Les âmes des deux époux nageaient dans le bonheur. L’amour les accablait de ses trésors. La Pauvreté se levait comme un squelette au milieu de cette moisson de plaisir.
Le préjugé de la Vendetta empêchera longtemps le règne des lois en Corse
Là, commença pour elle l’apprentissage des chagrins que le monde sème autour de ceux qui ne suivent pas les usages.
Une journée ne ressemblait jamais à la précédente, leur amour allait croissant parce qu'il était vrai. Ils s'étaient éprouvés en peu de jours, et avaient instinctivement reconnu que leurs âmes étaient de celles dont les richesses inépuisables semblent toujours promettre de nouvelles jouissances pour l'avenir. C'était l'amour dans toute sa naïveté, avec ses interminables causeries, ses phrases inachevées, ses longs silences, son repos oriental et sa fougue. Luigi et Ginevra avaient tout compris de l'amour. L'amour n'est-il pas comme la mer qui, vue superficiellement ou à la hâte, est accusée de monotonie par les âmes vulgaires, tandis que certains êtres privilégiés peuvent passer leur vie à l'admirer en y trouvant sans cesse de changeants phénomènes qui les ravissent ?
La situation de ce ménage eut quelque chose d'épouvantable : les âmes des deux époux nageaient dans le bonheur, l'amour les accablait de ses trésors, la Pauvreté se levait comme un squelette au milieu de cette moisson de plaisir, et ils se cachaient l'un à l'autre leurs inquiétudes. Au moment où Ginevra se sentait près de pleurer en voyant son Luigi souffrant, elle le comblait de caresses. De même Luigi gardait un noir chagrin au fond de son coeur en exprimant à Ginevra le plus tendre amour. Ils cherchaient une compensation à leurs maux dans l'exaltation de leurs sentiments, et leurs paroles, leurs joies, leurs jeux s'empreignaient d'une espèce de frénésie. Ils avaient peur de l'avenir.
La Pauvreté se montra tout à coup, non pas hideuse, mais vêtue simplement, et presque douce à supporter, sa voix n'avait rien d'effrayant, elle ne traînait après elle ni désespoir, ni spectres, ni haillons, mais elle faisait perdre le souvenir et les habitudes de l'aisance ; elle usait les ressorts de l'orgueil. Puis, vint la Misère dans toute son horreur, insouciante de ses guenilles et foulant aux pieds tous les sentiments humains.
Il est bien difficile de cacher la plus petite émotion, le plus léger sentiment, à quinze jeunes filles curieuses, inoccupées, dont la malice et l'esprit ne demandent que des secrets à deviner, des intrigues à créer, à déjouer, et qui savent trouver trop d'interprétations différentes à un geste, à une œillade, à une parole, pour ne pas en découvrir la véritable signification.
L'adversité n'est-elle pas la pierre de touche des caractères?
L'horreur de la nourriture est un des symptômes qui trahissent les grandes crises de l'âme.
— En conscience, Piombo, répondit Napoléon, je ne puis pas te prendre sous mon aile. Je suis devenu le chef d’une grande nation, je commande la république, et dois faire exécuter les lois.
— Ah ! ah ! dit Bartholoméo.
— Mais je puis fermer les yeux, reprit Bonaparte. Le préjugé de la Vendetta empêchera long-temps le règne des lois en Corse, ajouta-t-il en se parlant à lui-même. Il faut cependant le détruire à tout prix.
L'horreur de la nourriture est un des synptômes qui trahissent les grandes crises de l'âme. (Folio, p.225)
Avec cette finesse qui accompagne toujours la méchanceté, (...) p. 36 en Folio à 2€