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EAN : 9782877477727
280 pages
Jean-Paul Gisserot (20/06/2005)
3.25/5   2 notes
Résumé :
Lorsque des écrivains flatteurs parlaient de Louis XIV comme du plus grand roi du monde, le monarque lui-même, ses sujets et nombre de ses contemporains n'étaient pas loin de penser de même. La France étant alors un pays peuplé aux armées puissantes, son souverain s'impose comme le premier dans la hiérarchie des rois, derrière un empereur regardé avec condescendance, dans une Europe chrétienne, qui pense être supérieure au reste de l'univers. Ce livre s'interroge do... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce n'est pas, à coup sûr, la plus grande biographie du monde !

Si Lucien Bély sait se faire entendre et comprendre, s'il maîtrise incontestablement son sujet, livre un travail sérieux sur le monarque au règne le plus long de notre histoire, l'ouvrage me semble avoir bien des défauts. le premier d'entre eux, que peut-être les non spécialistes partageront avec moi, c'est de nous submerger d'informations. Certes je n'attends pas moins d'information d'un livre d'histoire éducatif mais le style de Bély est de ne pas s'encombrer de développement, trop peu en tout cas. Et l'on passe d'une info à une autre avec une rapidité qui provoque un risque d'effacement immédiat de ce que l'on vient de lire. Si la vie du roi soleil fut longue et que l'ouvrage n'est pas court, il n'en demeure pas moins qu'il eut été nécessaire de s'appesantir sur certaines périodes ou thématiques pour permettre de se les approprier plus pleinement. A défaut on risque de se souvenir d'avantage des anecdotes que des problématiques (et il y en a) de ce règne.
Autre défaut majeur à mon goût : l'égalité de traitement entre des informations rien moins que secondaires pour ne pas dire superfétatoires et ce qui compte vraiment dans l'histoire d'un roi, fut-il de France plutôt (trop tôt en l'espèce) que des français (à cet égard, pour se faire une idée de ce que le règne de Louis XIV voulait dire pour le pays – seul intérêt de faire la biographie d'un roi – il vaut mille fois plus la peine de lire Louis XIV et vingt millions de français de Pierre Goubert) . Sauf à désirer continuer de nourrir le goût des soi-disant grands hommes, l'admiration aussi bien pour les prétendues grandes humeurs que les petits travers, bref à risquer de donner dans le style de Stéphane Bern et autres Franck Ferrand (même si Bély ne semble pas, lui, dire de contre-vérité ; mais je suis trop peu connaisseur de la période pour prétendre pouvoir m'en rendre compte), cette égalité de ton pour traiter de la grande misère et des terribles injustices et cruautés, que Louis XIV a permises si ce n'est favorisées, avec les histoires de coucheries à la cour ou de port, ou non, du chapeau en présence du roi (même si les enjeux de domestication et de distinction sont réels) laisse le sentiment d'un traitement de l'histoire sans humanité (ou, pour le dire autrement, autrement que comme une humanité).
Et qu'on ne vienne pas dire que ce regard ou ces attentes de justice sociale sont une anachronie. C'est désormais le bon prétexte, surtout prêt -à-penser de tous ceux qui ne veulent ou ne sont pas capables de remettre en cause ce qui mérite de l'être : un goût immodéré et impensé pour la grandeur, une fascination macabre pour la puissance et le pouvoir, pour un ordre qui n'a rien de juste et tout d'atroce pour le grand nombre. Qu'on relise Fénelon, qui écrivait au roi qu'il aimait, et l'on verra que ces attentes ne sont en rien illégitimes : extrait,
« Vos peuple, que vous devriez aimer comme vos enfants, et qui ont été jusqu'ici si passionnés pour vous, meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée; les villes et la campagne se dépeuplent; tous les métiers languissent et ne n'ouvrissent plus les ouvriers. Tout commerce est anéanti. Par conséquent vous avez détruit la moitié des forces réelles du. Dedans de votre état, pour faire et pour défendre de vaines conquêtes au dehors. Au lieu de tirer de l'argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l'aumône et le nourrir. La France entière n'est plus qu'un grand hôpital désolé et sans provision.[3] Les magistrats sont avilis et épuisés. La noblesse, dont tout le bien est en décret, ne vit que de lettres d'état. Vous êtes importuné de la foule des gens qui demandent et qui murmurent. C'est vous-même, sire, qui vous êtes attiré tous ces embarras; car, tout le royaume ayant été ruiné, vous avez tout entre vos mains, et personne ne peut plus vivre que de vos dons. Voilà ce grand royaume si florissant sous un roi qu'on vous dépeint tous les jours comme les délices du peuple, et qui le serait en effet si les conseils flatteurs ne l'avaient point empoisonné.

le peuple même (il faut tout dire) qui vous a tant aimé, qui a eu tant de confiance en vous, commence à perdre l'amitié, la confiance, et même le respect. Vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus; il est plein d'aigreur et de désespoir. La sédition s'allume peu-à-peu de toutes parts. Ils croient que vous n'avez aucune pitié de leurs maux, que vous n'aimez que votre autorité et votre gloire. Si le Roi, dit-on, avait un coeur de père pour son peuple, ne mettrait-il pas plutôt sa gloire à leur donner du pain, et à les faire respirer après tant de maux, qu'à garder quelques places de la frontière qui causent la guerre? Quelle réponse à cela, sire? Les émotions populaires qui étaient inconnues depuis si long-temps deviennent fréquentes. Paris même, si près de vous, n'en est pas exempt. Les magistrats sont contraints de tolérer l'insolence des mutins et de faire couler sous main quelque monnaie pour les apaiser; ainsi on paie ceux qu'il faudrait punir. Vous êtes réduit à la honteuse et déplorable extrémité, ou de laisser la sédition impunie, et de l'accroître par cette impunité, ou de faire massacrer avec inhumanité des peuples que vous mettez au désespoir, en leur arrachant, par vos impôts pour cette guerre, le pain qu'ils tâchent de gagner à la sueur de leurs visages.

Mais, pendant qu'ils manquent de pain, vous manquez vous-même d'argent, et vous ne voulez pas voir l'extrémité où vous êtes réduit. Parce que vous avez toujours été heureux, vous ne pouvez-vous imaginer que vous cessiez jamais de l'être. Vous craignez d'ouvrir les yeux; vous craignez qu'on ne vous les ouvre; vous craignez d'être réduit à rebattre quelque chose de votre gloire. Cette gloire, qui endurcit votre coeur, vous est plus chère que la justice, que votre propre repos, que la conservation de vos peuples qui périssent tous les jours des maladies causées par la famine, enfin que votre Salut éternel incompatible avec cette idole de gloire.

Voilà, sire, l'état où vous êtes. Vous vivez comme ayant un bandeau fatal sur les yeux; vous vous flattez sur les succès journaliers qui ne décident rien, et vous n'envisagez point d'une vue générale le gros des affaires qui tombe insensiblement sans ressource. Pendant que vous prenez, dans un rude combat, le champ de bataille et le canon de l'ennemi, pendant que vous forcez les places, vous ne songez pas que vous combattez sur un terrain qui s'enfonce sous vos pieds, et que vous allez tomber malgré vos victoires. Tout le monde le voit, et personne n'ose vous le faire voir. Vous le verrez peut-être trop tard. le vrai courage consiste à ne se flatter, et à prendre un parti ferme sur la nécessité. Vous ne prêtez volontiers l'oreille, sire, qu'à ceux qui vous flattent de vaines espérances. Les gens que vous estimez les plus solides sont ceux que vous craignez et que vous évitez le plus. Il faudrait aller au-devant de la vérité puisque vous êtes roi, presser les gens de vous la dire sans adoucissement, et encourager ceux qui sont trop timides. Tout au contraire, vous ne cherchez qu'à ne point approfondir; mais Dieu saura bien enfin lever le voile qui vous couvre les yeux, et vous montrer ce que vous évitez de voir. »
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