux. Cette réflexion jette une horrible clarté sur l’époque actuelle, où, plus qu’en aucun autre temps, l’argent domine les lois, la politique et les mœurs. Institutions, livres, hommes et doctrines, tout conspire à miner la croyance d’une vie future sur laquelle l’édifice social est appuyé depuis dix-huit cents ans.
Tout pouvoir humain est un composé de patience et de temps. Les gens puissants veulent et veillent. La vie de l’avare est un constant exercice de la puissance humaine mise au service de la personnalité. Il ne s’appuie que sur deux sentiments : l’amour-propre et l’intérêt; mais l’intérêt étant en quelque sorte l’amour-propre solide et bien entendu, l’attestation continue d’une supériorité réelle, l’amour-propre et l’intérêt sont deux parties d’un même tout, l’égoïsme.
Aie bien soin de tout, tu me rendras compte de tout ça,la bas dit il en prouvant par cette dernière parole que le christianisme doit être la religion des avares. ( P 234)
Dans la vie morale, aussi bien que dans la vie physique, il existe une aspiration et une respiration : l’âme a besoin d’absorber les sentiments d’une autre âme, de les assimiler pour les lui restituer plus riches. Sans ce beau phénomène humain, point de vie au cœur ; l’air lui manque alors, il souffre, et dépérit.
— Qu’est-ce que c’est, mon père, que de faire faillite ? demanda Eugénie.
— Faire faillite, reprit le père, c’est commettre l’action la plus déshonorante entre toutes celles qui peuvent déshonorer l’homme.
— Ce doit être un bien grand péché, dit madame Grandet, et notre frère serait damné.