AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,08

sur 599 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lorsqu'Amine intègre le Berkley College, dans le cadre d'un programme d'échange entre conservatoires de banlieue et grandes écoles américaines, il s'est juré de ne jamais revenir. Et il a tenu parole. Vingt-deux ans qu'il n'a pas revu son père, ni la cité de Trappes, croisant, en de rares occasions, ses soeurs, lors de concerts qu'il donnait à Paris. Mais, en ce mois d'avril 2022, son père décède, à l'âge de 84 ans. Un père absent, silencieux, qui s'est toujours tenu à l'écart de la vie et de sa famille. Pour faire plaisir à ses soeurs, Amine revient sur les lieux de son enfance pour quelques jours. Assister à l'enterrement puis les aider à trier ses affaires et vider son appartement. C'est là qu'il découvre, entre le coffrage et le sabot de la baignoire, une enveloppe contenant une quarantaine de cassettes audio, mentionnant chacune une année et un lieu. du magnétophone s'échappe alors une voix chaude et profonde, celle de son père s'adressant à son propre père...

Ce père taiseux, devenu un étranger, Amine, aujourd'hui pianiste de renommée internationale, va peu à peu le découvrir à travers ces bandes magnétiques. Grâce au son de cette voix chaude, méconnue à ses oreilles, va se dessiner le portrait d'un homme qui aura sacrifié une partie de sa vie. Immigré en France, pendant les Trente Glorieuses, pour y travailler, ce père, comme tant d'autres, a dû quitter son pays et sa famille, renoncer à ses rêves pour tenter d'aider au mieux ses propres enfants à réaliser les leurs et à leur offrir un avenir meilleur. C'est un choc pour Amine d'entendre ces révélations, loin de se douter de ce que son père a subi, a supporté, a sacrifié et laissé. Tous ces silences entre eux prennent alors tout leur sens. Comme un travail de mémoire et pour rendre hommage à son père, Amine va se lancer sur les traces de ce passé, un passé ignoré parce que tenu au secret. À travers le personnage d'Amine et de son père, Rachid Benzine dépeint, avec justesse, intelligence et beaucoup d'émotions, le sort de ces immigrés et de ces enfants d'immigrés, partagés entre cette volonté de perpétuer la mémoire et celle de s'intégrer dans un pays qui les aura vu naître. Un roman fort, intense et tout en pudeur...
Commenter  J’apprécie          680
Mémoires post-mortem.
A la mort de son père qu'il n'a pas vu depuis 22 ans, le narrateur découvre une collection de cassettes audio sur lesquelles son paternel consignait toute sa vie de jeune exilé.
Taiseux et aucunement démonstratif, c'est la redécouverte d'un homme et de ses propres origines.

Un livre très touchant et d'une grande dignité.

"C'est à la fois mon père et un étranger qui est mort."

S'adressant à son propre père resté au Maroc (donc le grand-père du narrateur), il parle comme jamais son fils ne l'a entendu "enfoncé dans son fauteuil et dans son silence" : l'exil, l'installation dans le Nord de la France, les difficultés de l'intégration, le travail d'ouvrier, les camps de harkis.
Politique et social, c'est une vie de non-dits ayant aussi une portée historique.
Comme si l'on retirait les oeillères d'un homme mais aussi celles d'un pays.
C'est ce qui en fait selon moi un grand roman.

Il arrive parfois que les pères ne sachent pas s'exprimer. Les fils non plus.
Comment renouer les fils d'une relation que l'on n'a pas vécue ?

Les enregistrements permettent petit à petit de mettre des mots sur l'histoire de ce grand inconnu.

Il n'est jamais trop tard pour combler les trous d'un passé que l'on n'a pas connu. le plus dur est de faire le premier pas et savoir entendre la voix de ces silences.

"Au fond, les enfants ne s'intéressent jamais à ce qu'ont été leurs parents."

C'est un très beau roman qui peut vous remuer aussi intimement qu'idéologiquement.
Commenter  J’apprécie          630
Billancourt, place Jules Guesde.
Années 2000, le fronton blanc avec les lettres peintes en noir : Renault. Les portes grises, je présente mon badge, je passe sous le porche et j'entre. Voilà de nombreuses années que ces bâtiments n'ont plus produit aucune voiture, pourtant dans les années 2000, Renault y avait encore de nombreux bureaux.
Sur la place, un grand rond-point circulaire, autour, plusieurs cafés, Les côteaux, le National, La brasserie du Parc …
Face au rond-point quelques bancs, les petits vieux sont là, fidèles au poste. Tous les jours je passe devant eux avant de franchir à nouveau le porche le soir avant de rentrer chez moi.
2024, le quartier a complètement changé. le porche a été repeint en gris pâle et porte la mention Liberté, Égalité, Fraternité et abrite le lycée Simone Veil, le petit hôtel miteux a disparu, les cafés populaires ont fermé les uns après les autres. le dernier bastion, le National ancien bar-tabac, vitres barbouillées de blanc désormais, a clos définitivement ses portes…
Mais les petits vieux sont toujours là sur les bancs, comme immuables. Ils devisent, palabrent, toujours fidèles au poste.
Alors en lisant le livre hommage de Rachid Benzine à son père, émigré marocain qui a passé toute sa vie dans les usines françaises, forcément, j'ai pensé à eux. Ce livre, c'est leur histoire, …
Ils ont rêvé d'une vie meilleure, enduré un déracinement qu'ils pensaient provisoire le temps de gagner assez d'argent pour subvenir aux besoins de leur famille pour ensuite rentrer au pays. Et puis finalement, ils sont restés en France, cet autre pays qui avait besoin d'eux pour se développer sans pour autant les accueillir à bras ouverts. Ils ont courbé la tête, pris ces jobs mals payés en serrant les dents, en reportant leurs espoirs de réussite sur leurs enfants.
Le narrateur n'a jamais réussi à dialoguer avec son père de son vivant, c'était un homme secret, mutique, perdu dans ses pensées, qui semblait sans affect. En vidant les affaires du père de son appartement après son décès, Amine trouve des cassettes audios envoyées par son père à son grand-père afin de lui donner des nouvelles, car ses parents ne savent pas lire. À l'aide de ces cassettes, le fils découvre qui était son père, et part à la rencontre des personnes qui l'ont connu. Ces témoignages, qui mêlent passé et présent m'ont touchée en plein coeur. J'ai été émue de la rencontre post-mortem du fils et du père, du temps à jamais perdu, des paroles qui ne seront pas échangées.
Un livre court et dense, qui mérite qu'on prenne le temps de le lire assis sur un banc en bonne compagnie …
Commenter  J’apprécie          6110
Comment faire le deuil d'une absence ? le père du narrateur s'est montré excessif surtout dans le mutisme durant sa vie, une existence résumée à deux dates en épitaphe, « et un immense vide entre les deux». Expliciter les sentiments du narrateur serait dès lors bien délicat, pour tout dire il ne le pleure pas car il ne l'a pas aimé, et ce n'est pas l'annonce de son décès alors qu'il est pleine tournée de pianiste qui risque de chambouler son retrait indéfectible de la vie familiale à Trappes, depuis 22 ans.
Rachid Benzine réussit ici le portrait en absence d'un exilé du Maroc durant les Trente Glorieuses, réfugié dans le silence et inerte à sa vie familiale à Trappes, un portrait saisissant d'obstination mutique avec la mort en parfaite relayeuse d'une vie pour laquelle il aura oblitéré « la parole, le bruit, le brouhaha, les ordres et les mots doux », laissant aux autres « les chants et les berceuses, car lui avait le silence et l'amertume. ». Avant que tout ne s'emballe par la découverte d'enregistrements audios, et d'une voix paternelle. Tout en demi-mesure, en sobriété et en délicatesse, le roman nous emporte dès lors dans les souffrances de l'exil (« comment la parole aurait-elle pu s'y frayer un chemin? ») et les non-dits, explore les pistes d'une réhabilitation et d'une renaissance paternelle, en nous prenant à revers dans les filets de l'émotion.

Un bien beau roman lu d'une traite, merci Célestine pour le conseil !

« Peut-être que la parole arrache brutalement au silence ce qu'il a gagné lentement. Et le galvaude à jamais. Et si le silence était notre dernier espace de liberté ? Là où s'appréhende notre savoir, ce que nous avons appris de l'existence. Se taire pour accéder au vrai, au beau, au juste ? »
Commenter  J’apprécie          5110
2022 - Amine, d'origine marocaine, est un pianiste de renommée internationale qui a coupé les ponts avec sa cité de Trappes, il y a vingt-deux ans.

Il doit revenir parce que son père est mort. Il ne se sent pas concerné : « c'est à la fois mon père et un étranger qui est mort ».

Peu à peu l'émotion le gagne. En tant que seul garçon de la fratrie, c'est à lui que revient, le devoir de faire la toilette mortuaire. Et, il découvre des cassettes que son père a enregistré entre 1965 et 2006, à l'attention de son propre père.

C'est un témoignage très douloureux qui le frappe de plein fouet : « Son exil avait représenté la plus lourde des malédictions, je l'entends dans sa voix. Cette voix brisée. En le coupant de son monde, on l'avait coupé du monde ».

Amine décide de suspendre sa tournée pour aller rencontrer les amis survivants de ce père qu'il a abandonné, sans le savoir, pour de mauvaises raisons, parce qu'il était taiseux, qu'il semblait insensible, alors que c'était tout le contraire, il s'était sacrifié pour assurer l'avenir de ses enfants. Il suivait de près, et avec fierté, la carrière de son fils.

Tragique destin que celui de ces travailleurs immigrés marocains des Trente Glorieuses.

« Mon père […] en entendant les notes soutenues, il saura que ses silences auront ému le ciel ». (Fin)

Ce récit m'a profondément émue.
Commenter  J’apprécie          3911
Ce roman de Rachid Benzine : Les silences des pères, m'a touchée à la fois par le rappel salutaire d'événements historiques sur lesquels le vent de l'histoire est passé bien vite et qui ont disparu de la mémoire collective, et aussi par la présence d'un personnage, Ahmed Chehlaoui, dont la trajectoire de vie dans le roman, nous les rappelle, à chaque page tournée, tant fut douloureuse l'existence de cet homme venu de son Maroc natal, des rêves plein la tête et qui finira son existence à Trappes en 2022, dans une de ces grandes cités construites à la hâte dans les années 70 pour loger tous les travailleurs immigrés que la France avait "généreusement" accueillis pour mieux les exploiter...
C'est à travers le regard de son fils, le narrateur du roman que nous allons partir à la découverte de cet homme. Un regard très distancié, au début du roman, qui associe le retour du fils, devenu un pianiste concertiste de renommée internationale, à la mort de ce père qu'il n'a pas revu depuis vingt-deux ans. Un regard également sans concession pour lequel le mutisme du père est une réponse à la douleur de l'exil et à la nostalgie de la terre natale. Une sorte d'exil intérieur qui n'a jamais quitté cet homme et qui, selon le narrateur, l'aurait coupé de la famille qu'il a fondé en France. C'est donc ce personnage qu'il nous fait découvrir au travers d'évocations sans affect et qui se limitent au constat de fait : "C'est à la fois mon père et un étranger qui est mort". Il va falloir une découverte, celle de cassettes enregistrées que son père envoyait à sa famille restée au Maroc et celle de l'évocation d'un ami, Driss Fnine, pour le sortir de son détachement apparent et faire qu'il va se lancer dans une véritable enquête dont il ne sortira pas indemne...
Car c'est bien d'une enquête qu'il s'agit. Elle va conduire le narrateur à la découverte des compagnons d'infortune que son père a côtoyés durant ses années de dur labeur dans les mines, les cimenteries et sur le travail à la chaîne. Et c'est un tout autre homme que son fils va découvrir : courageux, solidaire, meneur de troupes, engagé, il se révèle également au fil des témoignages comme un homme qui avait un sens artistique développé, qu'il a cultivé dans la musique et le cinéma. Sur le plan de l'intime, les cassettes envoyées à sa famille vont être la source de bouleversements émotionnels pour la narrateur, lorsqu'il va découvrir, par exemple combien la mort de son fils aîné Ibrahim a été pour son père un incommensurable chagrin qui l'a conduit aux portes du désespoir et qui a probablement ravivé un premier traumatisme, celui de n'avoir pu épouser, une Française, Paulette par respect pour les lois familiales...
On est donc aux antipodes de ce personnage lointain et absent qui nous était présenté au début du roman par le narrateur qui va d'ailleurs découvrir en dernier lieu combien ce dernier l'admirait et suivait tous ses concerts.
J'ai donc suivi pas à pas ce personnage très attachant et emblématique, à travers les récits de ses amis, d'une certaine époque dont il n'y a pas lieu d'être fier... Un seul regret cependant, c'est de n'avoir pu suivre avec le même intérêt les bouleversements que toutes ces révélations avaient induits dans la psyché du narrateur qui reste, à mon goût très en retrait dans tout le roman. Et ce n'est pas le dénouement très rapide et un peu convenu qui a comblé ma frustration... Un bémol qui n'efface pas le bel hommage à la filiation et à la reconnaissance de ses origines...
Commenter  J’apprécie          365
« La douleur de l'exil »
Cette lecture m'a révoltée.
Comment peut-on, sous prétexte d'embaucher des ouvriers pour reconstruire la France, préparer un marché aux esclaves, les considérer comme du bétail qu'on marque, exploiter cette main-d'oeuvre précaire, oublier ces harkis qui ont choisi la France ?
L'auteur a su raconter ces horreurs sans rancoeur, sans haine, comme le "héros" de cette histoire, venu en France pour aider sa famille dans le besoin.
Un court récit qui marque.
Commenter  J’apprécie          342
Allo, papa bobo ! Une variation de plus sur le thème des relations père/fils, sur ces tiroirs secrets que l'on découvre dans les familles ? Oui, sans doute et alors ? Cette histoire est tellement bien écrite que l'on accepte bien volontiers de la considérer comme plausible. Ce n'est pas forcément tous les jours agréable de se dire que l'on vieillit et pourtant il existe quelques avantages. Par exemple de constater que la vie vous offre tellement de rencontres, de situations « que l'on ne voit que dans les films » « que l'on ne lit que dans les livres ». C'est pour cela que l'on ne tique pas devant ce fils, Amin pianiste virtuose, qui tombe sur des cassettes miraculeusement conservées. Des cassettes enregistrées par son père, un « blédard » qui écoute Keith Jarrett (aussi talentueux sur une scène que connard dans la vie NDLR) et qui est dans le monde professionnel aussi lumineux que taiseux dans sa vie de famille. le cadre de l'histoire, cette France des « trente glorieuses », est en revanche parfaitement conforme à ce que "nous" avons connu, autre point dont on créditera Saturne ! Inutile de rajouter plus d'exemples, le livre est court et révéler trop de détails sur le parcours peu commun de cet homme serait indélicat. En refusant de prendre les gens ternes pour des messies (Magyd Cherfi), Amine est-il passé à côté de son père ? L'un des charmes de ce livre est de ne pas répondre à cette question… Et le bruit que fait la dernière page quand elle se tourne, c'est encore du silence… Allô Papa Tango Charly Répondez, nous vous cherchons !
Lu dans le cadre du Prix des lecteurs des bibliothèques du Lodévois-Larzac -
Commenter  J’apprécie          330
Un récit émouvant sur une quête des origines qui débute soudain au décès du père. le fils, de retour pour l'enterrement après des années de non-dits et de silence. le point de départ, ce sont des cassettes qui permettent au fils de découvrir des pans surprenants de la vie de son taiseux de père. La construction du roman est très intéressante, la lecture des cassettes dans l'ordre chronologique entraîne le fils sur des pistes à la recherche de personnes qui ont connu ce père. La musique se révèle, de façon étonnante, un lien plus profond que ce que le fils soupçonnait entre lui, devenu pianiste professionnel, et son père, ouvrier immigré. Un très beau roman, tout en sobriété.
Commenter  J’apprécie          330
A la recherche de la musique entre les silences de son père…

Le narrateur, pianiste concertiste, vient d'apprendre la mort de son père.
Un père plein de silences assourdissants. D'un mutisme intrigant.
Mais qui était-il vraiment ce père arrivé en France en 1965 depuis son Maroc natal.
« le silence résonne. Et mon père emplit chacune des pauses ».

De l'incompréhension aux interrogations, le fils va se retrouver sur les traces d'un père dont il s'était éloigné et qu'il se surprend de découvrir autrement.
Et alors, tout fait sens pour lui et c'est la musique intérieure de son père qui va l'atteindre.

« Et si le silence était notre dernier espace de liberté ? Là où s'appréhende notre savoir, ce que nous avons appris de l'existence. Se taire pour accéder au vrai, au beau, au juste ? »

Des mines de charbon du nord de la France aux camps de harkis dans le sud, en passant par les usines d'Aubervilliers, le fils entend alors les silences de son père, leurs significations, leurs poids.
Il réalise qu'il n'avait pas les clés pour décoder les silences de son père provoquant incompréhension et éloignement, et qu'en réalité il ne le connaissait pas.
Mais connaît-on jamais assez nos parents ?

Une réflexion sur la transmission, la relation père-fils, l'exil, les non-dits, et avec l'expression d'une dignité et d'une pudeur touchantes et prégnantes dans l'histoire de ce roman.
*
« La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer ce silence. » (Miles Davis).
*
Commenter  J’apprécie          235





Lecteurs (1301) Voir plus



Quiz Voir plus

Famille je vous [h]aime

Complétez le titre du roman de Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon _ _ _

chien
père
papy
bébé

10 questions
1431 lecteurs ont répondu
Thèmes : enfants , familles , familleCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..