On dit souvent que minuit est l'heure du crime, quelle que soit la saison ;
Marguerite Duras choisit ici
dix heures et demie du soir en été pour être celle de la révélation pour Maria. Celle de l'infidélité de son mari Pierre avec leur amie Claire, avec laquelle ils partagent des vacances en Espagne, et qu'elle surprend depuis le balcon de l'hôtel où ils se sont réfugiés, frappés par un orage sur la route de Madrid.
Dix heures et demie du soir est aussi l'heure où Maria, depuis le même balcon, aperçoit Rodrigo Paestra, qui fuit la police de cette petite ville anonyme, après assassiné sa femme et son amant, dont il a surpris l'étreinte. Si la symétrie de ces deux situations adultérines est évidente, Rodrigo Paestra planant sur le roman comme une espèce de double maléfique, le destin du couple formé par Maria et Pierre diffère un peu puisque le roman se concentrera sur sa mort, certes, mais par délitement.
Maria, narratrice du roman, voit bien que son mari s'éloigne, et la question qu'elle se pose n'est plus de savoir si l'adultère sera bien commis, mais quand. Une tension s'installe donc entre les membres de ce trio pratiquant le double jeu, le couple en devenir formé par Pierre et Claire ne se doutant pas que Maria est au courant (et vice-versa), bien qu'elle tente de s'immiscer comme elle le peut dans leur désir.
L'écriture plate et objective choisie par
Marguerite Duras a souvent fait penser à la critique qu'il appartenait au « Nouveau roman », malgré que l'autrice s'en soit défendue. Il est vrai que son écriture plate, neutre et objective, le manque de caractérisation des personnages, le point de vue narratif est assez changeant aussi bien du point de vue du personnage que de la temporalité du récit, sont assez similaires. J'ai d'ailleurs un sentiment assez mêlé pour cette narration, propre à l'autrice, car je me suis souvent sentie perdue dans les méandres de la réflexion de Maria. Curieuse sensation que de ne rien comprendre à sa lecture ! Mais ce flou qui confine parfois à l'irréalité sied bien à cette brève histoire de couple qui se perd dans les débuts d'une autre histoire.