Livre lu dans le cadre de la sélection "Masse Critique" - Merci à Babelio et aux Editions
La Bouinotte pour leur confiance.
Simon et Iréna, des vies françaises sous la 3e République.
Derrière le titre d'un pseudo roman d'aventures, c'est la déportation et l'exil réservés aux condamnés "Communards" que
Jeanine Berducat* évoque.
Historiquement, la Commune de
Paris reste la dernière insurrection d'une population ouvrière miséreuse contre le gouvernement issu de l'Assemblée nationale, à majorité monarchiste, favorable à la paix avec les Prussiens vainqueurs de la guerre contre la France de
Napoléon III.
Les Communards (ou fédérés) refusent de capituler et se révoltent pour plus de justice sociale, d'égalité et de liberté.
La répression finit dans un bain de sang et les communards rescapés sont fusillés, déportés, ou au mieux exilés. Rappelons que les combats ont faits au moins 20 000 morts côté Communards et 3 800 déportés vers les bagnes de la Nouvelle-Calédonie.
Ces condamnations sont prétexte pour l'autrice d'aborder la vie du monde paysan/ouvrier entre 1871 et 1881, d'évoquer les grandes pêches dangereuses "à l'Islande", de rappeler les débuts meurtriers de la 3e République, mais aussi de mettre en scène quelques grands noms de la politique, de la culture et de la société de cette époque, comme
Victor Hugo,
Louise Michel,
Henri Rochefort, Édouard Vaillant, Gustave Courbet... qui se sont battus aux côtés des Communards et participent ensuite à établir le suffrage universel, la liberté d'opinion et d'expression, l'école gratuite pour tous…
Les évadés de l'Île de Ré nous plongent d'entrée dans l'épisode historique de la dernière semaine de
l'insurrection parisienne, appelée aussi "la Semaine sanglante".
Simon Parot est l'un de ces Creusois "Limousinant" qui embauche temporairement – comme des milliers de "paysans maçonnants" – en avril 1871 à
Paris sur un chantier comme maçon. Entraîné sur l'une des nombreuses barricades de la Commune, il se retrouve armé d'un fusil et tue un soldat du camp adverse. Arrêté, il est emprisonné à Neuilly puis à Saint-Martin-de-Ré, jugé et condamné à être déporté en Nouvelle-Calédonie. Au cours de son transfert par bateau à La Rochelle, il s'échappe. On le porte ainsi disparu.
Il est recueilli par Iréna et sa famille, sauniers à Ars-en-Ré.
Dès lors, pour rester en vie, Simon Parot devient Simon Bertaud, saunier, natif d'Ars-en-Ré. C'est un travailleur de la mer, soit dans les marais salants, soit comme "islandais", ces pêcheurs qui embarquent pour les campagnes d'été, de fin février à septembre, destinées à pêcher la morue au large de l'Islande.
Privé de son identité, il lui est impossible de rentrer chez lui. C'est au moment où il risque d'être arrêté par les gendarmes qu'il décide de s'exiler, avec sa compagne Iréna, à Guernesey, dépendance de la Couronne britannique. Il y retrouve
Victor Hugo, dont il a fait la connaissance, quelques temps auparavant, au retour d'Islande. Désormais, le couple travaillera au service de l'écrivain à Hauteville House. Simon attendra l'amnistie des Communards à l'été 1880 pour rentrer en France, retrouver sa famille et se marier.
Les évadés de l'Île de Ré constitue un récit romanesque à mettre entre toutes les mains. Surtout celles des préados et ados, entre 9 et 15 ans. Son style littéraire est très abordable et très pédagogique (un peu désuet pour moi). C'est un bon livre pour permettre aux jeunes d'aborder de multiples sujets sociaux et culturels : les idées de la Commune de
Paris – la société française de la fin du XIXe siècle (travail, inégalités, pauvreté, misère, monde ouvrier, monde paysan, etc.) – l'oeuvre littéraire majeure de
Victor Hugo et son combat politique –
Louise Michel, institutrice, écrivaine, militante anarchiste, féministe, femme dans son siècle. ETC.
* rappelons que
Jeanine Berducat est enseignante, fille et mère d'agriculteurs.