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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Le portrait de Martin Sommervieu" m'a incité à relire une fois de plus le Chevalier des Touches et à ouvrir cette vieille édition de la fin du XIX, illustrée par Julien le Blant, que cinq générations familiales ont lu, annoté, corné, parfois taché, et assurément usé, en appréciant son éternelle actualité et son ancrage régional.

Le salon de Valognes m'évoque d'autres salons à Alençon, Lisieux, Mayenne et aussi en Bretagne, à Vannes, ou en Vendée, près des Lucs, à écouter devant une cheminée, celles et ceux qui nous ont précédé nous décrire des épisodes qu'ils ont vécus ou connus au fil des ans. Cette ambiance chaleureuse des maisons familiales, quasi inchangées au fil des années, rajeunit spontanément les mémoires et il suffit d'une retrouvaille ou d'un album photo pour lancer la conversation et revivre une des guerres mondiales, l'exode, le débarquement, le sauvetage d'un pilote allié abattu, d'un naufragé ou d'un proscrit. Quelle famille n'a pas à chaque époque son épopée et son Chevalier des Touches ? Qui n'a pas entendu Mai 1968, ou mai 1981 raconté et embelli et qui demain n'aura pas à réentendre évoquer telle action des Gilets Jaunes ou le drame du Bataclan ou de Charlie Hebdo ?

Et les Percy, l'amazone et l'abbé, je les ai croisés, ou plutôt j'ai eu la chance de connaitre leurs réincarnations et quelle famille n'a pas ses demoiselles de Touffedelys ? Ce sont nos grandes tantes qui eurent 18 ans en 1918 et restèrent célibataires suite à l'hécatombe de la grande guerre. Ce sont nos tantes dont les fiancés furent prisonniers en 1940 et massacrés ensuite en Allemagne.

J'ai passé les dernières soirées projeté dans ce salon de Valognes au milieu d'amis, qui certes n'ont connu ni la révolution ni l'empire, ni la restauration, mais ont vécu les épisodes suivants et accomplissent leur devoir de mémoire en transmettant ce qu'ils ont vécu.

Le Chevalier des Touches est intemporel, éternel, c'est le héros de chaque époque, de chaque province et c'est ce qui le rend si proche, si attachant, quoique ce chouan ne reculait devant rien comme l'illustre le terrible épisode du Moulin Bleu.

Une lecture qui dope la mémoire et excite l'imagination, voici ce que Barbey d'Aurevilly a eu le talent de nous offrir avec ce salon qui devient un écran laissant place à l'histoire et ses héros et héroïnes.
Un chef d'oeuvre que j'espère relire à l'avenir.
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Il n'y a pas de bonnes histoires : il n'y a que de bons conteurs ! L'histoire du chevalier Des Touches ne serait qu'un épisode sanglant et mouvementé de la Chouannerie cotentinoise sans son conteur exceptionnel.

Ou plutôt sa conteuse, si l'on peut affecter ce féminin à quelqu'un qui , de son propre aveu, n' a jamais été femme « que sur les fonts de (son) baptême, et qui, hors de là, ne (fut) toute (sa) vie qu'un assez brave laideron, dont la laideur n'avait pas plus de sexe que la beauté du chevalier Des Touches n'en avait! » .

Barbe-Petronille de Percy, dite « le major » entreprend de conter l'histoire épique et violente du chevalier Des Touches, que l'on croyait mort, et dont on vient de croiser l'inquiétante silhouette dans le village, une nuit de veillée où elle reçoit dans son salon aristocratique retrouvé tout décati après l'Emigration, ses vieux amis – son frère l'abbé de Percy, le baron de Fierdrap, féru de chasse, deux antiques jumelles pâlottes et discrètes , les demoiselles Touffedelys- tout un programme !- et la très sourde et encore belle Aimée de Spens, héroïne, bien malgré elle, de cette histoire pleine de sang et de fureur.

Comme Aimée n'entend rien et fait benoîtement sa tapisserie au petit point, la conteuse et son public s'adonnent sans retenue aux charmes du récit et de ses interruptions –digressions, toujours hautes en couleurs !

Tout le plaisir de la lecture est dans cette atmosphère de veillée, son parler d'autrefois, volontiers gaillard, plein de couleur locale- celle du Cotentin de Barbey !

Un enfant traîne aussi dans les parages : c'est Barbey, justement, qui, des années après ce récit inoubliable mais incomplet- clos sur son mystère- lui apportera la dernière touche..(la dernière touche de Des Touches, il fallait y penser) , et elle est rouge comme le sang, cette touche, rouge comme le moulin sanglant, rouge comme les fleurs de l'asile d'aliénés et rouge comme la pudeur quand on la risque héroïquement !

Mais je n'en dirai pas plus : enfoncez-vous dans la bergère, là, près du feu qui chauffe, et écoutez Barbe-Pétronille aux prénoms pleins de mâles frémissements, mais femme pourtant, ex Chouanne de choc, ex major sur le front royaliste , vous raconter avec sa verve flamboyante et sans mâcher ses mots, l'histoire d'un chouan trop beau, trop féminin, surnommé la Guêpe, guerrier sans peur et sans pitié, grand chevaucheur de vagues, ravitaillant en armes venues d'Angleterre le maquis royaliste de la Chouannerie cotentinoise, qui fut pris par les Bleus, délivré par les siens au prix d'un grand massacre et sauvé in extremis par une femme…

Une histoire aux couleurs de cette République honnie par Barbey d'Aurevilly : blanc comme la fleur de lys , comme la virginité, blanc comme les habits de blatiers- vareuses blanches et larges chapeaux blancs dits « couvertures à cuve » , tout saupoudrés de poussière de farine- dont se travestissent les Douze, corps d'élite des Chouans dans leur opération contre la prison de Des Touches ; bleu comme l'habit de ces soldats républicains détestés, bleu comme leur moulin; rouge comme ce même moulin après l'expiation de son crime, rouge comme les joues de la belle Aimée - quand elle entendait encore, et qu'on prononçait devant elle le nom du Chevalier Des Touches…



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Magnifique roman de ce combat perdu d'avance que fut la Chouannerie.
J'avoue avoir été un peu agacé au début par ce besoin de Barbey de ramener ses histoires à des salons mondains. Mais assez vite, le récit prend des allures d'épopée et nous plonge dans cette époque d'honneur et de cruauté qui marqua la révolution française. Même si l'on connait les sympathies monarchistes de l'auteur, le sujet n'est pas politique. Il est profondément humain, fait de vies fracassées par l'histoire, où la violence et la grandeur se cachent parfois dans les détails. Il est aussi fait de ces paysages du Cotentin, verdoyants et sauvages.
Un grand roman.

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C'est un roman de grand style que ce Chevalier Des Touches, écrit par le dandy du Cotentin, Jules Barbey d'Aurevilly
À l'heure de l'encensement, presque sans restriction, des grandeurs révolutionnaires – tandis que la République n'est toujours pas fichue de reconnaître le génocide vendéen, car génocide il y eut ! –, voici un texte dissonant qui raconte l'autre camp, à savoir celui de la Chouannerie ; à ne pas confondre avec la révolte des Vendéens.
Ce roman, parfaitement ciselé, raconte en apparence une aventure contre-révolutionnaire et, plus en profondeur, une tragédie amoureuse comme l'Histoire en conçoit trop souvent, hélas…
Au moment où il débute, le récit présente des « gens du passé, rassemblés dans [un] petit salon à l'air antique, et qui parlaient entre eux de leur jeunesse évanouie et des nobles choses qu'ils avaient vues mourir. » Et, à l'occasion d'une apparition fantomatique de ce passé, ces gens se souviennent ; particulièrement Percy, femme au physique qu'elle s'est toujours reconnu ingrat mais dont la vaillance et le noble coeur l'élèvent au-dessus des considérations plastiques.
Récit à la fois mélancolique et cruel – voir l'épisode d'Avranches et surtout celui de la vengeance, laquelle change « un riant et calme Moulin bleu en un effrayant moulin rouge » – qui raconte, pour une grande part, l'expédition de sauvetage d'un chouan unique en son genre : le chevalier Des touches, « homme de guerre indifférent à tout ce qui n'était pas la guerre et farouches ambitions », inspiré de Jacques Destouches de la Fresnay. Être fantastique et ténébreux, il est de ces figures qu'affectionne l'auteur (lire, par exemple L'Ensorcelée).

Par la voix de ses protagonistes, Barbey en profite pour écorner les derniers Bourbons et leur ingratitude ; Bourbons qui, au moment de la publication du roman, sous le Second Empire, ne sont plus qu'un souvenir.
Parmi les autres personnages se trouve la figure pure et idéalement romantique – avec tout ce que cela comprend de drames – d'Aimée de Spens, devenue une « pauvre magnifique beauté perdue, qui n'entend même pas ce que je dis d'elle, ce soir, au coin de cette cheminée, et qui n'aura été dans toute sa vie que le solitaire plaisir de Dieu ! » Murée dans le silence, elle s'était arrêtée dans le temps lointain où son amour lui fut arraché.
Mais oublions l'intrigue – qu'il appartiendra à chacun de connaître en la lisant –et penchons-nous sur ces phrases qu'on pourrait extraire du récit pour en faire des maximes, dont celle-ci : « La foi sincère a souvent de ces familiarités avec Dieu, que des sots prennent pour des irrévérences ridicules, et des âmes de laquais ou de philosophes pour de l'orgueil. »
Et cette autre qui, en peu de mots, agencés avec un génie littéraire indéniable, dit tellement : « Si mademoiselle Aimée avait été brune, pas de doute que déjà, sur ces nobles tempes qu'elle aimait à découvrir, quoique ce ne fût pas la mode alors comme aujourd'hui, on eût pu voir germer ces premières fleurs du cimetière, comme on dit des premiers cheveux blancs que le Temps, dans de cruels essais, nous attache au front brin à brin, en attendant que le diadème mortuaire qu'il tresse à nos têtes condamnées soit achevé ! »
Quand l'art d'écrire atteint ces hauteurs, nous ne pouvons que nous incliner…



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Préface, Chronologie, Notes & Variantes, Bibliographie : Jacques Petit

ISBN : Non Indiqué

Pour certains, voici le chef-d'oeuvre de Barbey d'Aurevilly. Je me contenterai de dire que, à mes yeux, il s'agit simplement de l'un de ses chefs-d'oeuvre, au nombre desquels j'inclus sans sourciller "L'Ensorcelée", "Une Vieille Maîtresse" et "Une Histoire Sans Nom". Laissons "Les Diaboliques" à part puisque son statut de recueil de nouvelles le soumet à une inégalité dans les thèmes et dans les personnages dont sont souvent victimes les oeuvres du même genre. (Cela dit, trois au moins des "Diaboliques" sont de purs chefs-d'oeuvre de la nouvelle mais nous y reviendrons. )

Miracle littéraire, incompréhensible comme tous les miracles, "Le Chevalier des Touches" est un roman qu'on n'est pas près d'oublier. Pourtant, quand on le lit pour le première fois, on n'en a absolument pas conscience. Il y a là-dedans une atmosphère à nulle autre pareille qui vous transforme et vous conquiert. Est-ce dû au réalisme que Barbey honore ici de façon exceptionnelle tout en ne renonçant pas un instant à sa flamme habituelle ? Non. Certains trouveront même vite étouffant le réalisme des trois premiers chapitres. Alors, c'est peut-être le récit, basé sur des événements historiques réels puisque le personnage de Jacques Destouches a existé et que Barbey le rencontra en 1856 dans la maison pour malades mentaux du Bon-Sauveur, à Caen ? En toute franchise, si les scènes d'action où apparaît Des Touches (sans oublier sa vengeance) sont très bien menées, elles ne retiennent pas particulièrement : on les attend, certes et on serait déçu de ne pas y assister mais elles n'ont rien à voir avec cette fabuleuse, cette impeccable remontée dans le Temps que représente "Le Chevalier Des Touches."

Car c'est bien le miracle particulier à ce livre, qui déroutera sans nul doute plus d'un lecteur habitué à Barbey : on remonte le Temps sans s'en rendre compte, comme si l'on n'avait jamais fait que cela. Mieux : le Passé, ce XVIIIème siècle finissant dont nous avons déjà relevé maintes traces dans les oeuvres précédentes de l'écrivain normand, le Passé vient à nous, nous enveloppe avec le sourire, nous intègre avec douceur et nous fait devenir partie prenante de l'histoire qu'il nous conte. Et ceci, malgré la construction du livre : une suite de récits qui devraient, au contraire, nous ramener fréquemment au présent, en tous cas nous garantir de ne pas perdre intégralement de vue celui-ci. Avec cela, Barbey renonce cette fois-ci à mettre en avant la fibre fantastique qui, chez lui, est si prégnante : rien de bien mystérieux dans ce récit semi-historique, semi-romanesque, des faits et rien que des faits, qui provoquent, par leur évocation, les confessions et les réminiscences de ceux qui les vécurent. Ici, il n'y a pas d'ombre - sauf celle de Des Touches, aperçue dans les rues de Valognes au tout début du livre - il n'y a pas de diablerie, authentique ou supposée : tout est clair et ce n'est sûrement pas un hasard si Barbey a choisi, pour narratrice principale, cette ineffable Melle de Percy, qui ressemble et a toujours ressemblé à un grenadier, qui en a d'ailleurs retenu les jurons et qui se montra chouanne intrépide. Quand vous écoutez parler Melle de Percy, c'est un peu comme si vous lisiez les "Mémoires" de la duchesse de Montpensier : vous savez qu'une telle femme ne peut mentir et vous dit exclusivement la vérité. Et en plus, elle est là, devant vous, solidement plantée dans ses bottes, aussi présente que si le Temps - et la fiction pour Melle de Percy - ne créaient entre vous aucun abîme.

Cette ambiance, ah ! cette ambiance ! ... C'est indescriptible et c'est inimitable et Melle de Percy y est pour beaucoup car elle est l'âme de ce salon poussiéreux où nous introduit Barbey, un salon empli au début - du moins nous semble-t-il - d'automates vieillis qui, peu à peu, s'animent et ressuscitent toute leur jeunesse et toute la chouannerie normande jusqu'à ce que l'ultime réponse ait été donnée. Alors, en automates bien élevés qu'ils n'ont cessé d'être, un à un, ils retournent à leur trompeuse inertie. Mais ne soyez pas dupe : dès que vous ferez tourner à nouveau les pages, ils seront à nouveau tout prêts à vous faire revivre l'histoire du chevalier Des Touches - et leur histoire aussi.

Pour me résumer - ou plutôt pour essayer, comme d'habitude ;o) - prenez une bonne dose de Jean Ray (pour cette atmosphère, elle aussi inimitable, qu'il sait donner des salons de province), ajoutez deux ou trois filets d'un roman de cape et d'épée supérieurement enlevé (comme savaient les faire Dumas Père ou Féval) et, aussi inapproprié que cela puisse vous paraître, saupoudrez le tout de deux ou trois couplets des "Vieux" de Jacques Brel. Et surtout, pour ceux qui oseront aller jusqu'au bout , très important : n'oubliez pas d'ajouter une petite ombrelle à l'image du Tardis du Docteur Who. A ce moment - et à ce moment-là seulement - vous obtiendrez, grosso modo, un cocktail qui se rapprochera fort du "Chevalier Des Touches."

Non, je ne suis pas folle et, puisque l'on parle cocktails, je n'ai pas bu une seule goutte d'alcool. ;o) Je me contente de vous donner une (bien faible) idée de l'effet qu'a produit sur moi ce roman qui restera à mes yeux un incroyable moment de grâce littéraire : et la grâce, ça ne s'explique pas, ça se contente d'être là et c'est parfois un peu fou.

Bien sûr, certains d'entre vous resteront - ou sont déjà restés - insensibles au charme étrange de ce roman hors-normes. C'est sans doute que vous ne partagez pas les rêves qui hantaient Barbey d'Aurevilly, écrivain qu'on peut comparer à une sorte de somnambule ou de dormeur éveillé, tant son talent, si injustement méconnu de son vivant, est protéiforme, à la fois outrageusement "vieille France" et furieusement (comme on disait au temps de Molière) moderne, le tout dans une cohérence unique dont on se demande comment il y parvenait.

Mais le résultat est là et "Le Chevalier Des Touches" nous ouvre ses pages pour en témoigner, en gardien fidèle de la mémoire de Barbey d'Aurevilly. ;o)
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Ce petit roman de Barbey d'Aurevilly,, très connu, mais que je n'avais cependant jamais lu bien qu'étant né à Valognes, est écrit avec cette langue que l'auteur manie si bien. L'intrigue est assez banale mais si bien contée ! Ces vielles personnes qui se réunissent au cours d'une soirée sont décrites avec une telle verve qu'on semble les voir. L'une d'elles est la narratrice, qui a autrefois participé au sauvetage épique du Chevalier. Mais il y a aussi dans la pièce une jeune fille plus jeune, qui cache un secret que l'auteur ne nous révèlera qu'à la fin. C'est passsionnant.
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