AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782924283844
120 pages
Productions Somme Toute (27/04/2015)
4.42/5   12 notes
Résumé :
Le français québécois est souvent présenté comme du joual, comme du mauvais français, comme un simple registre populaire qui contrevient au contenu des sacro-saints ouvrages de référence. Cela entache l'identité québécoise d'une profonde insécurité. Mais si on le présente dans toute sa complexité, comme une variété de langue légitime et pour laquelle les locuteurs ont un droit de regard, on nettoie cette tache. On donne à l'identité québécoise tout le lustre dont el... >Voir plus
Que lire après La langue rapailléeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Les trois petits essais de AMBB dont ceci est le premier sont d'une importance capitale pour quiconque souhaite comprendre le rapport du Québec au français (mais conserver son intérêt pour le lecteur français).

AMBB est une sociolinguiste qui enseigne à l'Université Laval et ce livre permet d'aborder les bases de la discipline.

Ainsi, le français souffre d'être l'une des langues qui donne le plus de légitimité aux prescriptivistes. Ces gens et institutions dont le rôle est de dire quelles sont les manières acceptable ou non d'écrire et de parler. Les puristes, quoi. Sauf que le langage est une chose qui évolue naturellement. Que ce soit pour s'adapter à un monde changeant, ou simplement parce que les plus jeunes n'aiment pas parler comme leurs parents.

Le Québec souffre encore plus de cette situation puisque les termes qui finissent par être acceptés par les institutions proviennent habituellement de Paris. Et, au contraire, des termes toujours utilisés au Québec se voient souvent déclarés banni, désuet ou archaïque.

Autrement dit, le parlé québécois dérive de plus en plus de la norme acceptée puisque cette dernière évolue dans une direction qui ne tient pas compte de son existence. Toute expression originale est vue comme un nivellement par le bas.

Bref, on passe tout notre cheminement scolaire à se faire dire que notre français est mauvais alors qu'il a simplement évolué dans une direction différente du français de l'Hexagone.

Et tout ceci a des répercussions négatives sur la culture québécoise, car cela nous empêche d'en apprécier la richesse et d'en accepter la spécificité.

C'est l'une des raisons pour laquelle AMBB préfère une approche descriptive : c'est-à-dire de simplement considérer la langue comme ce que parlent locuteurs. le rôle des institutions ne devrait pas être de trier les bons des mauvais usages, mais bien de rendre compte des façons dont la langue est utilisée.
Commenter  J’apprécie          303
Il y aura, pour moi, un avant, et un après La Langue rapaillée. Ce que j'aime de ce court essai de la linguiste Anne-Marie Beaudoin-Bégin, c'est qu'il s'attaque à ce qui menace le plus le français parlé au Québec : son statut, les préjugés dont il est l'objet, voire le mépris. Je pense, ici, à la remarque d'Eugénie Bouchard, il y a quelques années, ou celle de Thierry Ardisson, sur le plateau de Tout le monde en parle. Beaudoin-Bégin remonte plus loin, au frère Untel, pour qui le joual, c'est-à-dire le français québécois familier, est « une langue désossée », « un cas de notre inexistence ». L'auteure cite aussi cette blague qui circule encore sur Facebook, où, sur trois colonnes, des mots anglais sont comparés à leurs équivalents en français soigné, puis en « Québécois » familier : « right here », « ici même », « drette là »... Mais, aussi bien, le mépris se voit chez ceux qui trouve le français d'ici « pittoresque », « cute »…

Cette situation a des causes historiques, mais s'explique aussi par la prépondérance d'une certaine idée de la langue française, qui serait si « belle, esthétique, grande, prestigieuse ». Pour déconstruire ce mythe, Beaudoin-Bégin rappelle d'abord quelques évidences : toutes les langues évoluent, elles sont vivantes, hors de tout essentialisme, et toutes possèdent deux registres : le registre soigné, ou soutenu, et le registre familier, dont aucun n'est supérieur à l'autre, chacun ayant sa valeur, son utilité. le problème, c'est que les puristes comme Guy Bertrand, premier conseiller linguistique de Radio-Canada, appliquent au registre familier, celui de la langue parlée au quotidien, en situation informelle, les règles plus strictes du registre soigné, réservé aux situations « formelles ». Or, le registre familier se définit par sa liberté, le fait, précisément, que chacun peut utiliser la langue comme il veut, employer l'épenthèse, modifier des mots, en utiliser certains plutôt que d'autres, comme des anglicismes, des archaïsmes : « Lorsque les puristes viennent affirmer que tel ou tel mot est acceptable en registre familier, ils sortent de leur juridiction. Personne, sauf les locuteurs, ne peut gérer le registre familier ». Une seule contrainte : être compris de son interlocuteur.

Beaudoin-Bégin se montre particulièrement convaincante lorsqu'elle met en lumière, à partir de plusieurs exemples, l'incohérence des puristes dans leur critique des anglicismes, et le peu de valeur de leurs arguments, qu'ils tentent d'appuyer sur l'étymologie, sur la logique, alors que la langue est truffée d'illogismes. Si certaines formes ne sont pas acceptées, inutile de chercher « des explications plus approfondies que le fait que ces formes ne sont pas acceptées ». Point. « La norme prescriptive est un ensemble de règles auxquelles la société accorde une valeur ».

Si sa critique des puristes, aussi appelés « prescriptifs », est si sévère, c'est qu'ils « ont bel et bien réussi à profondément inculquer dans l'imaginaire linguistique des Québécois l'idée que la plupart des formes caractéristiques à cette communauté linguistique sont les symptômes de l'étiolement de la langue »

Cet essai réhabilite le français québécois, non pas comme langue distincte, comme le suggère le terme « joual », mais en tant que variation du français. Une variation parmi les autres variations, ni dégradée, ni étiolée. Car, en matière de langue, il ne peut y avoir rien d'autre que cela : des variations. Et aucune n'est supérieure à l'autre, pas même la variation française, élevée au statut de norme de référence au Québec depuis le rapport Durham, au XIXe siècle. Toutes ont leur registre soigné et leur familier, toutes sont composées de mots anciens et modernes, toutes évoluent, toutes expriment une identité. Les mépriser, c'est mépriser les gens qui en font usage.
Commenter  J’apprécie          10
Dans son premier livre, l'Insolente linguiste, met le doigt et des mots sur le bobo! Elle démystifie les mécanismes sournois de nos insécurités linguistiques de colonisés, tant face à la norme hexagonale, jugée plus prestigieuse, que par rapport à l'anglais, parlé par la majorité dominante en Amérique du Nord.

Les idées et les concepts linguistiques sont très bien vulgarisés. C'est un essai accessible et extrêmement pertinent, que tous les canadiens francophones devraient lire, que ce soit pour mieux comprendre la québécitude ou pour souffler un peu sur les braises de la Révolution tranquille! Dire "couverte" ou "mitaine" est une façon plus socialement acceptable de se rebeller que de lancer des cocktails Molotov!
Commenter  J’apprécie          90
Que nous avons besoin de ce type de livre pour nous faire comprendre que le français est vivant et qu'il évolue dans le temps, dans l'espace et surtout avec les gens qui le parlent et l'écrivent. Merci
Commenter  J’apprécie          40
excellent livre sur ce qu'est le français québécois, registre populaire, bel ouvrage
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La légitimité des variétés de français en général, et de la variété de français québécois en particulier, est en effet loin d’être acquise. On l’a vu, les francophones ne voient habituellement pas la variation d’un bon oeil, ce qui est fondamentalement problématique au Québec, car le français qu’on y parle est, en soi, une variation par rapport au standard présenté dans les ouvrages de référence.
Et ce n’est pas tant le fait que les autres francophones peinent à reconnaître cette légitimité qui pose problème, mais bien le fait que les Québécois eux-mêmes ne la reconnaissent pas.
P.40
Commenter  J’apprécie          60
Confondre la langue écrite et la langue elle-même, c'est confondre le symbole avec ce qu'il symbolise. Car l'écrit, ce n'est pas une langue. C'est un code utilisé pour préserver physiquement des idées. C'est une manière de rendre réel ce qui se trouve dans notre tête.
Commenter  J’apprécie          80
Il faut comprendre que la sauvegarde d'une langue ne dépend pas de la langue elle-même, mais bien des locuteurs qui la parlent. Une langue ne disparaît pas quand elle s'éloigne de la norme prescriptive, elle disparaît quand elle n'est plus utilisée, point. Deux situations peuvent mener à ce résultat : soit les locuteurs ont disparu, soit ils ne peuvent plus aspirer au bonheur dans leur langue.

Ce ne sont pas les puristes qui ont maintenu le français au Québec. En premier lieu, ce sont les femmes qui, à la sueur de leur ventre, ont engendré des dizaines et des dizaines de petits francophones. La Revanche des berceaux, disait-on. Voilà pour empêcher la disparition des locuteurs.

Quant à l'aspiration au bonheur en français, c'est la loi 101 qui l'a permise. Sans la loi 101, beaucoup de baby-boomers auraient préféré que leurs enfants aillent à l'école anglaise, car il était manifeste que, de moins en moins, on pouvait aspirer au bonheur en utilisant le français. Et on souhaite toujours le bonheur de ses enfants.
Commenter  J’apprécie          10
Le problème avec cette confusion, c'est qu'elle donne l'impression à ceux qui ne maîtrisent pas les règles du français écrit qu'ils ne maîtrisent pas leur langue. Quand on pense à quel point la langue fait partie de l'identité, surtout dans le contexte québécois, on constate la gravité de ce raisonnement.
Commenter  J’apprécie          50
Présenter le français québécois comme si ce n’était qu’un registre familier est dangereusement réducteur. Ça l’est d’autant plus si, pour ce faire, on utilise un terme qui historiquement, est connoté négativement (le joual). Le français est, au Québec, le principal vecteur d’identité. Car la langue, c’est beaucoup plus qu’un simple moyen de communication. C’est aussi un outil social et culturel. C’est lorsque les non-Québécois parlent que l’on reconnait qu’ils ne sont pas Québécois. Il n’ont pas l’accent. Et quand ces non-Québecois se mettent a adopter certains traits typiques de cet accent, et que les Québécois le leur font remarquer, ils en sont fiers. Dénigrer sa propre langue, donc, c’est dénigrer son identité.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : linguistiqueVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (26) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
851 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}