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EAN : 9782845863965
360 pages
Karthala (15/09/2003)
4/5   1 notes
Résumé :

Le dévoiement du multipartisme et le recours aux armes semblent avoir brisé le rêve démocratique en Afrique...

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Une thèse remarquable, d'une grande portée politique au-delà de son sujet précis...

Publié et très fortement actualisé en 2003 à partir d'une thèse de 1998, ce livre fondateur de Richard Banégas, responsable du DEA « Etudes africaines » de science politique à Paris I et plusieurs années rédacteur en chef de la revue « Politique africaine », constitue un bon exemple de ce que la recherche universitaire peut produire de plus intéressant pour le profane raisonnablement curieux d'un sujet. « La démocratie à pas de caméléon – Transition et imaginaires politiques au Bénin », après un rappel historique utile, étudie en détail les modalités de la transition démocratique de 1990, et des trois élections qui ont suivi, dont celle gagnée démocratiquement par Mathieu Kérékou, ex-dictateur, en 1996.

La conclusion très résumée de ces 500 pages rend à peine justice à l'ampleur et à la solidité de ce travail : « L'actualité sanglante du continent (en 2003) est là pour rappeler que la Kalachnikov est, dans de nombreux pays, un vecteur plus important que le bulletin de vote dans la redéfinition des modes de subjectivation politique. La trajectoire béninoise laisse tout de même un peu d'espoir. de ce cheminement dans les vons de Cotonou, de Ouidah et d'Abomey, on retiendra quelques enseignements qui peuvent avoir une portée plus étendue pour l'analyse des processus de démocratisation en Afrique et ailleurs. Ces leçons touchent aussi bien les processus de transition que la portée des réformes. En revisitant l'histoire apparemment sans histoires du Renouveau démocratique, on mesure, en premier lieu, la faiblesse explicative des thèses exogènes du changement. L'analyse de la crise du régime Kérékou souligne, en effet, l'historicité propre de la « révolution de velours » béninoise. Celle-ci a, dans une large mesure, obéi à une temporalité particulière, beaucoup plus liée au devenir des luttes factionnelles et des mobilisations sociales qu'aux effets de diffusion d'un « temps mondial » de la démocratie de marché. Ce constat vaut bien entendu pour d'autres pays. Au point que l'on doit s'interroger sur l'efficacité réelle des politiques d'aide internationale qui, sous forme de projets ou de conditionnalités, prétendent contribuer à l'émergence de la démocratie et de la « bonne gouvernance ». Indépendamment de leurs conditions de mise en oeuvre, ces programmes d'appui ont peu de chances d'aboutir pour la simple raison que la logique des conditionnalités internationales impose un calendrier très largement déconnecté de la temporalité réelle du changement.
L'expérience béninoise souligne également la vacuité des interprétations de la démocratisation soumises aux illusions de l' « histoire naturelle ». Qu'il s'agisse des agences multilatérales ou bilatérales, la plupart des programmes d'aide au développement reposent sur la fiction d'un modèle téléologique de transition vers le pluralisme et l'Etat de droit. Encore marqués par l'idéologie développementaliste, ils postulent généralement une trajectoire linéaire de transition vers la « démocratie de marché » commune à l'ensemble des pays sous ajustement. Ils se fondent également sur le postulat du volontarisme politique qui veut que les élites en place sont maîtres de leur propre histoire et, in fine, de la réussite ou de l'échec des processus de transition. Or le cas du Bénin, parmi d'autres, permet de battre en brèche cette vision d'une transition « modèle ». Il montre que les processus de démocratisation sont éminemment contingents, des « conjonctures politiques fluides » dont la singularité s'ancre dans l'historicité des trajectoires nationales. La Conférence Nationale de février 1990 en témoigne à elle seule. A rebours des images consensuelles d'une conférence-palabre tenue sous les auspices de la « jarre percée » de Guézo, nous avons souligné la dimension hautement conflictuelle et incertaine de ce forum, ainsi que le caractère structurant des luttes qui s'y sont déroulées. (...) Rien n'était cependant joué au lendemain de ces assises. Pendant toute la durée de la transition et jusqu'au lendemain du second scrutin présidentiel de 1996, la formation du régime pluraliste s'est opérée sous le sceau du conflit et de l'incertitude. (...)
Le « retour du caméléon en haut de l'arbre », en particulier, a incontestablement contribué à faire de la démocratie le « seul jeu en ville » (Linz) en montrant que l'alternance pacifique était possible et, surtout, en fournissant aux acteurs politiques majeurs la preuve que leurs intérêts ne seraient pas irrémédiablement menacés s'ils les soumettaient à l'incertitude institutionnalisée du suffrage universel. »

En filigrane, deux questions bien entendu, au prétexte de l'étude détaillée du cas béninois : d'abord, la part « irréductible » de clientélisme que comporte toute démocratie (ni uniquement africaine ni uniquement béninoise), comme l'ont montré les travaux de Frédéric Sawicki, par exemple, dans le cadre de la France ; ensuite, la question qui reste fondamentale des sources de la légitimité des acteurs du pluralisme, entre endogène et exogène, inscription dans la tradition et recours à la modernité, racines populaires et élitisme international,... ainsi que le rappellent les récents événements de Côte d'Ivoire...

Passionnant travail nourri de documents d'époque et de très nombreux entretiens « terrain » qualitatifs auprès de dizaines de Béninois, afin de mieux cerner les contours du contenu actuel de cette réalité politique, très souvent citée comme exemple particulièrement réussi pour le continent africain. Confronté à l'actualité des « révolutions moyen-orientales » et des aspirations à la démocratie ainsi déployées, ce travail d'il y a huit ans prend aussi une résonance bien particulière.
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