Elle s'arrêta brusquement et plongea dans les yeux bleus de Madame Marneffe un regard noir qui traversa l'âme de cette jolie dame, comme la lame d'un poignard lui eût traversé le coeur.
A quarante-sept ans passés, la baronne pouvait être préférée à sa fille par les amateurs de couchers de soleil.
Tel était le dédale effroyable où les passions engageaient un des hommes les plus probes jusqu'alors, un des plus habiles travailleurs de l'administration napoléonienne : la concussion pour solder l'usure, l'usure pour fournir à ses passions et pour marier sa fille.
On ne sait pas combien de temps vont encore les gloires éteintes, soutenues par les admirations arriérées .
Il y a des gestes dont la franche lourdeur a toute l'indiscrétion d'un acte de naissance.
(...) trois jours après, le maréchal Hulot était mort.
De tels hommes sont l'honneur des partis qu'ils ont embrassés.
Pour les républicains, le maréchal était l'idéal du patriotisme; aussi se trouvèrent-ils tous à son convoi, qui fut suivi d'une foule immense. L'Armée, l'Administration, la Cour, le Peuple, tout le monde vint rendre hommage à cette haute vertu, à cette intacte probité, à cette gloire si pure.
N'a pas, qui veut, le peuple à son convoi.
Lui plaire, c’est l’affaire d’une soirée où l’on a de l’esprit ; mais être aimé d’elle, c’est un triomphe qui peut suffire à l’orgueil d’un homme, et en remplir la vie.
Le comte Wenceslas se coucha dans les draps de pourpre que nous fait, sans un pli de rose, la Faveur, cette céleste boiteuse, qui pour les gens de génie, marche plus lentement encore que la Justice et la Fortune, parce que Jupiter a voulu qu'elle n'eût pas de bandeau sur les yeux. Facilement trompée par les étalages des charlatans, attirée par leurs costumes et leurs trompettes, elle dépense à voir et à payer leurs parades le temps pendant lequel elle devrait chercher les gens de mérite dans les soins où ils se cachent.
Le bonheur ne crée rien que des souvenirs.
Au moment où la cousine Bette, la plus habile ouvrière de la maison Pons, où elle dirigeait la fabrication, aurait pu s’établir, la déroute de l’Empire éclata. L’olivier de la paix que tenaient à la main des Bourbons effraya Lisbeth, elle eut peur d’une baisse dans ce commerce, qui n’allait plus avoir que quatre-vingt-six au lieu de cent trente-trois départements à exploiter, sans compter l’énorme réduction de l’armée. Epouvantée enfin par les diverses chances de l’industrie, elle refusa les offres du baron, qui la crut folle. Elle justifia cette opinion en se brouillant avec M. Rivet, acquéreur de la maison Pons, à qui le baron voulait l’associer, et elle redevint simple ouvrière.
La famille Fischer était alors retombée dans la situation précaire d’où le baron Hulot l’avait tirée.
Ruinés par la catastrophe de Fontainebleau, les trois frères Fischer servirent en désespérés dans les corps francs de 1815. L’aîné, père de Lisbeth, fut tué. Le père d’Adeline, condamné à mort par un conseil de guerre, s’enfuit en Allemagne, et mourut à Trèves, en 1820. Le cadet, Johann, vint à Paris implorer la reine de la famille, qui, disait-on, mangeait dans l’or et l’argent, qui ne paraissait jamais aux réunions qu’avec des diamants sur la tête et au cou, gros comme des noisettes et donnés par l’empereur Johann Fischer, alors âgé de quarante-trois ans reçut du baron Hulot une somme de dix mille francs pour commencer une petite entreprise de fourrages à Versailles, obtenue au ministère de la Guerre par l’influence secrète des amis que l’ancien intendant général y conservait.