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EAN : 9782363580535
285 pages
Editions Vendémiaire (06/02/2015)
3.95/5   10 notes
Résumé :
L'État islamique, ou Da ech, apparaît aujourd'hui, dans les médias et les représentations politiques, comme l'adversaire absolu de l'Occident, celui qui multiplie attentats et actes de barbarie, qui met le Moyen-Orient à feu et à sang et qu il faut combattre à tout prix. À l'origine de cet état de guerre perpétuelle et de ce chaos dans lequel ont sombré les populations civiles, il y a, bien entendu, l'intervention américaine du printemps 2003, qui fit des sunnites, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Essai remarquable sur l'histoire de l'Irak, de sa construction aléatoire par l'un des vainqueurs de la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne, en 1921, à l'intervention américaine de 2003 contre le régime de Saddam Hussein et ses terribles conséquences: la déliquescence d'un Etat, la montée de la violence et de la barbarie et la formation de groupes terroristes puissants comme Daech.
Myriam Benraad expose clairement les faits, tout en dressant un tableau des réalités irakiennes, qu'elles soient sociales, économiques, religieuses, historiques ou politiques.
Ces réalités que semblent avoir négligés les puissances occidentales lors de leurs interventions dans la région.
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Je ne connaissais pas grand chose à l'histoire de l'Irak, grâce à ce livre j'ai compris la crise actuelle. En plus, c'est vraiment bien écrit.
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L'auteur part du constat évident que la stratégie américaine déployée lors de la seconde guerre du Golfe, brouillonne et confuse n'a pas su « gagner les coeurs et les esprits » et aurait braqué une part importante de la population sunnite qui se serait sentie ostracisée. de là à dire que l'État Islamique est le fruit de l'Occident, c'est un pas qu'elle ne franchit heureusement pas, s'attachant dans une première partie de son ouvrage à rappeler les causes proprement historiques et, dans une deuxième partie, les causes nées de l'intervention américaine de 2003 de cet engrenage dont la montée en puissance irrésistible du pseudo-califat en est une des conséquences les plus graves.
Retrouvez le compte-rendu complet sur :
Lien : http://www.trop-libre.fr/peu..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Parmi les mesures qui devaient permettre la démocratisation de l’Irak figure la débaasification, dont le but était d’éradiquer toute trace de l’ancien régime. Mais celle-ci suscita une importante controverse au sein de la communauté internationale, y compris aux États-Unis où beaucoup la qualifièrent d’anti-démocratique, craignant qu’elle ne conduise au chaos. Or la débaasification fait partie intégrante de la stratégie américaine pour la période d’occupation de l'Irak, élaborée par les stratèges du Pentagone deux mois seulement avant l'invasion militaire.
(…)
En quelques semaines, des milliers d’officiers sont mis à la rue sans solde ni pension, et sans garantie d'un retour quelconque à l'emploi. Cette mesure a pour effet de plonger l'Irak dans un climat d'insécurité totale. De plus, les forces étrangères ne s'interposent pas pour mettre fin aux pillages et actes de vandalisme qui sévissent à travers le pays. Au contraire, elles laissent faire, dans une indifférence déconcertante.

Beaucoup des officiers démobilisés et des jeunes hommes abandonnés à leur sort, dont certains ont subi de graves sévices de la part des troupes américaines (mauvais traitements, torture dans des prisons secrètes), ne tardent pas à prendre les armes et à rejoindre le soulèvement. Ceux qui font l'objet d'arrestations, souvent arbitraires, sont incarcérés sur les bases militaires étrangères, les chiffres de la population carcérale dépassant vite plusieurs dizaines de milliers de détenus, majoritairement sunnites.
(…)
On évalue aussi à plus de 200.000 le nombre de fonctionnaires, médecins, enseignants, magistrats et militaires qui ont été contraints de quitter leur profession.
(…)
I.a débaasification a enfin eu de sérieuses conséquences sur l'économie irakienne, déjà affaiblie par des décennies de conflits et de sanctions. Alors qu’elle cherchait à effacer le legs de l’ancien régime pour permettre l’éclosion d'un système démocratique, elle a plongé les Irakiens dans la précarité. (pp. 61-66)
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Le ressentiment de l'Armée islamique envers Al Qaida porte sur la question confessionnelle. L’un de ses chefs, Abou Mohammed al Salmani, déclare en avril 2007 qu‘« Al-Qaïda a tué plus de sunnites irakiens dans la province d’Al-Anbar au cours du dernier mois que les soldats de l’armée d’occupation n’en ont tué au cours des trois derniers ». Après un moment de silence, l'Armée islamique émet un communiqué dans lequel elle s'en prend aux pratiques illicites de l’organisation jihadiste et ne fait pas usage une seule fois de la formule d’État islamique, pour mieux en affirmer le rejet : Al-Qaïda a commis des erreurs graves et surtout mal interprété la jurisprudence et les origines de la foi en répandant le sang des musulmans et en humiliant les moujahidin.

Les attaques portées par l’Armée islamique contre l’État islamique causent d’importants remous dans la communauté des jihadistes. Qu’un groupe armé puisse taxer Al-Qaïda d'arrogance et lui reprocher d'encourager une guerre fratricide suscite, en effet, l’incompréhension de ceux qui. dans le monde arabe et au-delà, soutiennent le jihad anti-américain et la cause des sunnites. Al-Baghdadi tente alors d’apaiser la situation en s’adressant à ses adversaires dans des termes plus conciliants :

« Ô frères des armées des Partisans de la tradition et des moujahidin, l'amitié qui nous unit est si profonde […] Ô fils de l’Armée islamique d'Irak, sachez que mon sang roulera pour le vôtre et que, par Dieu, vous n’entendrez et ne verrez que de bonnes choses nous concernant. Soyez rassurés et apaisés, ce qui nous unit est plus tort que ce que certains pensent (...) Nous jurons par Dieu que nous ne verserons pas volontairement le sang d'un fidèle tant qu'il suivra nos prières, nos orientations et mangera notre viande. »

Contrant l’accusation d’unilatéralisme qui le vise, Abou Bakr Al-Baghdadi ajoute :

« Lorsque nous avons proclamé l’État islamique, il ne s'agissait pas d'une tentative de cueillir le fruit avant qu’il ne soit mur Ce fruit est tombé de lui-même et nous l’avons ramassé et place entre des mains sûres et saines, pour qu'il ne finisse pas dans la boue. Regardez ce qui s'est produit après l'effondrement de l'Union soviétique et après que les nations musulmanes se sont éloignées du communisme. Elles sont devenues des proies faciles pour les idéologies séculières. Que s’est-il passé après que les moujahidin ont atteint la capitale serbe pendant la guerre de Bosnie ? Ils ont été arrêtés en chemin par les accords de paix de Dayton. Que s'est-il passé après que le fruit est tombé en Afghanistan, et que l'ennemi a été défait par les factions armées ? Il n’y a eu que meurtres, ruines et pillages. Ô nation musulmane, nous sommes déterminés à ne pas répéter cette tragédie et à ne pas abîmer le fruit une fois encore. » (pp. 154-155)
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Si le baasisme a souvent été qualifié d’idéologie séculière, il a aussi toujours reconnu l’islam en tant que religion majoritaire des Arabes et fondement spirituel de leur civilisation. Le fondateur du baasisme. Michel Aflaq fut le premier à évoquer la place de Mahomet dans l’héritage arabe et à souligner la centralité de l’islam dans la construction du nationalisme. L’islam, écrivait-il, se devait d’être admiré comme « un mouvement spirituel inséparable de l’histoire arabe et ayant permis sa renaissance ». Aflaq insistait sur l’opposition du baasisme à l’athéisme (ilhad). Dans le cas de l’Irak, nationalisme et islam (sunnite) sont demeurés étroitement imbriqués, y compris sous le règne du Baas. Après leur prise du pouvoir, les baasistes ont promu une idéologie laïque tout en se préservant d’une révolte par la reconnaissance de l’islam comme religion d’État. Puis le régime a nationalisé les commémorations religieuses en tenant ses propres rassemblements sur l’islam, autour des membres du parti, des oulémas sunnites et des chefs de tribus. Peu à peu, les restrictions imposées à la pratique religieuse ont été allégées pour ne pas aliéner les milieux traditionalistes.

Face à la montée de la République islamique chiite. Saddam Hussein lui-même avait adopté dès 1979 un discours religieux alors qu’il s’était auparavant fait le chantre de la laïcité en dénonçant tout ce qu’il percevait comme une atteinte à la modernisation de l’Irak. Au début de la guerre contre l’Iran, il n’avait pas hésité à se présenter comme le pieux héritier de Mahomet et comme le Saladin des temps modernes. En 1989, le régime annonçait la disparition d’Aflaq, inhumé à Bagdad, en soulignant qu’avant sa mort le père du baasisme s’était converti à l’islam et que ce choix devait alimenter une réflexion politique. Usé par des années de guerre, Saddam Hussein opérait un revirement idéologique encore plus net en se tournant vers l’islam pour en faire une source alternative d'autorité. Parallèlement, une réislamisation de la société s’enclenchait par le bas, suscitée par le repli des Irakiens sur la foi et savamment exploitée par le régime.

En 2003, Saddam Hussein considère que les Arabes et l'islam sont en crise et que Dieu a choisi l’Irak comme point de départ de leur réforme et de leur résurrection. Dans un discours prononcé le 6 septembre 1990, il a défini sa mission sacrée en ces termes :

« Les Arabe sont actuellement corrompus sur tous les plans, social, culturel, idéologique, politique et économique II n'y a pas de place pour pareille corruption. Si nous étions de vrais croyants, nous essaierions de réformer le peuple avec l'aide de Dieu afin de lui rendre un cœur bon et fidèle, servant l’islam jusqu’à ce qu’il renaisse et inonde l'humanité de sa lumière. » (pp. 89-90)
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Personnage entouré de mystère, Al-Baghdadi vient d'une famille arabe et sunnite qui se réclame d’une affiliation directe avec Mahomet. À partir de 2006, il s'impose comme l'un des chefs de file d'Al-Qaïda en Irak ; on suppose qu’il a rejoint la mouvance salafiste au milieu des années 1980, avant de quitter le pays en 1999 pour gagner l'Afghanistan où il s'est lié d’amitié avec Al-Zarqawi. Présent au Kurdistan en 1002, il ne rend public son retour qu’au cours de l’année 2004 et participe activement aux batailles de Fallouja en supervisant la rédaction des fatwas et les prises d’otages. Ses actes guerriers et sa connaissance intime du Coran seraient à l’origine de sa nomination comme prince du nouvel État islamique. Al-Baghdadi a signé plusieurs essais de propagande, parmi lesquels Pourquoi nous battons-nous, et contre qui et La Constitution des apostats, documents qui en disent long sur sa haine de l'Amérique et des chiites.

Dès l’annonce de sa proclamation, l'État islamique suscite l'incrédulité de la coalition étrangère. Les experts américains décrivent le Conseil des moujahidin comme une simple fiction, une organisation artificielle prétendant avoir remis la conduite du jihad à des irakiens mais qui reste sous le contrôle des étrangers. Al-Baghdadi est qualifié de pantin adoubé par Al-Zarqawi dans l’objectif d’entretenir l’illusion d’une lutte irakienne. En juillet 2007, une conférence de presse est organisée par le commandement militaire américain au cours de laquelle l'État islamique est présenté comme une instance virtuelle, pure chimère d’Al-Qaïda. D’après le général de brigade Kevin Bergner, l’Égyptien Al Mouhajir a même inventé l'existence d’Al-Baghdadi pour qu’Al-Qaïda cesse d’être perçue comme une structure étrangère ; les «ministères» et l'implantation géographique dont se réclame l'État islamique ne seraient qu'une illusion, à laquelle ne croient d’ailleurs pas les populations civiles. (pp. 151-152)
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Contrairement à une perception courante, les années d'embargo sous contrôle onusien n'ont donc pas affaibli le régime, mais lui ont étonnamment permis de se perpétuer. Les sanctions et leurs effets ont finalement permis à Saddam Hussein de rétablir son aura à l'échelle du monde arabe, en se présentant comme dernier rempart contre l'impérialisme du monde occidental et gardien du panarabisme face aux ambitions impérialistes des États-Unis. Dans le même temps, en ayant délabré son économie et mis à genoux sa population, l'embargo a porté le coup de grâce à l'Irak en tant qu’État. Après maintes déchirures et guerres, il a donné lieu à toutes les formes d'abus et de dérives (contrebande, criminalité, corruption), exacerbant une violence déjà palpable et qui ne demandait qu'à exploser. Cette période, conjuguée à l'histoire plus lointaine de l'Irak, n'est pas étrangère à l'anarchie qui suit immédiatement l'invasion militaire américaine de 2003. Au contraire, elle préfigure nombre des dynamiques du conflit à venir.
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Vidéo de Myriam Benraad
Myriam Benraad s?attaque aux oppositions phares qui structurent tout le discours de l?État islamique. À travers des revues, magazines, stations de radio, agences de presse, et en s?appuyant sur les outils digitaux, le mouvement jihadiste diffuse en plusieurs langues un discours de propagande abondant et sophistiqué. Une représentation du monde qui traduit moins un « choc des civilisations » qu?une crise radicale de la modernité. L?approche inédite de l?auteur permet de déconstruire l?idéologie du groupe pour mieux la combattre. Occident & Orient ? Civilisation & Barbarie ? Islam & Mécreance ? Jihad & Croisades ? Colonial & Décolonial ? Califat & Démocratie ? Humiliation & Revanche ? Tradition & Modernité ? Bien & Mal ? Pur & Impur ? Beauté & Laideur ? Paradis & Enfer?
Myriam Benraad est docteur en science politique, spécialiste du monde arabe et du Moyen-Orient. Elle est l?auteur de deux ouvrages de référence : Irak, la revanche de l?Histoire. de l?occupation étrangère à l?État islamique (Vendémiaire, 2015) et Irak : de Babylone à l?État islamique. Idées reçues sur une nation complexe (Cavalier Bleu, 2015).
http://www.armand-colin.com/letat-islamique-pris-aux-mots-9782200617882
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