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Après dix ans d'une liaison passionnée et orageuse avec une mystérieuse et fantasque Andalouse au tempérament de feu, le séduisant et donjuanesque Ryno de Marigny tombe profondément amoureux de la sage Hermangarde de Polastron, une jeune beauté blonde qu'il décide d'épouser. C'est compter sans la détermination à le reconquérir de son ancienne maîtresse, La Vellini, qui ne tarde pas à rôder autour de la demeure des jeunes mariés, à Barneville dans le Cotentin…


En partie inspirée d'une expérience amoureuse de l'auteur, cette histoire d'un homme malgré lui incapable de se détacher de sa maîtresse, et qui finit par briser la vie de son couple, fit scandale lors de sa publication, suscitant la réprobation morale et religieuse d'un public habitué au fort engagement catholique de l'auteur. Pourtant, rien dans ce roman n'est aussi manichéen que le simple triomphe du Mal sur le Bien, de la passion charnelle sur la pure vertu, que semblent à première vue incarner les figures si contrastées de la démoniaque Vellini et de la séraphique Hermangarde.


Ici, point de cruauté ni de manipulation perverse comme dans Les Liaisons dangereusesDe Laclos, opposant, d'un côté, les libertins, de l'autre, leurs victimes : chez Barbey d'Aurevilly, aucun des personnages ne mène le jeu, mais tous le subissent avec un égal malheur. Ryno est sincère dans son amour pour Hermangarde, mais, tout comme sa sulfureuse maîtresse, s'avère prisonnier d'une addiction subie comme une malédiction, d'une fatale domination de la chair sur un esprit vaincu et une raison perdue, comme si un maléfice les liait à jamais dans une relation destructrice, voire vampirique, symbolisée par leur pacte de sang. La blanche épouse quant à elle, une fois revenue de son idolâtrie pour son mari, se mure dans sa blessure et son orgueil, se statufiant en être de glace privé de toute capacité de pardon, et laissant, sans dialogue et sans la moindre lutte, le champ libre au feu de sa rivale.


Dans le cadre d'un Cotentin sauvage propice à toutes les légendes et tous les ensorcellements, Barbey d'Aurevilly nous livre, dans un style de haute volée, une peinture et une analyse en profondeur de comportements humains, que la bonne société d'alors observe, commente et condamne sans comprendre. L'on ne s'étonnera dès lors plus que Théophile Gautier ait déclaré à son propos que "Depuis la mort De Balzac, nous n'avons pas encore vu un livre de cette valeur et de cette force."

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Tout est déjà dans le titre.

Une « vieille maîtresse », c'est-à-dire à la fois une ancienne maîtresse et une femme qui n'est plus de la première fraîcheur. Toute la Vellini est dans cette contradiction : elle est celle dont on ne peut se défaire alors qu'objectivement rien en elle ne justifie l'attachement qu'elle suscite. Elle est petite, olivâtre, maigre, serpentine, d'un exotisme de mauvais aloi - n'est-elle pas un peu gitane?...

Jusqu'au choix de l'article indéfini qui, à rebours de son usage habituel, souligne le caractère exceptionnel, proprement unique de cette Vellini que Ryno de Marigny n'arrive pas à quitter.
Ce n'est pas un archétype : c'est un monotype. On a cassé le moule….

On est délibérément dans l'exception, dans le paradoxe, dans l'irrationnel.

Dans la passion.

Et pour corser le goût de l'antithèse, Barbey fait brûler cette passion-là dans une Normandie maritime- son cher Cotentin- battue par les vents et humide à souhait, qui a presque des airs de Bretagne sauvage…

Ryno c'est un peu Barbey lui-même : monarchiste mais rétif à toute autorité, catholique mais impie, réactionnaire mais scandaleusement marginal- un vrai dandy, un homme à femmes, un viveur, un mondain.

Las de toutes ses tribulations passées, Ryno est décidé à « faire une fin » en se mariant, à rentrer dans le troupeau docile des bons maris bénis par la sainte Église et encensés par la famille de hobereaux dont il est issu. Il s'est épris d' Hermengarde, une oie blanche, blonde, sage, belle, jeune, de bonne famille : la conversion ne devrait pas être trop douloureuse…

Quand soudain lui revient en plein coeur une ancienne maîtresse avec qui il s'était lié par le sang : l'Espagnole Vellini…Les deux amants se retrouvent dans la lande traversée de tempêtes et d'orages tandis que la jeune Hermengarde dépérit…

C'est follement romantique, totalement immoral, excessif et échevelé, mais on en redemande !
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Ryno de Marigny , séducteur et libertin, est sur le point d'épouser la belle Hermangarde de Polastron. Mise en garde par sa meilleure amie, la grand-mère et tutrice de cette dernière, la marquise de Flers sonde l'âme du beau Ryno. Qui lui avoue une passion ancienne pour une sombre espagnole, Vellini, passion qui a duré dix ans mais qui est selon lui terminée. Car il est sincèrement épris d'Hermangarde qui personnifie la beauté, la grâce, la pureté, mais également une certaine rigidité d'une classe malmenée par la Révolution…

Vellini, qui n'est pas belle mais d'une sensualité brûlante est à la fois diabolique et profondément humaine. Libre mais possessive, possédée par l'unique loi de la passion amoureuse, elle mène à la mort ses rivales, liée par le sang avec son amant qu'elle n'aime plus. Rien ne peut dompter l'amour, surtout pas le mariage…

Pour échapper à la tentation de son ancienne maitresse, Ryno accepte d'emmener sa jeune femme en Normandie. Ils y passeront six mois de bonheur, sous le regard bienveillant de la marquise, avant l'arrivée de l'hiver…La vieille dame partie, ils se retrouvent seuls jusqu'au jour où Ryno va croiser le regard de braise de Vellini dans un sentier désert…Là où rodent les fantômes des âmes perdues. Et il n'y résistera pas.

Barbey nous peint alors une de ces scènes terribles dont il a le secret qui détruira définitivement la vie amoureuse des jeunes mariés…

La jeune Hermangarde trouvera dans la religion le courage de continuer et la force de renoncer à tout lien charnel avec son mari, tout pardon étant impossible. Ce dernier n'en sera que plus encouragé à reprendre sa fatale liaison…De retour à Paris, les langues vont bon train et les paris perdus ou gagnés. Est-ce Dieu ou le Diable le vainqueur ?

L'amour, la mort, la force du désir, l'impitoyable loi de la passion inscrite au plus profond des corps, on se plonge avec délices dans la violence de ces relations qui débordent les chemins étroits de la société à l'image d'une mer déchainée. Et ce qui nous frappe c'est l'étonnante modernité de ce roman qui touche le coeur de l'homme. Et qui n'a pas pris une ride. A redécouvrir.
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Cette "Vieille Maîtresse" n'est pas, nous le savons, le premier roman de Barbey d'Aurevilly mais assurément, c'est le premier qui arbore sa marque sans complexe aucun. Sur la route éreintante de l'écriture, l'auteur a peiné, trébuché, il est tombé aussi et il a, bien entendu, remis maintes et maintes fois, sur le métier avide et jamais satisfait, le style qu'il sentait vibrer en lui depuis toujours. Et le miracle s'est accompli : ce style, il a réussi non pas à le domestiquer - ses soudains emportements à bride abattue, sa causticité larvée, ses éclats de préciosité hautaine, il les conservera jusqu'à la fin, pour le meilleur comme pour le pire - mais à l'empêcher de fuir sous sa plume, de se dérober à sa vision cynique et furieuse de l'âme humaine. C'est ce style sans pareil, si aisément reconnaissable pour tout amateur de littérature que peut l'être, dans un tout autre genre, celui d'un Céline ou d'un Simenon, qui, malgré les longues et minutieuses descriptions, malgré les états-civils plus échevelés les uns que les autres, malgré le mélodrame indécrottable dans lequel l'oeuvre plonge ses racines têtues, malgré même les idées religieuses, fortement teintées de jansénisme, de l'auteur, et malgré un parisianisme parfois outré, charme et captive le lecteur. Il nous donne foi dans les paysages dépeints, dans les passions exprimées et dans les chutes élégantes et sans espoir : veut-on s'éloigner de Barbey, qu'il nous ramène à lui - on peut en faire l'expérience avec "Ce Qui Ne Meurt Pas", roman languissant, dans la veine de "L'Amour Impossible" mais en plus mûri et fort de toute la science accumulée par l'auteur en matière d'écriture, dont on cherche frénétiquement à se détacher au plus vite mais que, toujours sous l'enchantement, on lit jusqu'au bout.

"Une Vieille Maîtresse" reprend le classique triangle amoureux déjà étudié et réétudié par Barbey sous tous les angles mais les personnages ont cette fois dépassé le stade de la silhouette ou de la marionnette creuse que l'on fait volter et virevolter avec plus ou moins de conviction dans un décor esquissé. Il y a d'abord Vellini, la "femme fatale", celle par qui le scandale arrive et demeure, Vellini, petite, olivâtre, maigrelette et sans réelle beauté, Vellini, la brune Espagnole pimentée d'Andalousie qui a uni son sang à celui de son amant, Vellini qui, selon ses propres certitudes et superstitions, a ainsi créé entre eux un lien qui ne se peut rompre. Même quand elle n'est pas physiquement présente, Vellini s'impose à chaque page. A travers elle, c'est le Destin qui s'exprime ici, mais un Destin qui ne peut lui-même échapper à sa propre et implacable loi. Vellini, tout à la fois séduisante et redoutable, faite semble-t-il d'un seul bloc mais d'un bloc aux mille nuances, souvent incompréhensible, y compris pour elle-même - Vellini qui fait subir mais qui subit aussi. D'ailleurs, longtemps, le texte porta tout simplement son nom : "Vellini."

Cette femme forte, qui ne se laisse jamais détourner de son but, a pour amant un dandy libertin, Ryno de Marigny, qui, en bon dandy abonné à la pose de l'ennui, a déjà essayé de rompre avec elle. "Plus rien de physique, surtout !" a-t-il dit et répété. Mais en vain. Comme le lecteur s'en revient à Barbey, Marigny s'en revient toujours à Vellini - et la fin du roman, impitoyable dans sa constatation cynique, nous le prouvera largement. Pourtant, quand il tombe amoureux de Hermangarde de Polastron, blonde, jeune et superbe créature qu'il a croisée dans les salons qu'il fréquente, Marigny se dit que cette fois, c'est la bonne. Il déclare à une Vellini infiniment plus sceptique que tout est réellement fini entre eux et il court se marier.

Hermangarde est, comme il se doit, l'antithèse parfaite de Vellini, en tous cas physiquement et sur le plan de l'éducation reçue. (Sur le plan de la naissance, par contre, Vellini n'a pas beaucoup à lui envier mais je vous laisse découvrir pourquoi.) Mais les deux femmes ont en commun une passion sans limites pour Marigny, une passion qui, pour l'une comme pour l'autre, ne s'éteindra jamais.

Il ne faudrait pas oublier d'évoquer les "seconds rôles", plantés de façon magnifique par un Barbey qui n'est pas loin de les laisser "casser la baraque" - pour peu que ce trio d'aristocrates bon teint, rescapés d'une XVIIIème siècle finissant, nous permette cette expression un peu triviale. La marquise de Flers tout d'abord : elle a connu les bals de Marie-Antoinette aussi bien que l'ombre luisante de sang de la guillotine, elle n'ignore rien de ce que peut dissimuler le mot "libertinage" et elle a, comme nombre de personnes de son siècle, une grande ouverture d'esprit. Marigny la prend par la franchise en lui racontant l'étrange histoire de sa relation avec Vellini et Mme de Flers, se laissant prendre elle aussi à la sincérité du dandy (quand il assure avoir rompu, Marigny ne ment pas : il y croit aussi fort qu'il croit en sa nouvelle paire de bottes), lui accorde la main d'une petite-fille qu'elle voudrait pourtant tenir à jamais éloignée du malheur. Puis Mme de Mendoze : amie intime de la marquise, elle est née au même siècle, elle a traversé les affres de son agonie et la curieuse comédie des deux Restaurations mais, en tous cas au début, elle se montre plus réservée envers M. de Marigny avant de se laisser elle aussi séduire par la sincérité apparente de son amour. Enfin, le dernier en piste mais non le moindre, l'étonnant, l'excellent vicomte de Prosny, ancien galant de Mme de Flers et qui tient, durant tout le roman, le rôle de la Gazette vivante ou du Concierge A Qui Rien N'Echappe. C'est que, lorsqu'ils s'y mettent, les hommes font, en matière de commérages et de curiosité indiscrète, bien mieux que les femmes les plus avisées.


En toile de fond, bien plus réelle que les salons parisiens fréquentés par nos héros, la côte normande, essentiellement vue de l'automne et de l'hiver, une côte spectrale, hantée par les vents, la pluie et les légendes locales, où Vellini, puis Hermangarde s'en vont errer tour à tour, luttant contre les éléments déchaînés et la nuit qui n'en finit pas, dans leur quête effrénée, incontrôlable de leur boussole commune : Marigny.

"Une Vieille Maîtresse", à bien y regarder, c'est du mélo à l'état pur. Mais Barbey est comme Balzac : il nous attire, nous accroche, nous séduit aussi sûrement que sa Vellini. Et on lit, on lit, on ne peut pas plus renoncer à tourner les pages qu'on ne renoncerait à respirer. On passe bien sur quelques maladresses et quelques exagérations - elles aussi font partie de Barbey, on ne va pas le trahir en les lui reprochant. Sous nos yeux fascinés, l'écrivain normand assemble, mêle et démêle fils et récits. Ces derniers s'emboîtent l'un dans l'autre avec une précision de boîtes gigognes, un narrateur suit l'autre sans que le lecteur en soit déstabilisé un seul instant : c'est du grand art, la libération d'un homme qui, pour la première fois, maîtrise la force qui l'habite et le pousse à écrire. ;o)
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Etrange, étrange Berbey d'Aurevilly, tantôt pieu dévot, tantôt dandy fêtard ! Un dualisme que l'on retrouve au coeur de cette oeuvre au croisement de multiples influences. le héros, Ryno de Marigny, est un jeune aristocrate romantique qui semble tout droit tiré d'un poème d'Ossian : haute stature, vaste poitrine et oeil fière… Mais aussi libertin aux innombrables conquêtes. Et voici ce vaillant pris entre deux femmes.

D'un côté, la pure et blonde Hermangarde, qui du haut de ses dix-huit ans, incarne la dernière lueur de noblesse et de beauté jetée par le feu agonisant qu'est la noblesse française. de l'autre, la Vellini, une bâtarde d'hidalgo ayant roulé sa bosse d'un bout à l'autre de l'Europe et connu cents amants ; laide et terne quand son brasier intérieur s'éteint. Mais quand il se rallume, nulle ne peut lutter avec le pouvoir d'attraction qu'elle exerce. Et il le sait bien, puisqu'il en subit l'emprise depuis dix ans !

Et ce dantesque combat du bien contre le vice, de l'ange contre Lilith… Fait l'objet d'un pari général parmi ses amis. Pour corser le tout, et rompre la linéarité de l'histoire, certains passages-clés sont racontés par le biais d'un truchement : le vicomte de Prosny, antique aristocrate décavé passé par tous les régimes et toutes les époques avec la même indifférence et le même appétit, a courant de tous les ragots, et courtisan la même belle depuis soixante ans. Et celle-ci n'aime rien tant que connaître les derniers développements de l'affaire.

Un esprit fantasque ne manquerait pas de comparer ces protagonistes à la personnalité de Barbey d'Aurevilly lui-même. Hermangarde, c'est sa foi, son idéal et son désir de pureté fait chair. La Vellini, c'est le « Sardanapale d'Aurevilly » qui sommeille en lui, comme le surnommaient ses amis, jeté dans toutes les débauches et enchainant les passades. Et ces deux aspects antagonistes se combattent dans le coeur du beau, du mirifique et héroïque don Juan qu'est Ryno de Marigny dans lequel il s'idéalise… Même si son véritable portrait est plus proche du vicomte de Prosny.

En somme, on pourrait l'accuser d'hypocrisie et de bigoterie, s'il n'y avait deux choses. Premièrement, cette ironie féroce qui transforme la lutte entre le bien et le mal en pari sportif. Deuxièmement, son amour de la côte normande et de ceux qui y vivent. le naturel et la tendresse avec lesquels il en parle laisse peu de place au doute : il a fréquenté les pêcheurs et les mendiants, bu le cidre dans les bouges. Et là se révèle peut-être le vrai Barbey d'Aurevilly : rejeton d'une famille de coqs de villages ayant fait l'emplette d'une particule, prédestiné à vivre une vie paisible ente une famille et la gestion de ses terres… S'il n'était monté à Paris.
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Paru en 1851, ce roman est le roman de l'amour mais également de l'emprise. Celle d'une femme, la vieille maîtresse, la Mauricaude comme on la surnomme, la Vellini, cette vieille maîtresse non pas uniquement par l'âge, quoi que plus toute jeune, mais par la durée de sa liaison avec Rony de Marigny. Ce dernier a multiplié les conquêtes mais lui est toujours revenu et lorsqu'il lui annonce qu'il se marie avec la belle et innocente Hermangarde, avec qui il partage un amour sincère et qui lui apporte également une aisance financière, elle lui prédit que cette union ne changera rien à leur lien qu'elle appelle amour mais qui ressemble presque à un ensorcellement tant ils sont unis, pour toujours, quoiqu'il fasse.

Deux femmes que tout oppose, tout différencie, l'une au tempérament de feu, au physique peu plaisant, prête à tout pour garder une place privilégiée dans le coeur de son amant et l'autre, jeune, jolie et tendre, qui tombe sous le charme de Rosny et qui fera les frais d'un mariage, certes d'amour, mais dont l'ombre et la présence de la maîtresse et de l'attirance de son époux pour celle-ci mettront en péril.

L'auteur utilise nombre de procédés pour nous conter cette histoire d'amour diabolique. Il y a les gens de l'entourage : parents, ami(e)s ou commères, mais également échanges épistolaires pour retranscrire les ressentis de chacun. L'auteur dresse ainsi un portrait de chacun de ses personnages,  leur concédant une sincérité dans leurs sentiments, même la Vellini qui n'hésite pas à user de stratagèmes pour garder Rosny près d'elle. Mais elle a des arguments : un passé de dix ans avec lui, émaillé d'un deuil douloureux et même si Rosny joue la carte de l'honnêteté que ce soit avec sa maîtresse mais également avec sa future belle-famille, rien n'y fera : les deux amants sont comme les deux pôles d'un aimant qui s'attirent dès qu'ils sont en présence l'un de l'autre.

Avec une écriture très riche, imprégnée des décors de la Normandie natale de l'auteur dans la deuxième partie avec tout ce que l'environnement peut offrir de violence, de mer déchaînée comme le sont les sentiments et l'issue que l'on pressent, l'histoire se déroule sous nos yeux, très imagée avec ce qu'il faut de revirements grâce à l'intervention des personnages secondaires servant d'agents de liaison.

On ne peut détester l'un ou l'autre des protagonistes, ils sont tous sincères dans leurs sentiments, même si la Vellini endosse le mauvais rôle, celle de la maîtresse bafouée, abandonnée et diabolique dans son obstination à se rapprocher du couple, utilisant tous les moyens pour continuer à exister et prendre le dessus dans le coeur de son amant.

L'auteur s'attache à la personnalité des personnages, avec une maîtresse tour à tour ensorceleuse ou sorcière, devenant provocatrice et sensuelle, faisant de Rosny son jouet, lui-même ne comprenant pas toujours pourquoi il succombe à chacune de ses réapparitions, se retrouvant dit-il sans volonté face à elle alors qu'il est sincère dans ses sentiments avec son épouse celle-ci n'usant d'aucun stratagème pour lutter contre sa rivale, allant presque jusqu'à se sacrifier.

Les personnages secondaires reflètent à la fois les bruits des salons parisiens de l'époque, où tout se disait, se savait ou s'inventait  mais également l'ambiance du pays normand donnant à l'ensemble un roman tragique et passionnel où les personnages se déchirent et courent vers un destin inévitable avec des scènes où la nature et sentiments se mêlent. Trois visages de l'amour : la fougue, la fragilité et l'homme déchiré entre deux femmes.

J'ai eu parfois un sentiment de quelques longueurs, de redites par la reprise de certains événements par d'autres narrateurs ou procédés de narration mais cela vient peut-être également du fait que j'avais hâte de découvrir l'issue de cette double histoire d'amour. le désarroi de Rosny, partagé entre deux femmes, une qu'il aime et une autre à laquelle il ne peut résister, m'a touchée et l'écriture de Jules Barbey d'Aurevilly donne au roman un souffle à la fois de romantisme, d'aventure et de dramaturgie propre à ce genre de récit avec un final en total accord avec le fond de l'histoire.

Un classique de la littérature française que j'ai aimé découvrir et qui fait scandale à sa sortie par son audace...
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Une vieille maîtresse, c'est le trio classique de l'homme partagé entre l'ange et la sorcière, entre l'idéal et le monstre, entre l'esprit et les sens - mais de manière joliment ambiguë jusque dans la défaite finale.
Au centre, il y a Ryno de Marigny, un homme qui a, comme on dit, déjà beaucoup vécu, affligé d'une réputation de Don Juan de salon en partie justifiée, un homme ardent à l'amour et volage, sans cruauté pourtant mais fatal, et fatalement déformé par le prisme des esprits mesquins.
Face à lui, la blonde Hermangarde qu'il s'apprête à épouser, fille de noble famille, belle, pure, entière comme le sont tous les anges, profondément éprise de ce futur mari qui l'adore comme on adorerait une icône capable de renverser toutes les autres idoles.
Derrière, la brune Vellini, qu'il a aimée autrefois, à qui l'ont lié dix ans de vie commune, un sortilège de sang, un désir charnel jamais vraiment éteint. Vellini, fille adultérine d'une duchesse espagnole et d'un obscur torero, à demi courtisane, plus toute jeune, moricaude, laide, violente et sensuelle comme le sont les sorcières, détentrice d'un pouvoir que l'homme cultivé des salons parisiens ne sait comprendre mais ressent dans tout son être.
Après dix ans de passion, Ryno n'aime plus Vellini et Vellini n'aime plus Ryno. Les choses entre eux sont claires, et très sincèrement, Marigny s'estime capable de se ranger enfin comme parfait époux d'Hermangarde. Mais quel homme saurait lutter contre la fatalité - ce joli nom que l'on donne aux faiblesses de l'âme et du coeur ou aux pouvoirs de l'inconscient ?

Il a suscité bien des analyses, soulevé bien des critiques, ce roman que son auteur a pu considérer comme une condamnation de l'empire des passions quand de nombreux contemporains y voyaient un texte immoral, peignant beaucoup trop bien ce qu'il prétend condamner - tout particulièrement de la part d'un auteur affirmé catholique ! Belle réponse de Barbey, d'ailleurs, qui dans sa préface de 1866, très engagée et passionnante, revendique le droit des artistes catholiques à peindre l'âme humaine telle qu'elle est, jusqu'aux excès et les séductions des passions et à laisser le lecteur en tirer ses propres conclusions, plutôt que se cantonner aux fadeurs débilitantes des textes édifiants. Réactionnaire jusqu'au bout des ongles, Barbey l'était toutefois avec panache, bien loin de l'image de moralisme étriqué qu'on attache souvent aux milieux légitimistes de son temps.

Le résultat est un texte à la fois très symbolique et très juste, riche de ses ambiguïtés comme l'est au fond la vie, ouvert aux interprétations de chaque sensibilité et dépourvu de toute morale facile. L'ange et la sorcière, d'ailleurs, s'ils ont tous les attributs de leur rôle, sont loin d'y rester étroitement cantonnés.
Angélique, Hermangarde est loin d'être mièvre, c'est avant tout un caractère dont la grande fierté et l'extrême sensibilité peuvent être vus comme trop exigeants, incapables de s'accorder aux dualités de son époux, de comprendre les faiblesses fondamentales de cet homme si fort et si fondamentalement humain.
Quant à Vellini, malgré son indolence lascive et sa superstition qui en font, a priori, une intelligence médiocre, malgré ses caprices bizarres et son caractère volcanique potentiellement assez pénible, c'est aussi une femme honnête et franche, capable de tout entendre et de comprendre beaucoup, jamais vénale, parfois cruelle par colère mais dépourvue de toute réelle méchanceté, capable d'une véritable compassion vis à vis de ses rivales malheureuses.
La dualité morale entre elles deux doit tout autant au regard de la société et à l'attitude de Ryno qu'à leur seul caractère, à leur seule nature. Barbey lui-même le souligne dans une autre préface : "La vieille maîtresse eut été sa vertu, s'il l'avait épousée, et en ne l'épousant pas, il en a fait son vice !" Et au lecteur d'aujourd'hui qui soupirerait de ces sempiternelles oppositions entre vice et vertu, on peut répondre que l'opposition entre raison et déraison en matière amoureuse reste, elle, de toute éternité !

Le roman est un peu inégal - après une première partie assez impeccable, la seconde peine parfois à trouver son rythme et s'empêtre dans quelques longueurs. le mélodrame y est aussi plus présent, parfois peut-être un peu facile. Mais la puissance de tout cela n'en reste pas moins forte, grâce à des symboles forts, à de très beaux personnages (et je n'ai même pas évoqué mon préféré, la délicieuse grand-mère d'Hermangarde, esprit élevé, audacieux, généreux, dont l'effacement entraîne un inéluctable déclin, comme la disparition de l'esprit d'Ancien Régime sonne, pour l'auteur, le début de toute décadence). Tout cela porté, enfin, par une langue très raffinée et très précieuse, une langue de cabinet de curiosité qui n'appartient qu'à Barbey et s'épanouit dans de superbes descriptions de la côte normande.
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Ryno de Marigny, libertin assumé (tout comme l'auteur), hésite entre la femme fatale, la coriace Vellini sa vieille maîtresse, si perfide et envoûtante qu'elle "faisait rêver jusqu'aux vieillards" et la jeune, belle et vertueuse Hermangarde de Polastron qu'il décide d'épouser.
Ces deux types féminins opposés peuvent sembler bien caricaturaux de nos jours mais le dilemme masculin reste intemporel.
Pour moi qui découvre bien tardivement Jules Barbey d'Aurevilly, je dirais que le point fort du roman réside dans le style époustouflant, dans l'art de la périphrase, dans le choix parfaitement maîtrisé du vocabulaire pour décrire les scènes les plus sujettes à scandale car scandale il y eut à la publication de cette histoire cruelle écrite dans une langue précieuse par un auteur qui se qualifie lui-même de libertin et chrétien.
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Une fois de plus, Barbey explore un triangle amoureux. Ou comment les aventures d'hier peuvent entraver la liberté d'un homme, ses désirs, ses pensées. Et comment elles peuvent blesser l'être aimé.
Une vieille maîtresse a été composé sur plusieurs années, marquées par la conversion de Barbey au catholicisme. le texte, remarquablement écrit s'en ressent. On songe au romantisme De Chateaubriand, à la comédie humaine De Balzac, dont on reconnait l'époque, et l'on voit venir Huysmans et Bernanos.
La seconde partie (la plus longue) m'a davantage séduit. le décor du Cotentin, magnifiquement décrit donne de l'air à une oeuvre qui étouffait dans les salons parisiens.
Une belle découverte!
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Barbey d'Aurevilly, très marqué par sa Normandie natale (la Manche) a eu surtout pour modèles Byron et Balzac. "Une vieille maîtresse" est un roman en partie autobiographique qui repose sur l'opposition de deux personnages féminins, l'un angélique, l'autre satanique; Ce roman provoque un scandale en 1851.
Comme toujours chez Barbey d'Aurevilly, l'obsession fascinatrice du mal, les pulsions et les passions poussées à leur paroxysme, l'opacité de l'être, la description d'états psychiques étranges, côtoyant le satanisme, une atmosphère empreinte de surnaturel.
On se laisse prendre par la magie suggestive...
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