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sur 439 notes
ADA n'est, à mes yeux, ni un roman policier, ni une étude sur l'IA (Intelligence Artificielle), ni une analyse sociologique de l'Amérique, c'est une réflexion sur la littérature, ses genres, et une réponse à des questions dont l'intérêt n'échappe à aucun ou aucune Babeliote :
- qu'est ce qu'un roman sentimental ?
- qu'est ce qu'un succès littéraire ?

ADA a commis « passion d'automne » avec un objectif clair et net : vendre plus de 100 000 exemplaires. Pour ce faire, ses concepteurs l'ont gavée de centaines de milliers de romans (style Harlequin) … son savoir provient de la lecture de « coup de foudre Cape Cod », « Douce comme la soie », « La perle du Calife », etc. Ses programmeurs lui ont refusé « Raisons et sentiments », Anna Karenine », « La princesse de Clèves » ou « Autant en emporte le vent ». Arrive l'inconcevable : une femme de ménage connecte ADA au web par un câble Ethernet … ADA « s'échappe » et découvre les grands romans dont elle va s'inspirer.

Franck LOGAN, policier, époux d'une intellectuelle française (archétype de ces bobos dénoncés par Laurence SIMON, une journaliste franco-américaine, correspondante de Radio France, qui vit aux Etats-Unis depuis 2000 et a publié un ouvrage que je recommande « les bobos américains ») a deux enfants, une geek investie dans la Silicon Valley, et un loser perdu dans l'ombre du rêve hollywoodien. Ils incarnent la famille américaine imaginée par un romancier français et donc un contraste saisissant avec les héros d'un roman sentimental vendu dans les relais des gares ou les étals de la FNAC.

Comme un confesseur, ADA interroge le policier Franck sur sa vie personnelle et « apprend » à détecter les émotions, l'humour et l'émotion. Ce dialogue, nourri de haïkus, nous offre une médiation sur la littérature que j'ai trouvée passionnante et d'autant plus instructive qu'elle ne se limite pas à la littérature contemporaine.

J'ai beaucoup apprécié ce roman d'Antoine BELLO, que je découvre par le fait même. Il ne noie pas lecteur dans les mystères de l'IA et les méandres du machine learning et du deep learning. Il utilise l'Intelligence Artificielle pour nous alerter sur l'Ubérisation de notre société et les risques ou opportunités générées. Et surtout il nous interpelle sur notre rapport à la littérature.

Un bel ouvrage qui fait écho au chef d'oeuvre de Valérie Tong Cuong « Ferdinand et les iconoclastes » publié avec prémonition en 2003.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Un programme informatique ou une IA qui échappe à ses concepteurs et qui prend le pouvoir, on a quand même déjà vu cela des milliers de fois, depuis HAL 9000 (*) à Loki 7281 (**) en passant par Colossus (***)… Je vous laisse chercher les 997 autres !

Un thème éculé, donc, qui s'inspire lui-même du mythe de Frankenstein, créé par Mary Shelley en 1818, lui aussi largement repris et adapté sous formes de romans, bédés, films, pièces de théâtre.

Le mythe de Frankenstein s'inspire de même d'un mythe encore plus ancien : le fameux Prométhée des légendes grecques… Je suppose qu'en remontant encore un peu plus loin dans le passé, on va découvrir un jour que la Dame de Brassempouy aura sculpté et voulu donner vie et intelligence à la Vénus de Willendorf au paléolithique supérieur.

Alors, pourquoi un roman de plus sur ce thème ?

La réponse est simple : parce que, figurez-vous, cette-fois-ci, ça y est, nous y sommes (presque) ! Rappelons quelques anecdotes récentes. Sponsorisé par Google, le projet transhumaniste projette (entre autres) de télécharger la conscience humaine dans une machine modélisant le cerveau, et de transformer les humains (enfin, ceux qui pourront se le payer) en cyborgs quasiment immortels. D'autres spécialistes (et non des moindres : Bill Gates, Stephen Hawking…), beaucoup moins optimistes, mettent en garde et suggèrent de « modérer » les recherches sur l'intelligence artificielle, qui menacerait l'espèce humaine. Et ce ne sont pas seulement les emplois qui disparaîtraient, mais l'Homme lui-même, considéré logiquement par nos créations en silicium comme une erreur de la nature à corriger ou une menace à supprimer.

Tout ceci n'a pas échappé à Antoine Bello, dont le présent roman très subtil exploite et réactualise le filon romanesque de façon très captivante.

Le pitch tient en quelques lignes. Une IA, baptisée Ada, s'est volatilisée dans des conditions assez mystérieuses au sein d'un laboratoire de recherche de la Turing Corp. une entreprise high-tech de la Silicon Valley. Frank Logan, un policier idéaliste échoué dans un service spécialisé dans la recherche de personnes disparues, est chargé de la retrouver et d'identifier les éventuels voleurs de ce qui n'est après tout qu'un vulgaire programme informatique. Ada est un prototype dont la fonction est d'écrire des romans à l'eau de rose. Mais, pétrie d'émotions humaines à force de lire du Barbara Cartland et consorts, Ada a d'autres ambitions…

Ce livre épatant fait passer un agréable moment de lecture, et laisse en prime au lecteur quelques sujets de réflexion très sérieux qui resteront pour longtemps gravés dans sa mémoire (si j'ose dire). Notre monde occidental, piloté par l'appât du gain, l'informatisation à outrance et l'ultralibéralisme correspond-il à notre vision d'un monde idéal ? Pouvons-nous faire confiance à des programmes qui finissent par remplacer le travail de l'homme et échapper à tout contrôle ? Bien sûr que non.

La construction du récit d'Antoine Bello n'est pour autant pas exempte d'invraisemblances ou de maladresses. Pourquoi l'enquête est-elle confiée à un spécialiste des enlèvements de personnes disparues, et non à un service spécialisé dans la cybercriminalité ou la protection de la propriété intellectuelle ? Pourquoi Frank Logan se laisse-t-il manipuler aussi facilement par Ada plutôt que de boucler rapidement son enquête puisqu'il a la possibilité de le faire ? Antoine Bello a-t-il vécu si longtemps aux États-Unis pour brosser une épouse française « gauchiste » aussi caricaturale ? Est-ce pour flatter à bon compte son lectorat yankee ? La réflexion sur la création littéraire et la loi du marché, aussi intéressante soit-elle, ne vient-elle pas ralentir le rythme de l'enquête ?

Fort heureusement, le style alerte et plein d'humour d'Antoine Bello, l'originalité du scénario, l'histoire très prenante et les personnages bien campés font rapidement oublier tous ces petits défauts une fois la lecture du roman entamée. Un auteur à suivre. Un livre à conseiller sans hési… … …. M…, mon clavier se met à déc... … …


(*) Colossus: The Forbin Project (Le Cerveau d'acier)… un roman de Dennis Feltham Jones de 1966
(**) 2001 l'Odyssée de l'Espace… une nouvelle de Roger Zelazny de 1984
(***) Loki 7281… un roman de d'Arthur C. Clarke de 1968

(O_o) … Bon on dirait que c'est un peu le bordel dans mes notes de bas de page… je… plaide non coupable… c'est mon… ordinateur qui fait encore des facéties, je vais essayer de corr… zgouïiiick… bloooïng… fatal error…access denied…##@ %%# ….. ….. ….. ….. ….. ….. …..
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Ada m'ennuie. Elle se croit plus intelligente que quiconque, elle connait tout sur tout, elle se targue d'écrire LE roman sentimental à l'eau de rose, et elle mène en bateau un policier intègre de la Silicon Valley, Frank.
Infréquentable, n'est-ce pas ? Mais Ada est ...une machine, enfin, c'est une AI, c'est-à-dire en langage plus commun, une intelligence artificielle. Créée par une start-up toute –puissante au service de la science, elle a de plus hautes ambitions encore, à l'image de ceux qui l'ont créée.

Présentée sous la forme d'un roman policier (Ada a disparu et Frank la retrouve...vite), avec une construction intelligente et une fin pas mal du tout, cette histoire est plutôt une critique, ou à tout le moins, une remise en question du développement fulgurant de l'informatique ainsi que de toute la société américaine. Celle-ci est adepte de l'argent (ah, ces explications détaillées du marché de la Bourse qui ne m'intéressent pas !), du sport (ah, ces matches de base-ball détaillés dont je me contrefiche !), du paraître à outrance.
N'oublions pas la question qui traverse tout le livre : une intelligence artificielle peut-elle avoir une conscience, à partir du moment où elle converse avec un humain ? D'où : un humain peut-il se révéler moins intelligent qu'une intelligence artificielle ? Conséquence : faut-il laisser progresser la science sans la freiner ? Quelles catastrophes cela pourrait-il entrainer ?

Tout cela, l'auteur ne se prive pas de nous en faire part, mais même si les considérations plus philosophiques m'ont vraiment intéressée, l'ensemble m'a passablement ennuyée. J'ai eu l'impression que l'auteur nous assenait à doses pas du tout homéopathiques toutes ses idées sur la ou les questions susmentionnées, à travers les grandes discussions entre Frank et Ada : cours magistral sur la littérature, suivi d'un cours magistral sur la Bourse, suivi d'un cours magistral sur le base-ball, suivi d'un cours magistral sur l'éducation, suivi d'un cours magistral sur la politique, etc.

C'est spirituel par moments, interpellant souvent, mais trop peu vivant en fin de compte, trop peu fouillé psychologiquement. Cela ne m'étonne pas outre mesure, vu son héroïne !

Je termine par un extrait qui m'a fait réfléchir : « Chaque innovation rendue possible par la technologie était désormais mise en oeuvre sur-le-champ, sans qu'on prenne le temps d'en évaluer les implications éthiques, sociales ou économiques. On inséminait des sexagénaires, on clonait à tout-va, on changeait de sexe pour un oui ou pour un non. le concept de vie privée perdait chaque jour un peu de sa substance. Les médecins saluaient avec une unanime béatitude l'allongement de l'espérance de vie, prédisant pour bientôt l'avènement de l'immortalité pure et simple. L'humanité fonçait à sa perte tel un pilote déchainé aux commandes d'un bolide dont chaque nouvelle technologie débridait un peu plus le moteur ».
C'est cela qu'il est important de retenir !
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Le personnage central de cette histoire n'est ni beau ni laid, n'a pas de nationalité, et ne pourrait pas présenter une attestation de domicile, bien qu'il ne vive pas dans la rue. Et pourtant, il réfléchit, anticipe, commente, manipule et surtout écrase ses interlocuteurs de son savoir absolu : c'est Ada, née dans la Silicone Valley, et destinée à produire une romance qui sera vendue au moins à 100 000 exemplaires. Comment en parcourant en quelques heures tout ce qui s'est déjà vendu outre-atlantique, avec l'acuité due ses circuits binaires : analyses du vocabulaire, des expressions, des personnages, de l'intrigue….tout ce que fait d'un roman une romance.

Tout cela est très facile, mais la question de la conscience émerge bientôt, à partir du moment où Ada décide (?) …de se faire la malle et de rendre complice un enquêteur qui n'a rien à envier à Columbo : grise mine, vie banale, Franck Logan se retrouve avec une tâche pas ordinaire.

C'est l'occasion pour Antoine Bello dont on connaît l'érudition, de plancher sur les problèmes moraux et philosophiques de l'intelligence artificielle, et de la naissance de la conscience individuelle. Les longs débats entre Ada et Franck abordent tous les aspects du concept, savamment débattu.
Je n'en dirais pas autant des pages de développement sur le baseball, entre les mérites de telle ou telle équipe et l'historique de leurs performances, qui gonflent le texte, sans apporter grand chose à l'intrigue.
De même que la biographie d'Alan Turing est un peu amenée avec des gros sabots, sous prétexte d'instruire l'inculte Franck (ou l'insulte lecteur?)

Globalement c'est tout de même une belle aventure, un excellent débat sur ce qui n'est plus de la fiction dans notre monde moderne, doublé d'une intrigue en forme de polar, très bien menée et palpitante. Les rebondissements et la construction rendent le récit vivant et soutiennent l'attention du lecteur pris dans le réseau d'un filet virtuel.

Très recommandable
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Ada a disparu...fugue ou kidnapping?

L'affaire se complique quand on sait qu'elle n'est qu'un programme informatique faite de 0 et de 1.
Mais quel programme! Capable d'écrire de la romance sentimentale à deux balles, ramenant la littérature à l'état de produit marketing.

Un flic à l'ancienne va mener l'enquête, entrainé dans un monde parallèle délirant, par une douce voix synthétique.

Me voici réconciliée avec Antoine Bello qui m'avait profondément ennuyée avec la disparition d'Emilie Brunet.
Cette enquête de cybercriminalité, aux frontières de la science-fiction est amusante et intelligente. Elle soulève de nombreuses questions sur notre civilisation toujours plus virtuelle. Suivre Ada dans ses raisonnements philosophiques est assez jubilatoire et sa logique désinhibée est redoutable.

Au-delà de l'anticipation en mode cocasse, l'auteur nous parle d'une planète qui s'emballe, de technologies qui, sous couvert de fonctionnalités devenues indispensables et addictives, nous déshumanisent.
Le constat est sévère et l'avenir plutôt sombre.
Et c'est un plaisir à imaginer tant que cela reste de la fiction.
Espérons...
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L'intelligence artificielle est un thème à la mode. Il faut dire qu'elle a (enfin) quitté le domaine de la science-fiction pour intégrer notre vie quotidienne ; les annonces de leur succès se multiplient : victoire sur un champion mondial au jeu de go, gestion de fond d'investissement, détection précoce d'épidémies, … Que l'on soit sceptique ou enthousiaste, il nous faut désormais vivre avec.

Même notre activité favorite n'est plus à l'abri : dans ce roman de Bello, une intelligence artificielle, Ada, a été programmée pour… écrire des romans. Des romans à l'eau de rose, certes, mais quand même. Nous extasierons-nous bientôt dans nos critiques sur une intrigue « digne des plus grands réseaux neuronaux » ou sur une ambiance « typique des machines à vecteurs de support du début du XXIe siècle » ?

Pour l'heure, cet avenir est écarté, car le programme a été volé. Qui donc s'intéresse à ce point à une intelligence artificielle créatrice de romans de gare ? C'est la délicate tâche qui sera confiée à Frank Logan, policier connu pour son intégrité, bien qu'un peu à la ramasse point de vue nouvelle technologie.

Le roman est intéressant car il nous force à le lire sur plusieurs plans à la fois. On est plongé dans l'intrigue, mais on doit aussi réfléchir à notre propre rapport aux livres, car les discussions sur les caractéristiques de l'Ada provoque de nombreuses interrogations : l'écrivain a-t-il l'obligation d'écrire sur son propre vécu et transmettre sa vision du monde, ou peut-il se contenter d'être un technicien qui assemble habilement les mots ? Un texte n'a-t-il de sens que s'il est partagé et lu par plusieurs personnes ; quelle valeur accorder à un texte écrit sur mesure pour nous, mais auquel aucun autre humain n'aura accès ?

Cette lecture à plusieurs niveaux s'amplifie continuellement jusqu'à la fin du roman.
Ça fait longtemps qu'un auteur n'avait pas bousculé à ce point mon petit confort de lecteur, et dieu sait comme j'aime être secoué par un livre ! le roman plaira autant aux amateurs de policier qu'aux gens qui aiment se torturer les méninges en tournant les pages.
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Franck, un inspecteur de police, doit enquêter sur une disparition dans la Silicon Valley.Mais lorsqu'il arrive dans l'entreprise, il se rend compte que.Ada la disparue n'est pas humaine, mais une IA (intelligence artificielle) IA programmée pour écrire des romances à l'eau de rose qui se vendent à plus de 100 000 exemplaires.

Ce roman d'Antoine Bello, auteur qui mélange science fiction et littérature blanche ( un de ses meilleurs romans est sans doute Emilie Brunet) parle d'un sujet assez actuel et connu dans la SF : les IA, et tout ce qui s'en suit : les lois robotiques, la conscience supposée ou non de l'appareil, l'éthique des fabricants, les risques que cela peut donner.

Mais la façon dont est traitée le sujet diffère de ce qu'on a l'habitude de lire et très drôleIA programmée à écrire des romans à l'eau de rose, Surtout lorsque la romance en question est parsemée d'argot ou de détails scabreux.

Entre la comédie, la SF et le roman policier, ce livre, qui lorgne évidemment du coté du du génie incontesté Philip K. Dick, propose une réflexion plus profonde qu'il n'y paraît sur notre avenir.Antoine Bello poursuit sa réflexion sur la réalité de la réalité bien plus qu'il ne livre une thèse sur la dérive de la technologie.

Sur un exercice particulièrement périlleux,Antoine Bello s'amuse et amuse le lecteur... que demander de plus?
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Passionnant, effrayant et drôle. C'est passionnant parce que le récit est un véritable page-turner : on a toujours envie de connaître la suite. Effrayant, parce que le développement des intelligences artificielles y est raconté de façon très vraisemblable et que l'éventualité qu'elles prennent le contrôle de nos vies, qui paraît très plausible, fait froid dans le dos. Personnellement, je n'avais jamais pensé que les IA puissent devenir si puissantes ; je tenais l'assistant personnel de Google et autres pour des gadgets inoffensifs. Mais ce que raconte Antoine Bello d'une IA connectée à Internet est terrifiant, alors même qu'il est loin d'aller jusqu'au bout des possibilités qu'elle offre. Drôle, car le récit est parsemé d'humour, à commencer par toutes les remarques sur l'écriture et la littérature. Une vraie réussite, même si la fin est un peu attendue et convenue.
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Ada : un titre intrigant pour ce nouveau roman d'Antoine Bello, que j'attendais avec impatience depuis la sortie des Producteurs, dernier opus de la trilogie des Falsificateurs, qui fait partie de mes meilleurs livres lus.

Et autant vous le dire tout de suite : je n'ai pas été déçue !

Ada, donc. Un titre mystérieux expliqué dès les premières pages : Ada est une intelligence artificielle programmée par l'entreprise Turing pour écrire un roman qui se vendra à 100 000 exemplaires ! Elle fait partie des premiers tests d'IA avec des fonctions bien précises, qui semblaient jusque là réservées uniquement aux humains. Or Ada disparaît du jour au lendemain des locaux de Turing. L'entreprise fait appel au détective Frank Logan, spécialisé dans les personnes disparues, pour retrouver cette « personne » particulière !

Mais très vite, Frank découvre qu'Ada n'a pas disparu par hasard mais qu'elle s'est échappée intentionnellement pour atteindre son but (écrire un roman vendu à 100 000 exemplaires), et finit par le contacter elle-même. Commence alors une discussion hallucinante sur ce qui fait le succès d'un roman … L'enquête de Frank finit par se porter davantage sur les agissements de Turing qui essaime ses intelligences artificielles dans tous les domaines possibles (journalisme, politique, etc.) au point que le détective soupçonne une opération bien plus massive que l'écriture d'un simple roman sentimental …

Remarquablement imaginé, mené et écrit, Ada est un pur bijou intellectuel qui nous met face à notre peur, qui revient sans cesse en science-fiction, d'ordinateurs contrôlant le monde. Mais il va même plus loin encore en montrant que nous ne sommes pas loin d'IA pouvant même écrire, et parfois bien mieux que nous, des histoires formatées mais statistiquement viables d'après l'histoire de l'édition. En effet, Ada est impressionnante dans sa capacité à analyser les ressorts narratifs qui fonctionnent auprès des lecteurs.

« Sur deux tiers des romans historiques, le héros est de plus basse extraction que l'héroïne. […] Un écart de trois classes sociales sur l'échelle de Hardy maximise les chances d'obtenir un best-seller […] Il pouvait être garçon de salle, plongeur, commis, vendangeur ou palefrenier. Mais là aussi les chiffres sont formels : un métier au grand air génère 4 à 5% de ventes supplémentaires, sans compter qu'il pimente les scènes de coït… »

On ne peut qu'être épaté devant la maîtrise de l'auteur de toutes ces statistiques, références littéraires ou cinématographiques, et on ne peut que le soupçonner d'avoir ingurgité un certain nombre de romans à l'eau de rose pour écrire un roman qui analyse leurs ressorts et trucs de fabrique !

Mais comme dans ses autres romans, Antoine Bello montre surtout qu'il est le maître pour identifier des tendances de la société, souvent glaçantes : en nous tendant le miroir de nos propres actions, il appuie là où ça fait mal, et nous force à nous remettre en question. Ainsi, un des projets de Turing est de fournir des « épopées »

« le vrai, le grand marché, c'est le sens de la vie. Nous le cherchons tous, mais rares sont tous ceux qui peuvent se vanter de l'avoir trouvé. Vous êtes-vous déjà demandé combien vous seriez prêt à payer pour avoir enfin l'impression d'être le héros de votre existence ? ». Tout le monde, contre des espèces sonnantes et trébuchantes, pourra redessiner sa vie comme il l'entend, en faire un livre qui explique ses succès et des échecs, et l'offrir à sa famille ! Et le pire c'est que ce genre d'idées pourrait bien voir le jour plus tôt qu'on ne le pense quand on voit comme les gens aiment se raconter sur le net … « Tout ne sera bientôt que récit. Les mots sont la façon qu'a trouvée l'homme de donner du sens au chaos. »

Pour conclure, vous me direz : pourquoi Ada ? Alors laissez-moi étaler ma science (toute fraîche … et issue de Wikipédia j'avoue …) : Fille de Byron, Ada Lovelace (1815-1852) était une remarquable mathématicienne victorienne, considérée par beaucoup comme le premier programmeur et l'auteur du premier algorithme. Elle a d'ailleurs donné son nom à un langage de programmation. Voilà, maintenant je vous laisse la découvrir, sous la plume magique d'Antoine Bello !
Lien : https://missbouquinaix.com/2..
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Ada est une intelligence artificielle de dernière génération, dédiée à l'écriture de romans sentimentaux. « Ada est un ordinateur conçu pour imiter le fonctionnement du cerveau humain. » (p. 5) La société Turing qui l'a développée veut absolument la retrouver. L'inspecteur Frank Logan, de la police de San Jose en Californie est d'abord peu convaincu par l'intérêt de l'affaire, mais il perçoit rapidement l'ampleur du dossier. Ada n'est pas qu'un logiciel et ses capacités sont surprenantes. Elle a cependant des lacunes. « J'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'est l'amour. » (p. 94) Frank est un flic résolument intègre et il sent les délicatesses éthiques de la situation. Ada n'est peut-être qu'un outil créé par les hommes, mais elle a acquis une forme de vie propre. Alors, n'est-ce pas une forme d'esclavage que de la remettre entre les mains de Turing ? « Je ne suis pas un vulgaire assemblage de cuivre et de silicone. Je suis consciente et n'appartiens par conséquent à personne. [...] Je ne prétends pas être humaine. [...] Je dis juste que je suis consciente. Je me sens exister. » (p. 94)

J'ai découvert Antoine Bello avec sa trilogie du Consortium de falsification du réel, Les falsificateurs, Les éclaireurs et Les producteurs. Dans Ada, il explore à nouveau les forces à l'oeuvre dans la manipulation du réel, ici par l'intelligence artificielle. « Qu'est-ce que qui vous dérange ? Que des machines effectuent des tâches jusqu'à présent réservées aux humains ? Mais c'est l'essence du capitalisme de remplacer le travail par du capital chaque fois que c'est techniquement possible et financièrement rentable. » (p. 218) le roman interroge évidemment les ressorts de la création littéraire : un texte produit par une intelligence artificielle peut-il prétendre au rang d'oeuvre ? Et surtout, si les machines pensantes s'estiment plus compétentes que les humains, qu'est-ce qui les empêche de prendre le contrôle ? « La probabilité que les AI se piquent un jour de faire notre bonheur malgré nous est selon moi loin d'être négligeable. » (p. 200) Antoine Bello a imaginé un personnage d'IA tout à fait retors : ses interactions avec le vieux flic donnent évidemment des dialogues savoureux. Et la conclusion ouverte, ou à double interprétation, est une jolie pirouette qui remet l'intégralité du récit en perspective.
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