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Il y a quelques mois j'ai lu La vieille fille et j'avais été particulièrement impressionnée par le portrait saisissant que Balzac avait fait à la fois de la figure de la vieille fille et celle de la ville de province.
Bien que le curé de Tours fasse partie d'une trilogie différente de la vieille fille (Les Célibataires vs Rivalités de province), et que ce soit une nouvelle et non un roman comme la première, on y retrouve quasiment les mêmes thèmes, dans un contexte différent, et poussés à leur paroxysme. J'en ai été encore une fois totalement saisie.
Ici le personnage principal c'est l'abbé Birotteau, François, frère du fameux parfumeur au roman éponyme, César Birotteau. Il mène une vie ecclésiastique plutôt paisible dans la douceur Tourangelle où il loge chez une certaine mademoiselle Gamard. Tout aurait pu se passer sans encombres. Mais c'était sans compter l'indolence de Birotteau qui ne se rend pas vraiment compte de ses maladresses, l'orgueil de mademoiselle Gamard, qui ne peut tolérer qu'on blesse sa fierté et l'ambition de l'abbé Truchard, ami de cette dernière qui sans mot dire est prêt à tout pour franchir les échelons. Les deux amis, que la présence du pauvre Birotteau gène, mèneront une guerre froide et silencieuse pour s'en débarrasser, et tout ira decrescendo pour lui.
C'est une nouvelle et pourtant cette histoire m'a fait l'effet d'un roman tant elle est intense. Encore une fois, tout y est ; descriptions, tension, rebondissements et surtout portraits. Portrait incisif et cinglant de la prêtrise et de ses effets sur les hommes, de la réalité derrière le voile de la religion et du mélange malsain entre ambition terrestres et ambition céleste. Portrait de la province qui a élevé au rang de sport la médisance et les bavardages malveillants dont elle a besoin pour maintenir la vie sociale. Mais le portrait le plus saisissant, le plus marquant est celui de mademoiselle Gamard dont Balzac dissèque et analyse aussi finement que chirurgicalement les tensions internes que crée, en elle et en chaque femme de ce temps, cette position presque contre-nature du célibat prolongée, de la frustration qu'engendre cette place floue que ces femmes occupent malgré elles et qui doivent tenter tant bien que mal de continuer à exister dans la société. Là ou mademoiselle Cormon (La vieille fille) avait choisi d'agir avec bonté malgré les regards, mademoiselle Gamard, elle, n'écoutera que son ressentiment.
Je n'aime pas les anachronismes mais j'ai trouvé Balzac particulièrement féministe lorsqu'il pointe du doigt ce que la société inflige à ces femmes et ce que ces femmes s'infligent elles-mêmes à cause de la société :
« Ces êtres ne pardonnent pas à la société leur position fausse, parce qu'ils ne se la pardonnent pas à eux-mêmes. Or, il est impossible à une personne perpétuellement en guerre avec elle, ou en contradiction avec la vie, de laisser les autres en paix, et de ne pas envier leur bonheur. »
« Un préjugé dans lequel il y a du vrai peut-être jette constamment partout, et en France encore plus qu'ailleurs, une grande défaveur sur la femme avec laquelle personne n'a voulu ni partager les biens ni supporter les maux de la vie. Or, il arrive pour les filles un âge où le monde, à tort ou a raison, les condamne sur le dédain dont elles sont victimes. »
Si l'on n'y prend pas garde et qu'on lit ces passages avec le regard de 2024 on pourrait mal y voir, mais si l'on se place en 1832 l'analyse qu'il livre devient avant-gardiste, frappante et compatissante. En utilisant la fiction Balzac étudie les femmes sous toutes leurs coutures, les contradictions et les difficultés auxquelles la société les confronte, et c'est vraiment un aspect que j'adore absolument chez Balzac. C'est pour cela que j'avais tant aimé La maison du chat-qui-pelote, le bal de Sceaux, La vendetta, Eugénie Grandet et La vieille fille. Et encore une fois j'ai adoré, j'ai été totalement fascinée par le curé de Tours, et même quelques fois émue.
Bref, encore un coup de coeur. Tu as trop de talent Honoré.
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Depuis que je me suis installée à Tours - en juillet 1998!!- j'avais envie de relire ce lire, étudié pendant mes études et que j'avais beaucoup aimé. Je me souvenais vaguement des descriptions de la maison de l'abbé Birotteau, à l'ombre de la cathédrale Saint Gatien.

J'ai retrouvé avec délice la plume grinçante De Balzac, son regard sans complaisance capable saisir les moindres travers de la bêtise humaine et la méchanceté de certains. Ah l'abbé Troubert et la détetable Sophie Gamart!

Me voilà à nouveau en compagnie de ce pauvre abbé, dans l'édition annotée par mes soins pour préparer l'oral de français. C'est finalement sur La pharisienne de François Mauriac que j'ai été interrogé... et un beau 20/20, l'examinateur a reconnu que je connaissais l'oeuvre mieux que lui!

Bref le confinement où nous voilà contraint me permet de me replonger dans mes classiques!

.."
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Avec Pierrette et La Rabouilleuse, le Curé de Tours  forme la trilogie des Célibataires . Court roman qui se lit d'un seul trait.

Il contient les ingrédients balzaciens. le décor bien planté et décrit avec minutie : une maison dans le Cloitre , rue de la Psalette, à l'ombre de Saint Gratien. Une collection de caractères : deux ecclésiastiques, l'un débonnaire et naïf : l'Abbé Birotteau, l'autre ambitieux et retors, l'abbé Troubert, la vieille fille logeuse des deux prêtres, mademoiselle Gamard. A ces célibataires s'ajoutent les personnages gravitant dans les salons, avec intrigues, ragots et ambitions politiques. 

La tragédie de l'Abbé Birotteau s'annonce par des contrariétés minimes :

"quatre circonstances capitales de la porte fermée, des pantoufles oubliées, du manque de feu, du bougeoir porté chez lui, pouvaient seules lui révéler cette inimitié terrible "

Des vétilles, dont l'accumulation trahit l'hostilité subite de sa logeuse. L'abbé Birotteau et loin de savoir qu'elles ne sont les prémisses du drame.

On s'ennuie parfois en province. Les soirées sont occupées par des parties de whist ou de boston en bonne société. Et c'est la première faute de l'abbé Birotteau que de s'être soustrait aux parties de Mademoiselle Gamard pour fréquenter le cercle de Madame Listomère. Et privant mademoiselle Ggamard de sa société il s'attire l'inimitié de la vieille fille - caractère redoutable que caricature Balzac

"restant fille, une créature du sexe féminin n'est plus qu'un non-sens : égoïste et froide, elle fait horreur."

En effet, Balzac n'est pas tendre avec les femmes et sa misogynie est poussée à l'extrême dans le cas des "vieilles filles"

préjugé dans lequel il y a du vrai peut-être jette constamment partout, et en France encore plus qu'ailleurs, une grande défaveur sur la femme avec laquelle personne n'a voulu ni partager les biens ni supporter les maux de la vie."

Jalousie et ambition politique sont le moteur de l'intrigue qui pousseront à sa perte le naïf abbé, sûr de son bon droit, qui ira se jeter dans un procès perdu d'avance...

Un roman écrit au vitriol, bien méchant et diablement mené!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Décidément les Birotteau n'ont pas de chance, chez Balzac!
Que ce soit le parfumeur qui voit son commerce péricliter ou celui-ci, brave curé, raisonnablement ambitieux qui voit tous ses projets de canonicat partir à vau l'eau. Pourquoi?
Tout simplement à cause de sa logeuse, une vieille fille jalouse, frustrée d'avoir été privée de sa présence un soir qu'il était chez les aristocrates locaux.
"La jalousie est un sentiment indélébile dans les coeurs féminins. Les vieilles filles sont donc jalouses à vide, et ne connaissent que les malheurs de la seule passion que les hommes pardonnent au beau sexe, parce qu'elle les flatte."
Frustration sociale, plus ou moins amoureuse aussi, car la vieille demoiselle n'a pas ses entrées chez les nobles. Avec elle, se terre un curé rongé par une autre frustration, celle de n'avoir pas été l'ami et le dauphin du chanoine qui vient de mourir et qui a accordé l'héritage de sa fortune, notamment une splendide bibliothèque, au curé Birotteau qui se sent, au début de cette longue nouvelle, comme pousser des ailes. Il est parfaitement heureux de son logement, vaste, confortable jusqu'au jour où il rentre sous la pluie nocturne, qu'on a déplacé sa chandelle pour qu'il ne s'éclaire pas en rentrant et qu'on lui a pas allumé de feu. de petites mesquineries en petites mesquineries, ce sera la déchéance pour le pauvre curé, obligé d'abandonner son beau logement, l'héritage de sa bibliothèque. On lui ruine sa réputation, une aristocrate tente de le loger mais les ambitions des nobles les empêchent vite de se compromettre et il finissent par l'abandonner à son triste sort.
D'autre part, le curé Troubert a travaillé dans l'ombre pour accéder à l'évêché, et Balzac montre bien que la réussite sociale sourit souvent aux médiocres et c'est en cela qu'il reste un auteur moderne. le défaut du "curé de Tours", de l'abbé Birotteau est qu'il n'est pas intrigant, trop naïf avec la société qui l'entoure et il finit par se faire rouler dans la farine par les uns et les autres. Il n'a pas de passions tristes, voire pas de passions du tout et cela fait de lui presque un suspect.
"Un homme de génie ou un intrigant seuls, se disent : – J'ai eu tort. L'intérêt et le talent sont les seuls conseillers consciencieux et lucides."
"'il est nécessaire à l'homme d'éprouver certaines passions pour développer en lui des qualités qui donnent à sa vie de la noblesse."
Tout ce que l'abbé Birotteau n'a pas compris. Trop pur.
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Ces deux courts romans De Balzac s'attaquent à la vieille fille et en cela ils sont très datés. Lui pourtant toujours si actuel nous propose ici une analyse extrêmement dure du statut de célibataire, transformant ses personnages en véritables animaux inaptes à la société. J'ai peu aimé Pierrette, dont l'histoire tourne autour de la souffrance d'une petite orpheline. Au lieu de la compassion attendue, on trouve de longues pages de lutte entre les deux camps et ça dure ! le curé de Tours est beaucoup plus concis et beaucoup plus léger. le personnage de l'abbé Birotteau est très reconnaissable !
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Depuis qu'il a hérité du logement chez Melle Gamard grâce à feu l'abbé Chapeloud, l'abbé Birotteau est comme un coq en pâte. Et son dernier rêve, devenir chanoine, semble vouloir advenir.
Mais si l'homme est honnête, il a oublié auprès de sa logeuse les petites attentions de son prédécesseur. Et au retour d'une soirée, il constate que l'accueil de la vieille demoiselle et de sa domestique n'est plus aussi chaleureux. Pire, Melle Gamard semble se plaindre de son locataire et souhaiter son départ. Grâce à ses amis, Birotteau apprend que l'autre locataire, un abbé également, ambitieux et retors, visait le logement confortable et chaleureux où vit le vieux prêtre. C'est le début d'une chute sans fin.
Dans ce court récit, Balzac décrit des êtres aux petites ambitions, aux comportements mesquins, obtenant de petites victoires qui semblent satisfaire leur médiocrité. Avec de nombreux flashbacks (ou analepses, merci à Christophe_bj pour ce mot nouveau dans mon dictionnaire personnel), l'auteur nous décrit le parcours de ces prêtres, de ces vieilles filles qui s'en occupent, tout cela dans une province bien rétrograde.
Une vision bien sombre de l'humanité dans ce court roman qui pourtant comprend quelques longueurs.
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C'est une nouvelle sur les mésaventures de l'abbé Birotteau dans une ville chère à Honoré de Balzac : Tours.
L'abbé Birotteau est un homme franc, maladroit, bonasse qui est locataire chez Mademoiselle Gamard comme le sont le chanoine Chapeloud et l'abbé Troubert .
La comédie humaine dans toute sa splendeur, avec ses noirceurs, ses bassesses, ses hypocrisies, sa méchanceté et sa cupidité !
L'abbé est ami avec le chanoine Chapeloud et, il lui envie son beau mobilier, ses tableaux de prix, sa bibliothèque et, quand ce dernier décède en lui laissant ses biens, Birotteau est comblé et, il s'imagine même devenir chanoine de la cathédrale de Saint Gatien. Hélas, c'est sans compter sur la jalousie de Mademoiselle Gamard, vieille fille, grenouille de bénitier qui est véxée du fait qu'il préfère les sorties chez des notables de la ville, car lui n'a pas le talent, la diplomatie (ou l'hypocrisie ) de Chapeloud pour s'attirer ses faveurs ! Hélas, c'est aussi sans compter sur l'abbé Troubert qui est ambitieux , malfaisant et, qui avec la logeuse va tout tenter pour le faire partir !
Ils finiront par le faire fuir se réfugier chez Madame de Listomère et ses amis dans un premier temps car, quand les intérêts de la famille de celle-ci sont menacés : elle a tôt fait de négocier avec Troubert qui peut prétendre à devenir Vicaire Général et ensuite Evêque, ils vont tous s'incliner devant la puissance de l'Eglise sous la Restauration.
L'abbé Birotteau sera relégué comme prêtre à Saint Symphorien.
Une belle description balzacienne féroce, acide et réaliste des moeurs et des mentalités du XIX ième siècle.Et, en plus dans cette nouvelle : une analyse du poison des célibats des vieilles filles et des prêtres qui sont des êtres redoutables ! ! !
L.C thématique d'août 2021 : le nom d'une ville dans le titre.
Dans mon édition ( ancienne ) : il n'y avait pas Pierrette.
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J'avais quelque peu délaissé mon projet de lecture ou de relecture de la Comédie Humaine d'Honoré de Balzac… Un an sans lire un Balzac ! Comme le temps passe vite…

LE CURÉ DE TOURS :

Ce modeste petit roman, le Curé de Tours, publié en 1832, date des débuts de la carrière littéraire De Balzac.
A priori, le héros éponyme n'a rien d'exceptionnel ; l'intrigue n'a rien d'extraordinaire ; l'action tient dans quelques quartiers de Tours où un brave abbé, objet de la haine d'un prêtre ambitieux et de sa logeuse, devient la victime d'une machination… Pourtant, c'est un véritable petit drame qui, par ses côtés analytique et philosophique, fait le lien entre étude de moeurs, étude de caractères et roman d'intrigue : sans comprendre ce qui lui arrive, le vieux prêtre est chassé, spolié, interdit par l'évêque et trahi par ses amis.

Selon Balzac, le célibat mène à l'horreur ou à l'héroïsme et les célibataires sont souvent décrits comme égoïstes ou nuisibles. Les différents personnages du Curé de Tours livrent une description des moeurs provinciales au travers des types sociaux de la vieille fille et du prêtre.
Les passages sur Melle Gamard rappellent La Cousine Bette (autre roman de vengeance dans la maison) et pourraient être publiés à part, dans une physiologie. C'est une adepte des « intrigues mesquines, des caquetages de province et des combinaisons égoïstes » ; son physique et son intérieur sont en adéquation avec son caractère. Elle représente la société bourgeoise et n'est pas admise dans la société aristocratique tourangelle. Melle Salomon, quant à elle, est une vielle fille héroïque au « dévouement religieusement sublime, sans gloire » ; elle a été belle, a aimé, c'est une « personne simple de manières, franche en son langage », discrète, elle a « les belles qualités que développent les grandes douleurs », passe « pour une bonne personne », fait du bien et s'attache aux êtres faibles, d'où son intérêt pour l'abbé Birotteau.
Les personnages des prêtres appartiennent au même type social même si leurs moeurs sont différentes. L'abbé Birotteau est décrit dans un égoïsme naturel renforcé par l'étroitesse de la vie de province, un « égoïsme franc et maladroit ». L'abbé Troubert cache son jeu. Les remontées en amont convoquent une forme de mémoire narrative autour du personnage de l'abbé Chapeloup : le souvenir de cet homme admirable obsède le récit, le hante d'une manière troublante ; lui, c'était un « égoïste aimable et indulgent », un « égoïste adroit et spirituel ». Il s'était opposé à l'élévation de l'abbé Troubert, mais « secrètement et avec beaucoup d'esprit », lui avait adroitement refusé l'accès aux salons de la meilleure société de Tours, avait même conseillé à l'abbé Birotteau de s'en méfier. Surtout, il avait su gérer ses rapports avec Melle Gamard contrairement à l'abbé Birotteau qui va commettre des erreurs. C'est une figure totémique créditée d'autorité, objet de respect et d'interdit.

L'intrigue est complexe et se développe à plusieurs niveaux qui s'interpénètrent. Tout commence par une conspiration domestique : récemment installé chez Melle Gamard, l'abbé Birotteau délaisse le cercle de cette dernière parce qu'il s'y ennuie… Cette attitude lui vaut une inimitié qu'il ne sait pas voir et dont il prend conscience de manière floue et tardive se retrouvant horrifié et perplexe dans la peau du persécuté quand commencent les brimades mesquines ; il envisage alors successivement une série de solutions pour se tirer d'affaires ; mais sa faiblesse de caractère et son aveuglement le rendent vulnérable face à l'hostilité de Melle Gamard et la force du complot dans lequel il se trouve pris.
En effet, le problème passe au plan ecclésiastique à cause de l'ambition de l'abbé Troubert, patient dans son désir de vengeance. L'abbé Birotteau tente d'abord une médiation auprès de lui puis s'éloigne le temps d'un séjour chez Mme de Listomère où on l'encourage à porter son litige devant les tribunaux.
Enfin le drame s'élargit encore au niveau politique : de véritables clans se forment autour du triangle Melle Gamard/ Abbé Troubert/ AbbéBirotteau selon les clivages politiques Tourangeaux. La querelle Birotteau-Listomère VS Gamard-Troubert cristallise tous les antagonismes, toutes les passions tourangelles. le pauvre abbé Birotteau devient un pion dans un jeu de salon quand Mme de Listomère et ses amis le poussent à l'affrontement puis l'abandonnent à son sort. L'abbé Troubert et Melle Gamard acquièrent de véritables statures : Troubert n'est plus l'abbé effacé sous la coupe de Melle Gamard mais un redoutable membre de la Congrégation. Ces deux personnages sont tirés vers le haut tandis que l'abbé Birotteau est réduit à néant.

Des réflexions, des commentaires, des digressions ou encore des propos idéologiques poussent cependant les limites de l'étude de moeurs dans une tentative moralisante ou philosophique. le romancier se veut aussi penseur.
Le Curé de Tours est une critique du clergé dans un roman sur la convoitise et la vengeance. L'abbé Birotteau par son goût du confort et son désir de devenir chanoine et l'abbé Troubert porté par l'ambition sont devenus prêtres par opportunisme et non par application des vertus chrétiennes. C'est un roman de moeurs et un roman à thèse, roman d'idée à la fin car Balzac propose un prolongement du roman dans un domaine où on ne l'attendait pas, sur la nature de l'homme.

Je recommande le téléfilm tiré de ce roman avec Jean Carmet dans le rôle de l'abbé Birotteau, Michel Bouquet dans celui de l'Abbé Troubert et Suzanne Flon en Melle Gamard (https://madelen.ina.fr/programme/le-cure-de-tours).

PIERRETTE :

Pierrette est un livre peu connu De Balzac, présenté par son auteur dans sa dédicace à Mademoiselle Anna de Hanska comme « une histoire pleine de mélancolie »… Personnellement, je qualifierai plutôt ce roman d'illustration sordide de la maltraitance familiale ordinaire, de la négligence et de la non-assistance à une personne vulnérable en danger.

A douze ans, Pierrette Lorrain, orpheline, est confiée par ses grands-parents, ruinés, à Sylvie et Jérôme-Denis Rogron, des parents éloignés, merciers retraités, frère et soeur célibataires. Fraichement débarquée à Provins depuis sa Bretagne natale, la fillette est une belle enfant, spontanée, en quête d'affection ; les Rogron sont tout le contraire, calculateurs, mesquins, aigris… Ils occupent, à ce titre, une place de choix dans la galerie des célibataires de la Comédie humaine, vieille fille et vieux garçon exemplaires !
Tout au long du roman, Balzac donne à lire la montée en puissance du calvaire de Pierrette qui devient petit à petit la servante de la maison et le souffre-douleur de Sylvie Rogron. de réflexions désobligeantes en brimades, de jalousies en rancoeurs, de violence verbale puis physique, de manigances en manipulations, la fillette devenue adolescente est littéralement et méthodiquement démolie. Souffrante, maladive, elle évite de se plaindre, n'est pas soignée à temps…
En parallèle, Balzac nous décrit par le menu la rivalité entre deux clans politiques rivaux de Provins, reflet de la situation de la France sous le règne de Charles X ; des luttes politiques locales opposent les légitimistes et les libéraux qui se répartissent dans les salons influents de la ville. En effet, Sylvie Rogron reçoit beaucoup dans sa maison et les Rogron participent à des intrigues diverses et variés, politiques et même matrimoniales. Si la situation de Pierrette est remarquée par quelques protagonistes, personne ne s'intéresse assez à son sort pour lui venir réellement en aide ou alors, bien trop tardivement.
Seul Jacques Brigaut, son ami d'enfance et amoureux, apporte un peu d'espoir à la jeune fille.
J'ai déjà parlé de mon intérêt particulier pour le docteur Horace Bianchon, qui fait partie des rares bonnes volontés de cette histoire, et que j'aime retrouver tout au long de la Comédie humaine, lors de ses apparitions… On le croise ici au chevet de la pauvre Pierrette.

La narration souffre parfois des habituelles longueurs balzaciennes, surtout quand il s'agit de planter le décor des luttes politiques locales et de décrire les tenants et aboutissants de la situation sociale des Rogron. On se perd parfois dans un certain nombre de digressions…
J'ai cependant apprécié les réflexions sur les mariages tardifs et les risques des grossesses à un âge avancé.

La morale de cette triste histoire est particulièrement sordide et cynique, même si les Rogron sont jugés pour les mauvais traitements infligés à Pierrette ; l'épilogue montre la réussite future des notables mis en scène dans le roman et l'oubli du destin tragique de la jeune fille.
Un livre cruel, pessimiste…
Un huis-clos provincial sans espoir, une tragédie intime supplantée par des luttes politiques sans la moindre envergure.
Un texte à découvrir pour sortir des sentiers rebattus.
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Ce n'est rien de dire que l'abbé Birotteau est aux anges quand il hérite à la mort de son ami l'abbé Chapeloup de ses beaux meubles et de sa chambre dans la pension de la respectable mademoiselle Gamard. Il en avait tant rêvé, et voilà que son rêve devient réalité. Il est même persuadé que la charge de chanoine laissée vacante par son ami ne peut maintenant que lui échoir. Pauvre abbé Birotteau, il est tellement naïf et crédule. Comment pourrait-il imaginer dans quelle taupinière il vient de mettre les pieds?

Alors là, je me réconcilie avec Balzac ! Cette critique des clivages d'une société et de ses luttes de pouvoir est féroce mais que c'est finement observé, analysé, orchestré !

La plume acérée De Balzac ne nous épargne rien des dessous peu ragoutants qui s'enchevêtrent sous la robe rutilante de la bienséance, les rivalités intestines qui grouillent, les enjeux personnels et manoeuvres retorses qui régissent les individus. Médisance, mesquinerie, convoitise, jalousie, vengeance, manipulation, ambition, vanité s'étalent et rivalisent sans complaisance. D'un évènement anodin, c'est toute la société tourangelle qui va être ébranlée.

L'ambition et la vanité tiennent bien évidement une place de choix. le célibat (particulièrement celui des vieilles filles) n'est pas non plus en reste. le tandem mademoiselle Gamard et l'abbé Troubert est délicieusement méprisable, d'un machiavélisme redoutable. La confrontation finale de l'abbé Troubert et madame de Listomère est un grand moment d'hypocrisie et de duplicité. Un dialogue d'une justesse remarquable. Quant à notre pauvre abbé Birotteau, il ne pipe pas grand-chose à ce qui se passe…

Oh que tout cela est bien peu chrétien. C'est féroce, poignant, implacable. Je l'ai lu il y a maintenant plusieurs mois et je saigne encore…
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Deux prêtes, l'abbé Birotteau et L'abbé Troubert, qui ont chacun une chambre chez mademoiselle Gamard, logeuse dévouée. Ils semblent vivre en parfaite harmonie. Troubert a "hérité" du mobilier et de la bibliothèque du précédent occupant (prête lui aussi). Sa chambre est la plus spacieuse et la mieux décorée.

Troubert est un faible. Piètre orateur, homme qui n'aspire qu'à la paix, à la prière mais aussi à son confort. Il ne comprend qu'avec une longueur de retard ce qui se trame autour de lui.
Hors l'abbé Birotteau convoite secrètement les appartements de son confrère. le conflit devient larvé, la société s'en mêle car chacun a ses partisans.

Dans toute guerre il y a au moins un perdant et c'est ainsi que le roman se termine, dans la tristesse.
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