Ce n'est pas la forme, ni le fond d'ailleurs, qui m'ont empêchée d'adhérer pleinement à ce dernier roman, en lice pour le Prix Médicis. Il faut dire que j'avais eu un tel coup de coeur pour Il est des hommes qui se perdront toujours que j'avais placé la barre très haut, et que se passe-t-il lorsque les attentes sont trop grandes ?
La treizième heure est un roman vocal. Trois protagonistes, trois points de vue.
C'est Farah, la fille, qui ouvre le bal.
Enfin, j'écris « la fille », mais la situation est loin d'être aussi simple, avec une identité physique, sexuelle et psychologique aux contours flous.
Car (comme dans
Arcadie) le personnage baptisé Farah est une adolescente intersexuée, assez laide mais d'une maturité, d'une curiosité et d'une vivacité exceptionnelles.
Élevée par son père Lenny au sein d'une secte (comme dans
Arcadie) après que sa mère les ait abandonnés peu après sa naissance, Farah enquête pour découvrir qui est sa mère et ce qui l'a incitée à quitter le foyer.
Après Farah, c'est Lenny, le père, qui livre sa version des faits.
Enfin, j'écris « le père », mais Lenny est-il vraiment le père de Farah ?
La troisième partie donne la parole à Hind, la mère, beauté flamboyante à la sexualité extravagante.
Enfin, j'écris « la mère », mais qui est vraiment Hind, qui décide un jour de revenir dans leur vie ?
J'aime la plume de l'auteure, son inventivité, son audace, sa façon de bousculer les codes, de célébrer la différence, de prôner tolérance et liberté.
Certains lecteurs seront peut-être choqués, tous seront bousculés par ce récit qui oscille entre vraisemblance et extravagance, lyrisme et prosaïsme, immoralité et poésie.
Avec un roman surprenant et potentiellement dérangeant mais résolument ancré dans son époque,
Emmanuelle Bayamack-Tam questionne les modèles de notre société occidentale, le regard porté sur celui ou celle qui déroge à la « norme ».