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EAN : 9782081504394
320 pages
Flammarion (09/09/2020)
4/5   25 notes
Résumé :
L'histoire débute à la fin du XIXe siècle. Persuadés d'avoir retrouvé en Afrique la nature disparue en Europe, les colons créent les premiers parcs naturels du continent, du Congo jusqu'en Afrique du Sud. Puis, au lendemain des années 1960, les anciens administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux. Il faudrait sauver l'Eden ! Mais cette Afrique n'existe pas. Il n'y a pas de vastes territoires vierges de présence humaine, et arpentés seulemen... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Excellente étude, dont le principal mérite est de révéler la filiation coloniale des politiques publiques de conservation de la nature sur le continent africain, et en particulier en Éthiopie. Ces politiques se traduisent par une violence sociale et politique, menant à des déplacements forcés de population et des drames humains. Institutions internationales, Unesco en tête, ONG et fonds internationaux comme l'UICN ou le WWF, experts internationaux en prennent pour leur grade, de façon très documentée par les fonds d'archives éthiopiens.

Guillaume Blanc a choisi l'environnement car il en est spécialiste, mais un autre champ d'études (agriculture, énergie, culture…) aurait certainement conduit à des conclusions très proches : l'expertise est construite sur un savoir que l'autre, l'expertisé, est censé ne pas avoir. En conséquence, la traduction de ce savoir en pouvoir (en politique publique), ne peut se faire que contre la volonté de cet « autre ». L'expertise étant toujours au service de l'État (éthiopien ici), qu'elle conseille et qui, lui, s'en sert pour légitimer son action, elle se fait donc « contre » les intérêts des habitants de ces espaces.

En somme, le néocolonialisme, la surpuissance et la déconnexion des institutions internationales des réalités locales sont une nouvelle fois démontrées. le deux poids deux mesures également, quand l'agro-pastoralisme est l'ennemi de la nature en Éthiopie mais la raison d'être du classement à l'UNESCO des Cévennes. Elles ne sont hélas pas une nouveauté.

L'essai est radical et renvoie in fine aux raisons pour lesquelles la nature doit être « conservée ». L'auteur veut trouver la raison principale dans le maintien d'un mythe d'origine colonial : l'existence d'un Éden africain, entretenu aussi bien par les institutions internationales que les industries des loisirs ou du tourisme, médias et production cinématographiques en tête.

De mon point de vue, l'ouvrage atteint ses limites en se focalisant trop sur cette raison censée fournir la matrice des recommandations des experts internationaux. Il y perd, et ne s'épargne pas, à chaque étape du récit chronologique, des répétitions. Ce faisant, il laisse complètement de côté d'autres considérations qui auraient pu être importantes : enjeux géopolitiques et lutte de pouvoir (y compris dans la définition des normes de conservation) face à des acteurs nationaux, comme la Chine, ou des acteurs non-étatiques, parfois criminels (braconniers, trafics) ; enjeux de contrôle de territoire et de politique intérieure sur une région (le Simien) qui change de main à plusieurs reprises dans les deux dernières décennies du 20e siècle.

Une autre faiblesse de ce livre, est l'absence d'explication des activités agro pastorales pratiquées dans le parc national du Simien. Incompréhensible alors que l'auteur critique fortement experts et consultants qui n'y passeraient que quelques jours et ne connaitraient pas cet espace. Hormis la mention d'élevage de bovins, de chasse (de « résistance ») à l'ibex, l'auteur n'aborde jamais cette question. Que cultive-t-on sur les hauteurs ou les piémonts ? sur les terrasses ? Les lentilles sont mentionnées une fois en fin d'ouvrage. On aurait aimé en savoir plus.

Enfin, sorti du contexte éthiopien, les généralisations sont pour certaines assez faibles. Guillaume Blanc sous-entend que les chiffres sur la déforestation en Afrique sont exagérés, affirmant que les populations déboisent et reboisent au gré des activités économiques qu'elles pratiquent. Cette analyse très rapide évacue largement des contextes comme ceux, par exemple en Côte d'Ivoire ou au Ghana, où il y a réelle déforestation (activités minières notamment), et parfois reboisement… par des cultures de rentes (cacao, palmier, hévéa). Certes, l'homme fabrique des « paysages », et continue à vivre sur place. Mais la satisfaction d'intérêts étrangers, la violence sociale des plantations, est-elle si éloignée de la mise en parcs ?
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350 parcs naturels en Afrique. Beaucoup reconnus au titre du patrimoine mondial de l'UNESCO dont le concept date de 1972. Leur création a été rendue possible par l'expulsion d'un million d'Africains. Notre culture, jusqu'au Roi Lion de Disney, qui trouve son origine dans d'autres productions culturelles beaucoup plus tôt dans le siècle, est imprégnée de l'image d'une nature sauvage grandiose, a priori vide d'hommes, pourtant en péril, menacée, nécessitant une protection absolue. Aux Etats-Unis, les parcs naturels se sont construits sur la volonté de préserver ce qui serait le seul patrimoine authentique d'un Etat neuf et dans la négation des sociétés amérindiennes. En Europe, on valorise d'abord des territoires ruraux où le pastoralisme est défendu comme une source de valorisation des espaces. En Afrique, ces mêmes pratiques agricoles sont présentées comme une source de dégradation environnementale, de même qu'on attribue, de manière finalement fausse, aux paysans africains déforestation et désertification.
Guillaume Blanc démontre par les archives, s'appuyant beaucoup sur le cas éthiopien, combien ces représentations et ces pratiques qui visent pour l'essentiel à éliminer les habitants de la gestion de la nature sont nées à l'époque coloniale, beaucoup en lien avec les pratiques de chasse, ont perduré avec les indépendances, d'abord car des acteurs européens ou américains sont restés les gestionnaires et ressources scientifiques premiers des parcs, aussi pour des raisons économiques (tourisme potentiel), géopolitiques (obtenir une reconnaissance et un soutien des grandes institutions internationales à bon compte), voire politiques (maîtriser des territoires périphériques, potentielles zones grises, en en excluant les habitants). L'UICN, le WWF et l'UNESCO ont contribué à entretenir des stéréotypes nés au XIXème et de fait participé à désapproprier l'Afrique de son patrimoine. Les parcs, de fait, beaucoup, une histoire de l'Afrique sans les Africains. Pour revenir au Roi Lion, peut-être est-il temps de réfléchir à qui sont les lions, qui sont les hyènes ?
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Un livre stimulant et passionnant sur un sujet que l'on découvre en le lisant. L'auteur est un spécialiste du sujet (et l'on apprend ainsi qu'il y des spécialistes de l'histoire environnementale contemporaine !).
Toutefois le livre est totalement à charge, les exemples choisis dans quelques régions seulement et s'il a épluché une vaste bibliographie cela ne donne finalement qu'un livre assez maigre, qui tient plus de l'essai que de la thèse de doctorat !
Pour gagner du temps c'est positif, mais en revanche, étant donné le côté pamphlétaire du livre qui expédie par exemple Karen Blixen en quelques phrases du mauvais côté de l'histoire, cela peut paraître parfois un peu abrupt.
Quoi qu'il en soit un livre à lire et qui fera réfléchir !
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critiques presse (1)
LeMonde
16 septembre 2020
L’historien met au jour l’éviction des Africains et le néocolonialisme à l’œuvre dans les luttes pour la préservation de la nature.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ces extrémistes ne sont pas les seuls à se croire investis d’une mission. Selon d’autres médias, de nombreux experts internationaux souffriraient eux aussi d’une angoisse néo-malthusienne. Dans tous les pays du Sud, il leur faudrait sauver la nature avant que des habitants écologiquement irresponsables ne ladétruisent. À cet égard, la presse écrite s’attaque surtout au WWF. En 2012, dans PandaLeaks, le journaliste Wilfried Huismann révèle la contribution du WWF à des déplacements forcés de populations dans des parcs africains et asiatiques. L’association Survival Internationals’en prend à son tour au WWF, en 2016. Elle l’accuse de financer les campagnes militaires de l’État camerounais contre les habitants desforêts protégées dans le sud du pays. Buzz-Feed News et Mediapart dénoncent enfin un« colonialisme vert ». En 2019, ils affirment que le WWF forme et équipe les gardes qui frappent, violent et parfois abattent desfemmes et des hommes accusés de braconnage.
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Les Africains n’auraient aucune place sur leur propre continent. Ils seraient plutôt des intrus qui perturbent l’équilibre d’une planète verte. L’Asie n’est pas non plus en reste. En octobre 2019, Le Monde consacre un dossier à la montée de l’écofascisme. Le quotidien français revient notamment sur la tuerie perpétrée à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, par un militant australien d’extrême droite. Quelques minutes avant d’abattre 51 musulmans dans leurs mosquées, Brenton Tarrant publiait un manifeste sur les réseaux sociaux : « L’environnement est détruit par la surpopulation, et nous, les Européens, sommes les seuls qui necontribuons pas à la surpopulation. » Pourtous ceux qui, comme lui, se revendiquent« écofascistes », « il faut tuer les envahisseurs, tuer la surpopulation, et ainsi sauver l’environnement.
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Face à un même type d'espace agro-pastoral, l'un en France, l'autre en Ethiopie, l'Unesco livre donc deux histoires radicalement différentes. La première est européenne : elle décrit l'adaptation de l'homme à la nature. La seconde est africaine : elle raconte la dégradation de la nature par l'homme. (p39)
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La réalité est choquante, mais les archives ne mentent pas : les institutions internationales ne protègent pas la nature africaine, elles protègent une idée coloniale de l'Afrique. (p.217)
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Il y a le mythe de l'Eden, il y a la loi de l'Etat, il y a l'injustice qui consiste à être privé de droits dont disposent les autres, et en bout de course, il y a la résistance
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Videos de Guillaume Blanc (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Guillaume Blanc
Guillaume Blanc vous présente son ouvrage "La nature des hommes : une mission écologique pour sauver l'Afrique" aux éditions La Découverte. Entretien avec Nicolas Patin.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/3066373/guillaume-blanc-la-nature-des-hommes-une-mission-ecologique-pour-sauver-l-afrique
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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