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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pas facile d'extraire la substantifique moelle de Dans l'épaisseur de la chair, un ouvrage dense, parfois confus et déroutant, dont la lecture exige un minimum de persévérance. Il ne m'a pas été inutile, après coup, de refeuilleter quelques pages et de prendre du recul pour étayer mon opinion d'ensemble.

S'agit-il d'un livre d'histoire, d'une saga familiale, de la biographie romancée d'un « pied-noir » nommé Manuel Cortès, ou de l'hommage tardif d'un homme à un père très âgé ?

Dans l'épaisseur de la chair est un peu tout cela à la fois. Jean-Marie Blas de Roblès, l'auteur, est lui-même une personnalité riche, au parcours complexe. Il est philosophe, archéologue, historien, avant d'être poète et romancier. Dans une interview récente, il déclare : « mon but est de faire de la littérature, pas de raconter l'histoire de ma famille »…

Ma foi, l'on peut très bien faire de la littérature tout en racontant l'histoire de sa famille, et cet ouvrage en témoigne. Il dresse un large panorama historique de l'Algérie coloniale, depuis la conquête par les Français jusqu'à l'indépendance. Sur ce fond très documenté, se superpose le parcours d'une famille modeste de pieds-noirs d'origine espagnole, venue s'installer à Bel Abbès, une ville créée à partir d'une ancienne antenne des troupes du général Bugeaud. Emerge ensuite la personnalité du dénommé Manuel Cortès. Il est le père du narrateur, ce dernier étant le double de l'auteur.

A dater de l'indépendance et de l'exode des pieds-noirs, le récit prend une tournure résolument autobiographique, même si le personnage central reste Manuel Cortès. Aux documents et aux témoignages sur lesquels il s'appuyait, l'auteur substitue ses propres souvenirs, son vécu personnel d'enfant, de jeune homme, puis d'homme mûr. Ce qui ressort finalement, c'est la prise de conscience par un fils, des blessures endurées par un père tout au long des vicissitudes de sa vie. Encore a-t-il fallu que ce fils se retrouve empêtré dans une situation suffisamment périlleuse pour remonter le fil de sa généalogie, comme dans les fictions où celui qui va mourir repasse en un clin d'oeil le film de sa vie.

A l'instar de nombreux Français d'Algérie de sa génération, Manuel Cortès avait cru en l'avenir radieux promis par la France coloniale. Ses espérances avaient été contrariées par la seconde guerre mondiale, puis balayées par ce qu'on appela les événements d'Algérie, conclus par l'exode des pieds-noirs. J'aime à croire qu'en célébrant les heurts et malheurs de son père, Blas de Roblès a voulu rendre hommage à tous les Français d'Algérie modestes, devenus « les rapatriés », dont nul ne peut dire qu'ils aient été des profiteurs de la colonisation, mais dont il est incontestable qu'ils ont compté parmi les perdants de l'indépendance.

Chez nombre d'entre eux, l'auteur avait déploré l'absence de sensibilité politique, l'aveuglement devant l'absurdité du concept de colonie, un antisémitisme enkysté, et l'incompréhension devant des actes de rébellion qui n'avaient cessé de prendre de l'ampleur dès la fin de la seconde guerre mondiale.

Il leur reconnaît une vraie générosité, une propension spontanée à aider son prochain et une tendance méridionale sympathique à l'excès dans la démonstration. Une tendance que l'on retrouve chez lui-même, lorsqu'il ne résiste pas, à côté de références érudites de bon aloi, à l'envie de sortir des mots en pataouète, des anecdotes de café de commerce, des petites blagues éculées et des démonstrations d'enthousiasme « comme là-bas » pour des passions personnelles qu'on a le droit de ne pas partager, comme la pêche, par exemple.

L'écriture, très travaillée, est brillante, flamboyante. Superbe ! Mais Blas de Roblès prend aussi un malin plaisir à égarer son lecteur dans des digressions liées à ses autres ouvrages, ou dans le recours à des cartes de tarot à la symbolique mystérieuse pour titrer les quatre parties de son ouvrage.

J'ai apprécié son respect pour les souffrances des deux communautés qui se sont déchirées sur un sujet qui mit la France au bord de la guerre civile, et qui a laissé des cicatrices douloureuses dans l'épaisseur de la chair de beaucoup de monde. Si j'ai aimé le travail de reconstitution historique et la couleur picaresque du récit, j'ai été moins sensible à la quête de rédemption filiale. Après tout, c'est son père, pas le mien.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Jean-Marie Blas de Roblès est un conteur extraordinaire. Sa plume est d'une fluidité extraordinaire au service d'un univers reconnaissable dès les premières lignes. le graphisme soigné des éditions Zulma s'accorde avec une belle harmonie avec l'élégance de l'auteur. Il n'y a plus qu'à embarquer...
Dans ce roman, pas de grands voyages à la Jules Verne comme dans le génial L'île du Point Nemo mais une inspiration certainement plus autobiographique, plus personnelle de l'auteur, une influence qui touche à ses propres racines. L'Algérie, terre d'accueil puis d'exil.

"Toi, de toute façon tu n'as jamais été un véritable pied-noir". C'est cette phrase prononcée par son père qui a tout déclenché dans la tête du narrateur. Pas un véritable pied-noir ? Mais c'est quoi au fait un véritable pied-noir ?
Pour tenter de trouver la réponse, il remonte le temps et se plonge dans l'histoire de son père, Manuel Cortès, fils d'immigrés espagnols installés à Sidi-Bel-Abbès en tant que tenanciers d'un café restaurant. Il deviendra chirurgien, s'engagera aux côtés des alliés, fera vibrer les coeurs (il est plutôt beau gosse), avant de subir "les événements" et de traverser définitivement la Méditerranée.

Une vie digne d'un roman, en somme. Un fil conducteur qui permet à l'auteur de dérouler l'écheveau de la grande Histoire et de revenir sur les épisodes tragiques qui ont marqué tous les hommes qui les ont traversés. Sous sa plume se mêlent les questionnements d'un fils (bien assisté par son perroquet, compagnon philosophe baptisé Heidegger), les silences d'un père, les mythologies familiales, les mensonges historiques et un poil de pédagogie bienvenue pour faire la part des choses.

Ça coule tout seul, c'est rudement bien ficelé, très agréable à lire. Personnellement j'ai tellement adoré L'île du Point Némo que j'ai été un peu troublée de cette facture beaucoup plus classique... Mais cela n'a en rien gâché le plaisir et l'intérêt pris à cette lecture.
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Thomas, blessé par la remarque de son père « tu n'as jamais été un vrai pied noir » part en bateau et tombe par accident dans l'eau. Saisi par le froid, son esprit vagabonde et tente de répondre à cette question « qu'est-ce qu'un vrai pied noir ?

Francisco, son arrière grand-père, a débarqué en Algérie en 1882 pour fuir les terres brûlées d'Andalousie et le service miliaire espagnol.

Juanico, son grand-père, C'est un joueur de cartes, un gros travailleur et un gros baiseur. Il a ouvert un bar à Bel-Abbès où la famille s'est installée.

Manuel, son père, se voit refuser l'entrée à la fac parce qu'il est espagnol. A 20 ans, il est pressé de partir à la guerre pour l'aventure et la haine des pétainistes. Médecin auxiliaire sur le front italien, il débarque en Provence, participe à la bataille des Vosges, assiste à la révolte de Setif, un massacre où il faut tuer de l'arabe, c'est tout.

Un roman, drôle et émouvant, hommage d'un fils à son père,un témoignage d'amour à l'Algérie terre d'accueil, une plume précise pour décrire l'antisémitisme, l'horreur de la guerre et les exactions des goumiers, les soldats marocains, dans leur esprit les femmes sont un butin de guerre. Les premiers attentats du FLN, la guerre d'indépendance, le départ pour Marseille. Mais aussi les rituels du pêcheur, une cérémonie où l'on regarde la météo comme les romains consultaient les haruspices et que dire de cette partie d'échecs qui a la même saveur que la partie de cartes de Pagnol.

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« Toi, de toute façon, tu n'as jamais été un vrai pied-noir ».
Voilà la phrase assassine prononcée par son père qui va pousser Thomas Cortès à plonger dans les souvenirs de son père durant ces heures où, accroché au bateau sur lequel il ne peut remonter, il va attendre dans l'eau... Quoi ? La mort par hypothermie? La rédemption et le pardon ?
Et c'est une vraie leçon d'histoire, le témoignage d'un « Pied-Noir » qui nous est rapporté.
Avec un retour aux années de honte en Espagne, quand en 1492, Isabelle la Catholique a promulgué le décret de l'Alhambra qui donnait un mois aux juifs d'Espagne pour plier bagages et quitter le pays, avec interdiction d'emporter or et argent. Tout leur était devenu interdit, l'école, le travail - y compris le commerce - Les musulmans chassés par la Reconquista, il fallait encore se débarrasser des juifs...On a vu alors des parents affolés marier dans l'urgence des gamins de douze ans, le départ des « couples » étant réputé plus facile ! Les chiffres manquent de précision : pour quelques dizaines de milliers de juifs convertis au catholicisme mais qui pratiquaient en secret leur propre religion, les « marranes » et restés sur place, combien de centaines de milliers sont partis, au Maghreb et dans toute l'Europe ?
Et quand on sait que ce décret n'a été abrogé qu'en 1967... !
Ce sont ces juifs d'Algérie dont on va nous parler, mal perçus par les autochtones algériens, par les colons français, trop voyants, trop arrogants, surtout : trop riches !
En 1940, le gouvernement de Vichy interdit à Manuel Cortès d'entrer à l'Université, alors que ses deux frères font la guerre ! Pétain prononce la déchéance de citoyenneté pour les juifs en Algérie : ils perdent tout, profession, revenus, droit d'aller à l'école. Albert Camus est renvoyé de son poste de professeur, ce qui sera peut-être à l'origine de l'écriture de « La Peste ».

Manuel Cortès, le père de Thomas qui lutte dans l'eau de la Méditerranée, a participé aux grandes batailles de la guerre de 1939-1945, notamment à celle de Monte Cassino en Italie. Il raconte la vie de ces goumiers, soldats d'Afrique du Nord et d'Afrique noire, connus pour leur courage et leurs faits d'armes mais aussi pour leurs exactions. Manuel entend encore les hurlements des nonnes violées, ceux des hommes émasculés devant leurs femmes... L'auteur ne nous épargne (presque) rien des horreurs de la guerre, y compris de celle de l'indépendance de l'Algérie. A cette occasion, Manuel, médecin militaire, travaillera comme un forcené pour épargner la vie autant des uns que des autres, serment d'Hippocrate oblige, s'attirant ainsi la haine des deux camps.
Et quand il sera rapatrié vers la France, lui, le chirurgien honnête, se verra rejeté par ses confrères, obligé de renoncer à la chirurgie et à ouvrir un modeste cabinet de généraliste. Avant d'être recruté par la CGT pour devenir un médecin social, aux appointements modestes mais heureux d'être utile à des patients peu favorisés par la vie.

Un beau roman, sans parti pris, bien documenté et vivant. Sans doute le résultat d'une expérience personnelle...
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Parti seul en mer, un homme tombe à l'eau et n'arrive pas à remonter sur son bateau. Il n'aurait pas du partir sans son père.... En attendant d'hypothétiques secours, il pense au vieil homme et se souvient de son extraordinaire parcours de vie.
De l'arrivée du grand-père à Sidi-Bel-Abbès en 1882 à aujourd'hui en passant par l'exode 1962, Jean-Marie Blas de Roblès déroule l'histoire familiale en l'ancrant dans celle de l'Algérie et plus largement celle du monde.
Sur fond de seconde guerre mondiale et de batailles sanglantes , cette épopée ne peut être racontée sans évoquer un contexte historique d'une extrème violence . Beaucoup de fureur, de sang et d'horreur.... Beaucoup trop pour moi ! J'ai fini par survoler les passages consacrés à la guerre pour ne me concentrer que sur le reste du récit quand, aux souvenirs du père succèdent ceux du fils.
Un avis un peu mitigé donc pour ma première rencontre avec Blas de Roblès mais qui me donne envie de découvrir le reste de son oeuvre car si tout ne m'a pas intéressée dans ce roman, j'ai apprécié la qualité de son écriture.
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Je n'ai pas beaucoup accroché à ce récit. Une saga familiale certes, mais pourquoi ce mode de narration ? je ne comprends l'intérêt de faire des aller et retour permanent entre le récit principal et la situation catastrophique du narrateur... et surtout je ne comprends pourquoi mettre le narrateur dans cette situation.
Et enfin, ce roman est truffé de référence littéraires et philosophiques. Dans une premier temps, c'est plaisant, mais il est arrivé un moment où, j'ai trouvé que c'était trop, surtout pour moi qui malheureusement n'est pas une culture immense... juste la culture de monsieur et madame tout-le-monde. Il aurait fallut que je prenne des notes pour faire des recherches ensuite. Mais je lis pour me divertir, pas pour m'astreindre à une prise de note.
D'un point de vue historique, j'ai appris beaucoup de chose, sur l'engagements des troupes coloniales pendant la seconde guerre mondiale. Et surtout, j'ai beaucoup aimé ce point de vue sur la guerre d'Algérie et ce qu'a été la colonisation.
Je suis arrivée au bout... mais j'ai trouvé cela bien long
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Un roman d'Histoire et de souvenirs
Dans l'épaisseur de la chair est un très beau roman, écrit dans une langue virtuose et poétique. Jean-Marie Blas de Roblès réunit l'histoire de sa famille et l'Histoire de l'Algérie Française, page d'histoire douloureuse pour un pays, ses habitants et pour une famille, qui dut tout abandonner derrière elle et reconstruire sa vie en France. L'auteur convie ses souvenirs, autant qu'il les interroge, afin de percer les mystères de son père mais aussi d'un pays tout entier. Ce roman est aussi une manière cathartique de mettre à jour et d'accepter une fêlure personnelle et familiale. C'est donc finalement une histoire émouvante, une déclaration d'amour au père, bien que dans la retenue et la pudeur. Il y a également beaucoup d'humour, ce qui est aussi une manière d'exprimer tous ces sentiments sans les rendre lourds.
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La critique de "motspourmots" est exactement celle que j'aurais voulu écrire.
Aussi je n'ai rien à ajouter et je vous incite à la lire.
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[...] Brillant, ambitieux, historique, passionnant, passionné, le roman Dans l'épaisseur de la chair est l'histoire d'un pays. L'histoire d'une noyade attendue, celle de Thomas, le narrateur et celle de l'Algérie. En réchapperont-ils ?


La mémoire

Le beau titre, qui devient au fur et à mesure du texte, plus profond et intelligible que poétique m'a menée en bateau par péché d'esthétisme. le roman Dans l'épaisseur de la chair est bien plus qu'une couverture attrayante et qu'un titre énigmatique. C'est avant tout un roman de mémoire et d'Histoire. Jean-Marie Blas de Roblès raconte son histoire (peut-être) et celle de sa famille (peut-être), mais détaille très certainement l'histoire de la France, et de l'Algérie. Cette Algérie Française (coloniale) d'avant et d'après seconde Guerre mondiale, terre d'accueil et d'exil.

Un simple mot suffit à Thomas, le narrateur, pour se plonger involontairement dans l'eau froide de l'Histoire. Celle des « pieds-noirs » qu'il n'est pas vraiment, d'après son père, Manuel Cortès ; et celle de son père, puisque Manuel, « pied-noir » d'origine espagnole, lui, a été Français d'Algérie, pied-noir en France, chirurgien ici, médecin généraliste là, volontaire aux côtés des Alliés, père progressiste, exilé et rapatrié. Alors l'auteur fait appel à sa mémoire, ou à celle de Thomas, pour combler celle de celui qui raconte peu. Il fait appel à la mienne, bien vide.

Nobles, jamais grandiloquents, les mots de Jean-Marie Blas de Roblès sont ambitieux, politiques, honnêtes et justes. Ils observent, dénoncent parfois, mais jamais ne jugent, interrogent avec les yeux de ceux qui croient, qui espèrent, qui attendent et comprennent. Et, aussi historique que soit le contexte, c'est l'histoire d'une famille, l'histoire banale (non héroïque) d'une famille, que l'auteur transmet.[...]

Lien : https://www.startingbooks.com
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Jean Marie Blas de Roblès est un conteur hors pair sachant manier la langue française et ses subtilités pour décrire des paysages et saisir des ambiances exotiques. Nous suivons ici un narrateur qui plongé dans ses rêveries nous raconte l'histoire de sa famille sur fond de guerre d'Algérie. L'auteur aborde de grands sujets philosophiques sur ce qui constitue une identité entre admiration pour la figure paternelle, connaissance de soi et de l'histoire sur fond de pêche et de plaisirs pour les détails du quotidien.
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