L'imposture /
Georges Bernanos
L'abbé Cénabre reçoit M. Pernichon , un habitué, en confession. Ce dernier rédige régulièrement la chronique religieuse d'une feuille radicale, subventionnée par un financier conservateur, à des fins socialistes, et ce qu'il a d'âme s'épanouit dans cette triple équivoque ; il en épuise la honte substantielle avec la patience et l'industrie d'un insecte. Il avait en son temps cru en une vocation sacerdotale et jusqu'au bout il a joué la comédie de façon à demi-consciente.
L'abbé Cénabre consacre beaucoup de temps à un modeste travail d'historien et annonce à Pernichon que désormais, il lui faudra recourir, pour la matière du sacrement, à un autre prêtre, se réservant toutefois la faveur de lui prodiguer des conseils à sa demande.
L'abbé Cénabre en vérité perd la foi et ne reste fidèle que par orgueil à sa foi d'antan dont il semble parfois avoir perdu jusqu'au souvenir. Son ambition ne va pas plus loin que séduire et sa vie a une clef infaillible : une hypocrisie presque absolue.
M. Pernichon est un petit homme dont la vie intérieure est trouble, équivoque et malsaine, vouant une haine féroce à l'opprimé et un ignoble amour pour le vainqueur. Chrétien médiocre, folliculaire ambitieux, il admire inconditionnellement le chanoine Cénabre qu'il considère comme un être supérieur sur le plan de l'intelligence.
Après avoir écouté le pénitent en silence, l'abbé manifeste une certaine raideur impitoyable jusqu'au moment où Pernichon s'enfuit.
L'abbé, en vérité, ne croit plus depuis longtemps et en pleine nuit, il appelle l'humble abbé Chevance, ancien curé de la paroisse de Costerel sur Meuse, aujourd'hui destitué. Il dit vouloir se confesser, mais son véritable but, inavouable, est de se moquer de la naïveté de l'abbé Chevance qui finit par s'en aller refusant de confesser le chanoine car en désaccord avec lui sur des points essentiels.
Alors débute pour l'abbé Cénabre un délire introspectif plein de fièvre allant jusqu'à l'idée de suicide au cours d'une crise mystique et au terme d'un profond désordre intérieur lui faisant rencontrer Satan.
Il faut bien reconnaître que cette première partie du roman est d'un abord assez difficile, dénuée de véritable intrigue, se présentant comme une longue réflexion sur la sincérité de la foi, mettant en opposition des personnages très différents, principalement Cénabre et Chevance.
J'ai eu bien du mal à aller au terme de cette lecture, surtout de la deuxième partie qui n'est qu'une longue conversation entre divers protagonistes rencontrés dans la première partie pour une part et de nouvelles têtes pour une autre part, et c'est seulement pour la grande qualité de l'écriture que j'ai persisté.
La troisième partie nous fait rejoindre l'abbé Cénabre de retour d'un voyage en Allemagne et qui, finalement, ne voit pas le péril de la dissimulation de la perte de sa foi ; il n'en sent pas la honte non plus et comme si de rien n'était continue de célébrer la messe, renouant ainsi avec les habitudes anciennes tout en se livrant à une introspection permanente.
« L'abbé Cénabre goûtait une certaine espèce de honte, et il n'en éprouvait aucune peine, il s'y délivrait doucement. Il la goûtait sans arrière-pensée, tout à
la joie d'échapper pour un moment à son perpétuel tête-à-tête, la silencieuse et tragique confrontation ; »
Dans une ultime partie, on retrouve l'abbé Chevance qui, en pleine tourmente, réfléchit au devenir de l'abbé Cénabre avant que les deux prêtres ne s'affrontent parfois violemment, une dernière fois pour régler leurs comptes comme dit ce dernier.
Ce roman est une oeuvre qui invite à réfléchir sur certaines futilités de l'existence se plaisant dans un matérialisme rudimentaire où les apparences jouent un rôle de premier plan. le péché, le combat du Bien et du Mal, la rédemption et le salut sont au coeur du livre qui ressemble plus à un essai qu'à un roman.
Une oeuvre sombre, riche de longues réflexions parfois difficiles à suivre. En bref, je pense que c'est un livre d'une autre époque et qui parle difficilement à nos vies d'aujourd'hui.