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EAN : 9781091902442
Fario (18/05/2018)
4.17/5   21 notes
Résumé :
Il y a ce que l’on constate, ces pôles qui fondent et ces vents d’une violence inconnue, cette vie dont le nombre des espèces si rapidement s’amenuise, ces foules sans horizon et sans boussole, ces eaux qui montent, ces contaminations, ces embrasements inquiétants un peu partout. (...)
Et puis tout continue comme si de rien n’était : l’existence confortable administrée et sous vidéosurveillance, l’abreuvement continu au flux des divertissements dispensés par ... >Voir plus
Que lire après En attendant la fin du mondeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'un des éléments de psychologie des plus caractéristiques de notre contemporanéité est la tendance au déni. Comme si l'espace de la survie individuelle laissait toujours moins de place à la vérité et qu'il fallait donc refouler toujours plus loin en son inconscient les fâcheuses émergences de celle-ci en notre quotidienneté. Il est vrai que le flux médiatique incessant, noyant le décisif et l'essentiel dans des torrents d'insignifiance, participe largement de cette « distraction ». Mais avec quelle facilité nous laissons nous ainsi entrainer ainsi loin de ce qui dérange, faisons le pas de coté qui permet de « passer à autre chose », alors même que le caractère d'urgence du propos est loin de nous avoir échappé.
George Orwell faisait pourtant déjà remarquer en son temps que la liberté d'expression consistait essentiellement à dire aux gens ce qu'ils n'avaient pas envie d'entendre ; et beaucoup comprenaient très bien cela alors, même s'ils y rechignaient quelque peu. Et libéraient leur attention pour ce que l'on ne pouvait décemment pas ignorer.
Mais en notre « postmodernité », l'ignorance a gagné de nouveaux attraits ; ouvrant ainsi la porte au déni qui s'assimile ainsi à une « ignorance volontaire ». Laquelle rappelle étrangement la « servitude volontaire » de la Boétie.
Ce n'est pourtant pas que manqueraient des auteurs restant préoccupés de la vérité de notre temps : c'est que très peu trouvent quelque disponibilité pour s'y arrêter et les lire vraiment, « toujours occupés à autre chose que d'être là. »
Baudouin de Bodinat est de ces auteurs « dérangeants » que l'on préfère ignorer, auxquels l'on se dépêche de trouver quelque défaut rédhibitoire permettant de les écarter ; et l'inventivité va bon train en ce domaine. Avec un titre comme « En attendant la fin du monde », il pousse même la limite à son extrême ce malappris, avec ses paroles offensantes qui ne laissent aucune place à l'esquive.

« & aussi que la plupart certainement n'avaient pas réclamé, n'avaient pas voulu en personne ces déprédations, n'avaient pas exigé en leur nom cette mise au pillage, tout ce cyclopéen d'extraction et de razzias, de récoltes à blanc, cette dénudation brutale de la vie terrestre - ni rien en particulier de ce qui a fait le lit de ce désordre menaçant; néanmoins qu'ils voulurent bien ce qu'on leur procurait, et non seulement le strict utilitaire mais encore le très superflu par rotation de porte-containers, les commodités flatteuses à la négligence et au manque de goût, toute cette profusion sous blister ou en armoires de congélation; qu'ils furent preneurs volontiers de ces innovations de l'informationnel à porter sur soi qui leur sont maintenant des indispensables à épanouir leur individu; qu'ils aient peu renâclé à cet envahissement : "Je ne suis pas le donneur d'ordre", s'exonèrent-ils ("Je n'y suis pour rien si c'est devenu comme ça", "On n'avait rien demandé, mais c'est là autant s'en servir", etc.) Qui est assez en duplicité le "Je n'ai pas demandé à vivre" de l'adolescent maussade. On lui répondra : Mais si, tu ne serais pas là sinon; et aux autres : Mais si, on n'en serait pas là sinon. »

« Les décennies passant, "tout se déroulant comme il était prévu", à repousser les limites par dilapidation ; à rouler vers l'abîme annoncé - un abîme assez vaste pour tout le monde - les yeux grands ouverts sur la mondiovision; et la situation se faisant plus pressante, bientôt en continu les yeux fixés à ces petites lucarnes qu'on procura en portatif, (...) la magie de se communiquer par multiphone, de s'y regarder, de se montrer les uns les autres comme tout va bien, actualisant l'échéance à 2020 cette fois, en date de clôturer son compte à une humanité excessive à consommer davantage que la nature ne produit en renouvelable ... »
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En attendant God, oh !
Lire un nouvel opus du sieur Bodinat au mitan de l'an 2018 peut signifier que la vie est encore possible sur Terre alors même que le délitement du monde et l'effondrement des consciences parachèvent une oeuvre de destruction massive entamée depuis le rationalisme industriel où la nature ne devint qu'un « assemblage de matériaux et de fonctions » dans laquelle puiser sans retenue, où l'homme se transforma en un « phénomène décomposable et utilisable en ses parties », autant d'éléments qu'il sera possible de marchander plus tard. Baudouin de Bodinat s'interroge et travaille la question. Il déplace le curseur, remonte le temps et voit en guise de réponse plausible le faix de l'histoire, depuis la Rome antique et « son empire d'exterminations massives », puis envisage le poids de la religion chargée d'annihiler toute pensée critique et cultivant l'irrationalité mais peut-être cela remonte-t-il aux premières sédentarisations humaines ou encore à un instinct basique de reproduction ? Se faire sa place au soleil, quel qu'en soit le coût pour y parvenir et la facture à payer pour les suivants, les descendants, les effarés. L'auteur consigne des faits indubitables souvent éparpillés pour mieux être niés et révèle l'inavouable, la fin programmée de la vie sur Terre. Ni oracle, ni donneur de leçon, Baudouin de Bodinat ne propose nulle issue, aucun plan pour s'extirper de l'entreprise de démolition systématique. Il dresse un constat ahurissant, à l'aide d'une prose élégante et déliée comme encrée dans un siècle révolu mais nourrie des ignominies, scélératesses et crasses contemporaines. Des photographies noir & blanc de l'auteur répondent en écho au texte, dessinant un parcours visuel et mémoriel en soubassement à un état de conscience lucide, éperdu et mélancolique. Brève, cohérente et dense, l'oeuvre de Bodinat tisse une litanie originale sur un canevas identique. de cette sombre médiation fusent un humour corrosif, une pensée poétique, des bonheurs d'écriture, le rayonnement noir d'une étoile effondrée.
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Un essai philosophique mais pas pompeux sur notre monde. Notre monde qui se finira un jour... Sans alarmisme, sans poncif survivaliste, l'auteur revient sur la nécessité que les choses aient une fin même s'il revient sur les attitudes humaines ayant accéléré le mouvement ces dernières années (le manque de lien social, les comportements écologiquement contradictoires, etc.). Entre destin, Histoire et observations, nous attendons donc...
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Quelque chose me gêne dans le dernier texte de Baudouin de Bodinat, En attendant la fin du monde paru chez Fario, un éditeur aussi discret qu'intéressant qui a d'ailleurs publié, en livre ou en revues, plusieurs textes du grand Sebald. Bien avant Baudouin de Bodinat, ce dernier avait pour coutume de proposer des textes comprenant des photographies ayant une signification directe, ou bien indirecte mais pas moins flagrante, avec le récit proposé. Mais, là où l'auteur de Vertiges n'en finissait pas de suivre une piste que lui seul savait pouvoir suivre, en déployant une écriture aussi attentive aux plus extrêmes détails que capable d'attirer notre attention sur les correspondances subtiles existant entre les cercles concentriques s'étendant depuis un abîme de noirceur, Baudouin de Bodinat ne nous mène nulle part et même, comble de l'ironie, nous laisse sur place.
Lien : http://www.juanasensio.com/a..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
& aussi que la plupart certainement n'avaient pas réclamé, n'avaient pas voulu en personne ces déprédations, n'avaient pas exigé en leur nom cette mise au pillage, tout ce cyclopéen d'extraction et de razzias, de récoltes à blanc, cette dénudation brutale de la vie terrestre - ni rien en particulier de ce qui a fait le lit de ce désordre menaçant; néanmoins qu'ils voulurent bien ce qu'on leur procurait, et non seulement le strict utilitaire mais encore le très superflu par rotation de porte-containers, les commodités flatteuses à la négligence et au manque de goût, toute cette profusion sous blister ou en armoires de congélation; qu'ils furent preneurs volontiers de ces innovations de l'informationnel à porter sur soi qui leur sont maintenant des indispensables à épanouir leur individu; qu'ils aient peu renâclé à cet envahissement : "Je ne suis pas le donneur d'ordre", s'exonèrent-ils ("Je n'y suis pour rien si c'est devenu comme ça", "On n'avait rien demandé, mais c'est là autant s'en servir", etc.) Qui est assez en duplicité le "Je n'ai pas demandé à vivre" de l'adolescent maussade. On lui répondra : Mais si, tu ne serais pas là sinon; et aux autres : Mais si, on n'en serait pas là sinon.
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La mondialisation heureuse : tout ce qu'elle invente ou entreprend surclasse tout ce qui fut jamais, dont elle triomphe ainsi ; à l'infini multipliant ces miroirs magiques lui vérifiant son excellence incomparable, sa perfection , et par cette entremise en infusant la conviction à ses individus, l'euphorie de s'éprouver si accomplis, son indifférence à tout ce qui n'est pas elle (que manifeste un déficit moral à peu près complet), sa persuasion de porter toutes les modernités à leur dernier degré, de réaliser merveilleusement le projet historique de l'espèce humaine ; d'être en aboutissement de tous ses travaux, de toutes ses sciences, etc. ; en achèvement de son destin évolutif logiquement.
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(La mondialisation heureuse) … & maintenant à se donner le beau rôle de sauver la planète - prétention inconvenante, d’abord ridicule et vouée à l’échec si c’est à y employer ce même rationalisme à quoi nous devons d’en être arrivés là sous la conduite de la passion lucrative, qui entend spéculer habilement sur l’apocalypse elle-même, accumuler bonus et dividendes au seuil même de son néant. Tout au plus s’agirait-il de sauver quelques meubles de notre monde humain - mais c’est comme un incendie de maison : il y a un certain point de ronflement du brasier marquant l’inutilité de continuer à s’agiter. Des mondes, la planète s’en fera d’autres ; comme c’est à la faveur d’autres extinctions que nous devons d’être entrés dans la carrière. (page 16)
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Les décennies passant, "tout se déroulant comme il était prévu", à repousser les limites par dilapidation ; à rouler vers l'abîme annoncé - un abîme assez vaste pour tout le monde - les yeux grands ouverts sur la mondiovision; et la situation se faisant plus pressante, bientôt en continu les yeux fixés à ces petites lucarnes qu'on procura en portatif, (...) la magie de se communiquer par multiphone, de s'y regarder, de se montrer les uns les autres comme tout va bien, actualisant l'échéance à 2020 cette fois, en date de clôturer son compte à une humanité excessive à consommer davantage que la nature ne produit en renouvelable ...
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& il peut venir alors à la pensée que si l’on prenait en axiome, ou en loi divine, loi de l’univers, cet avis que Baudelaire laissa pour qui voudrait s’en instruire : victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons crû vivre, il ne serait pas difficile d’obtenir la notification de par où précisément nous périrons, pour commencer et à défaut d’une date précise.
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