Mais Goya, fuyant les persécutions politiques, est venu en 1824 se réfugier en France, et on sait qu'il est resté à Bordeaux jusqu'à sa mort en 1828. Il aurait été naturel que le vieux peintre, toujours actif, exerçât quelque influence sur les artistes bordelais, et on aurait pu croire que, pendant son séjour, allait se créer sous sa direction une école où serait née la peinture moderne. Il n'en fut rien. L'artiste avait beau être lié avec les peintres de la ville, il n'eut aucune aélion sur eux. Ils l'écoutaient avec respect, recueillaient ses mots et ses boutades, mais n'admiraient guère ses oeuvres auxquelles ils reprochaient sans doute un accent caravagesque.
Goya a écrit « le sommeil de la raison enfante parfois des monstres » mais une note manuscrite complète ainsi sa pensée : « la fantaisie sans la raison produit des monstruosités, unies, elles enfantent de vrais artistes ». Ce qui prouve bien que son imagination se complaisait à ces sujets, peut-être aussi par suite de l'isolement moral où le tenait sa surdité.
C'est que Goya appartient à la lignée des grands peintres qui ont parlé tout naturellement le langage de la gravure. Aussi et malgré tout ce qui les différencie, ne peut-on regarder les eaux-fortes de Goya sans penser à celles de Rembrandt.
L'oeuvre gravé de Goya est un miroir où se reflète fidèlement le génie du grand peintre. Son tempérament ardent, la fougue de sa pensée, sa maîtrise de la couleur éclatent, en effet, dans ses eaux-fortes si chaudement lumineuses.
Où trouve-t-on des lignes dans la nature, disait Goya. Moi, je n'y vois que des corps éclairés et des corps qui ne le sont pas, des plans qui avancent et des plans qui reculent, des reliefs et des enfoncements.
La bibliothèque Bnf de l'Arsenal.