Incontournable Novembre 2022
Voici un roman à la narration singulière, tenue par un coquillage, qui à travers son "regard" témoigne de l'histoire d'Émile, jeune garçon de son état, qui sur son précieux vélo rose, parcours son milieu en y semant des boîtes aux lettres. À mi-chemin entre prose et poésie, en faisant intervenir d'autres objets, comme s'ils étaient dotés d'âmes, nous suivons ce garçon rempli d'espoir de retrouver son père disparu, convaincu qu'il lui écrira s'il trouve l'une de ses boîtes aux lettres.
Dans un premier temps, j'admire ce choix narratif, faire parler un objet-témoin n'est pas fréquent, je trouve, en littérature jeunesse. Et il y a les autres objets aussi, dont le vélo rose ( enfin un garçon fier de son vélo rose!) Rosie, qui a un tempérament à elle. On peut le percevoir dans les verbes qu'on lui attribue, comme on le ferait d'une personne. Même Émile s'adresse à elle comme une personne, sa confidente.
Chaque boîte à lettre est une histoire en elle-même et quelles jolies histoires! On a donc clairement un axe réflexif avec ces boîtes. Celle du Lac était ma préférée, car elle parlait de la désolidarisation des gens, devenus individuels et lobotomisés devant leurs écrans. Pourtant, cette boîte à lettre là permettait la correspondance de deux amoureux. Il y a quelque chose de juste dans ce contraste, je trouve.
Je dois dire que cette histoire est sincèrement touchante, avec ce petit garçon qui cherche son père et qui en dépit d'une situation grave, ne désespère pas de revoir son foyer uni. Il ne s'agit pas du sujet principal, c'est révélé à la fin, mais la violence conjugale est la raison du départ du papa. Comme il doit être difficile pour un enfant de faire le deuil de son parent, même inadéquat. Combien d'enfants restaient-ils fidèles et aimants de leurs parents, en dépit de leurs comportements parfois incorrects? Ce n'est pas simple comme situation. J'apprécie cependant le choix de l'auteur de ne pas faire tomber la maman dans les bras de papa, une fois revenu dans les environs. On le sait maintenant assez bien, mais la violence conjugale est cyclique: souvent le retours du parent violent se solde en nouvel épisode de violence après une brève lune de miel. J'apprécie que nous ayons ici une maman solide et capable de refuser de revenir avec un conjoint violent, pas seulement par considération face à sa propre valeur, mais aussi celle de son fils.
Aussi, je remarque qu'Émile s'adresse à son vélo comme une amie, peut-être l'expression de son besoin d'adresser ses craintes, partager son espoir et confier ses tracas. La manifestation d'un sentiment d'isolement social peut-être? Une chose me semble sure: Émile tente de survivre à l'absence de son père et heureusement, il le fait de manière fort créative et proactive, plutôt que de sombrer dans des pensées ou actions sombres.
C'est le genre de roman que j'utiliserais très certainement auprès de mes élèves, pour alimenter leur réflexion, leur perception et leur capacité à lire des textes plus poétiques. C'est un roman "beau", différent également, avec une inclinaison sociale, familiale et existentielle que je vois davantage en littérature adulte, d'ordinaire, mais que je me réjouit ici de retrouver en littérature intermédiaire.
C'est un roman relativement petit, mais compte tenu des thèmes impliqués, je suis d'avis qu'il trouvera plus de pertinence au troisième cycle primaire que le second, mais il pourrait intéresser les lecteurs de 8-9 ans matures et qui ont une nature sensible et philosophe.
Une belle trouvaille.
Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
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Ce même cabanon que les ouvriers ne fréquentent plus, préférant passer leur dimanche devant un écran. Seul, chacun chez soi, ou bien seuls les uns à côté des autres. C'est pour cela que les grèves n'aboutissent plus à rien: chacun pour soi, on avance pas.
Mais faire le tour de la mare ne rimait pas à grand chose, c'était trop court. Il aurait fallu un plus grand circuit pour avoir le temps se s'apprivoiser entre familles, de s’attraper par le coude pour rire de concert et créer des liens indéfectibles pour les jours de grève générale.
Par moments, la voix d'Émile prend de nouveaux reflets, des accents de son père sans aucun doute , des pointes d'intonations qui remontent du plus profond du petit bonhomme pour coiffer un mot, souffler une expression.
Rosie ne l'avouera jamais à Emile.
Emile ne le dira jamais à Rosie.
Et pourtant.
La danse du bonheur, au bout d'un moment, ça donne la nausée.
Heureusement, Emile finit par remonter la manette et Rosie reprend la droite ligne de la chaussée. Il peut enfin rattraper le fil de ses pensées. Pédaler l'aide à réfléchir, et Rosie est la confidente idéale. Elle sait vraiment écouter, c'est une qualité si rare.
Viens.
Colle ton oreille contre moi, je peux tout te raconter :
l'ours et le corbeau, la gare et ces lettres
étonnantes, Rosie, Eugène, Chloé,
et puis la promesse de ce retour tant attendu.
Tant attendu.
Tant attendu.
J'ai tout vu, alors approche-toi, approche-moi, plus près encore, je veux tout te dire.
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