J'aime lire
Balzac et aussi découvrir dans son oeuvre de petits textes rares, moins connus, qui peuvent être aussi de véritables pépites.
On croise même un personnage qui s'appelle Colonna, c'est vous dire..
Ici ce n'est pas forcément un coup de coeur mais j'ai été sous le charme de l'écriture de l'auteur, sa manière de ciseler avec justesse un récit et de nous tenir en haleine par la prouesse de sa narration.
Le titre évoque
La vendetta, une coutume corse par laquelle les membres de deux familles ennemies poursuivent une vengeance réciproque jusqu'au crime. On est bien ici dans le sujet.
Le récit débute en octobre 1800, devant les Tuileries, à Paris, avec l'arrivée d'une famille misérable, dont le mari cherche à entrer en contact avec le Premier consul
Napoléon Bonaparte. D'abord repoussé par la garde, l'homme — un Corse d'une soixantaine d'années — rencontre, par chance, Lucien
Bonaparte, qui l'emmène auprès de son frère à qui l'homme raconte son histoire : en conflit ouvert avec la famille Porta, qui a tué la sienne et détruit ses biens (seules sa femme et leur fille Ginevra en ont réchappé), il s'est cruellement vengé en massacrant tous ses ennemis, sept hommes au total. de ce carnage, seul survivrait le jeune Luigi Porta, que Bartholoméo a pourtant attaché dans son lit avant d'incendier la maison. Les
Bonaparte lui étant redevables, Napoléon promet à son compatriote une aide discrète à condition qu'il renonce à toute vendetta, auquel cas le Premier consul lui-même ne pourrait plus rien pour lui.
Quinze ans plus tard, en juillet 1815, nous nous retrouvons dans l'atelier très mondain du célèbre peintre Servin qui accueille de jeunes filles en apprentissage issues du beau monde : l'aristocratie ou bien le milieu bancaire voire industriel...
L'une d'elle semble imposer son caractère fort, elle s'appelle Ginevra di Piombo, c'est la fille de ce Corse que nous avions rencontré quinze ans auparavant aux portes des Tuileries, devenu aujourd'hui le riche et très bonapartiste baron de Piombo. Qui plus est, Ginevra di Piombo a un talent de peintre inouïe.
Un jour, dans l'atelier de Servin, elle découvre fortuitement un proscrit bonapartiste, Luigi Porta, dont elle tombe immédiatement amoureuse. Une idylle se noue entre Luigi, blessé et aux abois, et la jeune fille.
Luigi Porta est le seul rescapé de sa famille, massacrée par les Piombo. A seize ans il s'engage dans l'armée de Napoléon. Blessé à Waterloo, proscrit, il se cache dans l'atelier du peintre Servin, où Ginevra le découvre.
Mais l'amourette finit par être éventée…
J'ai beaucoup aimé ce texte qui m'a tenu en haleine jusqu'au bout. Nous voyons bien sûr au travers de cette intrigue poindre l'idée d'une tragédie qui risque de venir dévaster cette histoire d'amour belle.
Le texte est beau, magnifiquement écrit. Au milieu du récit, il y a cet atelier de peinture et une dizaine de jeunes filles de bonnes familles qui viennent à nous comme une bouffée d'air frais. C'est une pause merveilleuse parmi les intrigues et rebondissements politiques qui vont jalonner le récit...
Ginevra Piombo a la beauté sauvage et indomptable de son père intraitable.
Balzac magnifie cette relation possessive entre le père et la fille, en y mettant un côté rageur et presque animal.
Mais jusqu'où peut aller la haine de deux familles ?
En si peu de pages, quatre-vingt-treize pages précisément,
Balzac nous emporte dans un récit extrêmement dense, traversant la grande Histoire, l'époque napoléonienne, la fameuse période des Cent-Jours...
C'est un récit touchant au final car une magnifique histoire d'amour tente de venir déchirer l'implacable anathème qui porte cette vendetta.