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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce livre a pour moi une histoire, indépendamment de son contenu. Je l’ai déniché dans la boîte à livres de Millau alors que nous étions engagés, mon compagnon et moi, dans de grands changements. Déménagement, installation commune, démarches pour sa retraite… Une année a passé, notre nouvelle petite vie s’est enfin stabilisée, et je me décide à ouvrir cet ami feuillu qui est resté depuis ce temps posé prés de mon lit.

« La connaissance de soi a été une donnée constante de ma vie. » (24)

« J’ai voulu me connaître et aussi me transformer. » (25)

Pas d’idées préconçues sur ce livre et une histoire personnelle jusque-là très ténue avec Nina Berberova, le ton singulier de ses premiers mots m’a vite happée. L’écriture fine, exigeante, racée, est au service d’une incroyable clarté d’esprit. Sa mémoire est précise, son regard lucide. Si on y perd en chaleur, ce dépassement de la sentimentalité fait gagner en force mentale. On se sent parfois petit face à elle. Face à ce caractère qui a transcendé famine, « vie de catacombe », visions d’Apocalypse.

« Nous avions une émigration minable, triste, provinciale, des livres, des bordels, des histoires russes : il n’en reste rien. Ma génération sera tuée à la guerre et les vieux disparaîtront sans tarder. » (421)

Née russe en 1901, il fallait se la manger, cette première moitié de XXe siècle ! J’en retiens essentiellement l’effervescence littéraire qui liait ces gens dont elle dresse le portrait d’une manière bien à elle, en guise d’hommage contre l’oubli. Ces écrivains, ces peintres, tous exilés, qui se côtoient, se stimulent, se perdent de vue à travers des relations dictées par l’Histoire. Le sérieux avec lequel ils considèrent la littérature, lui dédient leur vie, dans un bras de fer violent avec un pouvoir politique destructeur et sournois. Une littérature pleinement vécue, dans la chair, dans le réel, comme partie intégrante de l’expérience quotidienne. Accessible aux fous, aux déséquilibrés, aux mal-adaptés.

« J’ai aspiré à la solitude dès mon jeune âge. Rien n’était plus affreux pour moi que de passer une journée entière en compagnie d’une autre personne sans pouvoir être seule avec mes pensées, rester libre de mes actes, lire ce qui me tombait sous la main. » (43)

Mais aussi le récit d’un enfance décliné avec la conscience de la globalité intérieure de sa vie. D’une manière dont j’aimerai pouvoir reconsidérer la mienne. Mais aussi des carnets d’occupation torpillés de solitude et de tristesse. Mais aussi la vaste plénitude de l’espace américain.

« J’ai toujours rêvé de parvenir à la maturité avant de mourir. » (245)

C’est une autobiographie d’une grande maturité humaine, d’une dignité intérieure à l’aise dans le monde, témoignage d’une « vie authentique et responsable ». Au-delà de la dureté des faits, de la poigne parfois intimidante de l’auteur, j’espère y avoir puisé un peu de cette force transcendante, de « ce sens aigu du réel ».
Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Plus qu'une autobiographie de l'auteure, qui ne s'épanche jamais sur ses sentiments intimes, ce livre raconte simplement la vie des intellectuels russes exilés en Europe après la victoire des Soviets en 1917. Nina Berberova en fit partie avec son mari le poète Vladislav Khodassevitch. Il y a une légende dorée sur l'exil de ces "privilégiés" , pas tous aristocrates loin de là, qui sont devenus à Paris veilleurs de nuit, chauffeurs de taxi, ouvriers chez Renault. Légende dorée véhiculée, entre autres et à leurs corps défendant par des écrivains comme Joseph Kessel , russe lui aussi, dont les frasques dans les cabarets russes étaient célèbres. Nina Berberova dans " C'est moi qui souligne" ne mange pas de ce pain là : s'empiffrer de zakouskis au son des violons tziganes et jeter son verre de vodka une fois vidé c'est pas le genre de la dame ! Nina n'aime pas le lyrisme, les nostalgies recuites ( ce qu'elle reproche à Bounine , lui aussi exilé à Paris) , les apitoiements larmoyants, les réunions d'anciens combattants (pages cruelles sur Kerensky , l'homme politique SR évincé par le coup d'état de Lénine). C'est une fonceuse et une pragmatique qui ne s'embarrasse pas de circonvolutions : elle affirme par exemple haut et fort que les aristos et les bourgeois tsaristes n'ont eu que ce qu'ils méritaient ! pas de lamentations sur " l'âge d'or" , sur le "bon temps" ; et pourtant la vie en exil n' a que peu à voir avec ce que cette jeune femme issue de la haute bourgeoisie tsariste a pu connaître dans son enfance et son adolescence dans la Russie d'avant 17. Dans le Paris de l'entre-deux guerres, Nina Berberova ne devra compter que sur elle-même, sur de rares amis, et sur sa connaissance du français , pour "faire bouillir la marmite" . Nombreux petits boulots de secrétariat pour des revues russes confidentielles, traductions payées à la page, et même travaux de couture ( l'avantage de l'éducation soignée que l'on donnait en Russie aux jeunes filles de bonnes familles ) ! Et tout cela en continuant d'écrire poésies et nouvelles. En 1951 Nina Berberova quitta la France et émigra aux USA. C'est certainement la partie la moins intéressante de son livre. Là-bas les facilités américaines lui ouvrirent les portes des universités où elle pu enseigner la littérature russe.
Son livre vaut donc surtout pour la description de la vie quotidienne de l'émigration russe à Paris. Malheureusement l'abondance des noms d'intellectuels russes cités dans le livre accableront peut-être le lecteur peu au fait de l'histoire culturelle de ce pays. A part quelques figures de proue de l'intelligentsia (Akhmatova , Isaac Babel,Andrei Bely,Bounine, Alexandre Blok....) beaucoup de noms m'étaient totalement inconnus ; et je ne parle pas des cercles de poèsies , tel le mouvement Acméiste, ou l'Ecole des Formalistes ! d'ailleurs il est piquant de voir à la lecture du livre de Berberova les querelles picrocholines entamées à Saint-Petersbourg et perdurant à Paris dix ans après l'exil !
Cette abondance de noms inconnus de nous, pour la plupart, a contraint l'éditeur à mettre un index à la fin de l'ouvrage ; ce qui ne facilite pas la fluidité de la lecture si l'on veut à tout prix savoir qui était Ivan Volnov ou Vladimir Tatline ! l'on peut cependant passer outre, et il restera le plaisir de savourer la prose de l'excellente conteuse russe.
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Cette autobiographie est un hymne à la culture russe, aux auteurs russes. A la littérature toute entiere.
Comment ne pas être fasciné par ses clichés en noir et blanc, ses flashes entre deux pages, d'une June au bras d'Henry Miller, aperçus, croisés.
Comment ne pas en redemander encore, de ces phrases brillamment écrites, quand à chaque tour ou détour, se découpent la silhouette de Maiakovski, Akhmatova, Gorki, Blok ou Nabokov.
Et on tourne les pages en retenant son souffle, sur la pointe des pieds, pour ne pas les effrayer ces fantômes-la qu'on admire tellement et dont on approche dans le regard de Nina Berberova.
Rythmique parfaite de chaque phrase, en bonne poète. Pas un mot de trop, pas une phrase inutile. Ce n'est pas vraiment sa vie qu'elle raconte, ou alors dans les grandes lignes.
On est là, bien calé dans sa pupille, et on assiste à l'agonie d'une certaine Russie, de son art, de son talent, le communisme tue, indirectement au pas. On arpente les rues de Paris, pauvres, affamés, le ventre est creux peut-être, mais la tête est pleine, d'idées, de combats, d'envies. Une autre Bohême, celle du début du XXe siècle, quand c'est plus facile d'être russe et chauffeur de taxi en France, que de faire entendre le cri d'une intelligentsia qu'on bâillonne jusqu'à l'asphyxie.
Amoureux de la poésie, de la culture russe, des jolies phrases qui ne se donnent pas de grands airs, ne passez surtout pas votre chemin ! Nina Berberova souligne et ne se trompe pas d'essentiel.
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J'avais commencé cette lecture il y a quelques années mais l'avais abandonnée pour diverses raisons, dont celui du propos, quelque peu obscur pour une néophyte. Par la suite, certains livres m'ont amenée de nouveau vers Nina Berberova, une femme de lettres russe, exilée dès le début de la révolution bolchevique en Russie (Berlin, Paris puis New York). J'ai eu envie d'en connaître un peu plus sur cette femme, témoin d'une époque échevelée, et qui a vu s'étioler et mourir nombre de ses compatriotes. Dans ses souvenirs et impressions, on part à la rencontre d'une communauté d'émigrés composés d'hommes politiques déchus, de poètes et poétesses, qui se sont retrouvés à Paris, entassés à plusieurs dans de petites chambres de bonnes mansardées, à contempler les toits de la ville, à boire du thé et à déclamer des poèmes. Désargentés pour la plupart, souffrant d'exclusion, le pessimisme régnait en maître. Mais pour, Nina Berberova, pas question de se laisser aller; c'est donc le portrait d'une femme forte et cultivée qui nous parle franchement dans cette autobiographie écrite en français dans les années 1960.
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Pas très facile à lire, mais très intéressant
Pour public motivé par la "slavitude"
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