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Jacques Parsi (Traducteur)
EAN : 9782330189495
64 pages
Actes Sud (03/04/2024)
3.58/5   63 notes
Résumé :
Dans son carnet secret, la comtesse Livia se souvient.
De sa rencontre à Venise, alors qu'elle était en voyage de noces, avec Remigio, et de la passion que lui inspira ce beau lieutenant. Froidement, elle raconte aussi comment, par jalousie et par souci de vengeance, elle mena à sa perte son amant après lui avoir donné argent et bijoux. Concis et cruel dans sa manière de camper ses personnages (sur une vision romantique de l'amour, le cynisme de la comtesse e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Encore une fois Eros et Thanatos, l'amour et la mort comme les deux faces d'une meme monnaie; un des themes privilegies de toute litterature.


Une Comtesse italienne du 19e siecle redige un cahier ou elle mele present et passe, ou elle se plait a noter son pouvoir de conquete – a un age qui commence a etre mur – a cote de souvenirs d'amours plus tragiques. Ses conquetes presentes alimentent sa vanite, son assurance, qui toutes deux avaient ete mises a mal lors d'une ancienne liaison, sur laquelle elle s'etend.

Jeune mariee a un homme age, elle avait ete seduite par un jeune officier. Oui, cette fois-la c'est elle qui avait ete conquise. Et elle avait tout donne, son coeur, son corps, ses bijoux, son argent. Elle s'etait mis en danger pour lui, jusqu'a ce qu'elle decouvre que son amour n'etait pas reciproque, qu'elle avait ete utilisee, trompee, par un homme sans scrupules. Cela fut un traumatisme qui l'amena a une seule pensee: vengeance! Et la vengeance fut rapide et cruelle: elle provoca la mort de son amant.


Publiee en 1883, Senso est une nouvelle tres romantique. Mais j'ai senti aussi un certain cynisme dans son ecriture. Les passions humaines decrites, l'amour, la vengeance, mais aussi la transgression de normes, le mensonge, nous sont servies avec une certaine complexite, malgre le format etrique (quelques dizaines de pages). Et il en est de meme pour le cadre historique, l'Italie de 1866, en pleine guerre d'independance face a l'occupant autrichien. Plusieurs camps nous sont presentes, tous les italiens nétant pas independantistes.

Dans une ecriture tre elegante, c'est donc une nouvelle assez dense, avec des portraits psychologiquement complexes (On ne sait pas vraiment si 20 ans apres la Comtesse regrette sa vengeance, si elle lui pese sur la conscience, si elle en a honte). Et la fin est comme teintee d'ironie. En plus la nouvelle brosse un portrait de l'epoque non denue de critique sociale: c'est la "haute societe" qui est decrite, tres cultivee, avec des cotes fiers et energiques, mais aussi avec des penchants decadents, deja tournes vers le passe, ce meme passe politique qu'elle veut changer. Tout cela fait que ce texte reste tres agreable a lire encore aujourd'hui.

Et, comme un plus, il y a le film qu'en a tire Visconti, une debauche de couleurs et de sons, avec l'inoubliable Alida Valli.
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Senso, court roman qui nous ferait presque penser à une nouvelle par sa taille, voilà un récit qui, en quelques pages, illustre la passion aveugle, la jalousie, les abysses sombres et inavoués où de tels sentiments peuvent conduire.
Nous sommes dans l'Italie de la fin du dix-neuvième siècle, dans la ville de Trente plus exactement. La comtesse Livia, trente-neuf ans, belle et orgueilleuse, mariée dans sa vingt-deuxième année à un homme très riche et empli d'attentions pour sa jeune épouse, qui aurait bien pu être son grand-père, se souvient...
Elle a besoin de revenir sur ses pas, poser des mots sur ce chemin à rebours, elle exprime brusquement un besoin viscéral d'écrire, poser ses mots dans un carnet qui devra demeurer secret, enfermé à triple tour dans son écritoire personnel. Quel est ce terrible secret qui a tant besoin de précautions ? Et quel est ce sentiment brusque qui la conduit à cette confession qu'elle s'impose, dans une inquiétude qui semble tout à coup s'emparer de son âme ? Est-ce le remords ou bien la volonté d'affirmer encore plus fortement son orgueil, sa différence, et pourquoi ne pas l'avouer tout bonnement, ce sentiment de supériorité qu'elle ressent vis-à-vis des autres femmes ?
C'est une joie féroce pour elle de ne se confier qu'à soi, se sentant libre de tout scrupule, hypocrisie ou réticence...
Elle se souvient, c'était à Venise, en juillet 1865, elle venait à peine d'épouser son mari, un représentant de la noblesse tyrolienne. Il faut dire que l'Italie est alors sous contrôle de l'empire autrichien. En plein voyage de noces, sous le nez et à la barbe de son vieux mari, elle s'éprend d'un beau lieutenant de l'armée autrichienne, Remigio Ruz. C'est une folle passion qui anime la jeune femme dès lors. Mais le soldat est un godelureau, pas très courageux, ses conquêtes sont davantage du côté des chambres d'auberges et des alcôves que sur les champs de bataille ; du reste le bellâtre trouve en cette passion l'occasion rêvée de quémander de l'argent auprès de la comtesse qui ne lui refuse rien, mais c'est plutôt la fortune du vieux mari qui sert à entretenir l'officier cavaleur dans les bras d'autres conquêtes féminines et d'une en particulier, pendant que la comtesse le croit en convalescence... Dans cette passion brûlante, elle n'y voit que du feu. La maîtresse, délaissée, éconduite, découvrant brusquement qu'elle est elle-même trompée, va imaginer une vengeance impitoyable...
J'ai trouvé ce roman tout simplement magnifique, par-delà le cynisme de la narratrice, à la construction ciselée comme un pur joyau.
Le lecteur que je suis n'a eu de cesse à soulever chaque mot comme autant de pierres brûlantes. Sur ce chemin de feu et de ronces, comment chercher en embuscade l'amour, le remords, l'écho d'un chagrin, une douleur lancinante...?
C'est la confession d'une femme seule devant elle-même, son journal est son propre miroir, elle sait que sa beauté qui fut splendide va bientôt peu à peu se faner. Que restera-t-il après cela, après cette confession qu'elle va enfermer secrètement ? Qui découvrira ce carnet ? Son mari aujourd'hui grabataire ? Qui d'autre en sera ému, révolté ? Elle n'a pas d'enfants, elle n'a plus d'amis... Elle met son âme à nu peut-être pour la première fois de sa vie...
Elle n'a rien de sympathique cette sulfureuse comtesse Livia et pourtant on voudrait percer son secret, pas uniquement celui qu'elle s'apprête à enfermer à triple tour dans son secrétaire, mais celui qui se cache dans les eaux insondables de son coeur.
En toile de fond, nous voyons un morceau de cette Italie des privilèges trembler un peu, fuir comme une débâcle, devant Garibaldi et son armée insurrectionnelle qui approche... Tout est dit en quelques phrases : la désillusion d'une passion comme un feu de paille, l'agonie d'un empire qui vacille...
"Mi sono alzato
O bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao, ciao
Questa mattina mi sono alzato
E ho trovato l'invasor."
Ce petit roman de Camillo Boito, écrit en 1883, est un véritable bijou de cruauté, qui sous-tend une trame mélodramatique puissante. On pourrait craindre la bluette romantique, au milieu des gondoles à Venise, mais les carnets roses ne sont pas toujours de longs fleuves tranquilles, il faut se méfier de leur sérénité apparente, des pages s'ouvrent comme les eaux paisibles d'une lagune et brusquement les tréfonds obscurs surprennent celui qui tentait d'en admirer les reflets...
Un récit concis d'une intensité prodigieuse !
Je ne connaissais pas cet auteur, Camillo Boito ; à la faveur de cette lecture j'ai découvert qu'il était architecte, frère du librettiste de Verdi. Pour les passionnés de cinéma, sachez que Visconti adapta cette histoire sur le grand écran en 1953.
Découvert à la faveur d'une location estivale à Paris cette semaine... le propriétaire de l'appartement avait laissé quelques livres à disposition sur une étagère. Celui-ci est venu vers moi...
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Entre la comtesse Livia, jeune et séduisante épouse d'un Viel Aristocrate et Rémigio, bel officier autrichien, naît une ardente, sulfureuse passion !
Elle l'épargnait tant son bellâtre !
Lui, ne visait que ses...épargnes !
La vengeance de l'Italienne éconduite sera à la hauteur de sa perversité et surtout de son ego ! Petit Macho de Remigio ! Fallait pas l'énerver, la Bimbo !
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J'avais vu il y a quelques mois le film de Visconti et m'y étais copieusement rasé, le trouvant confit dans un académisme désuet.
Aussi c'est sans grande conviction que j'ai entamé la lecture du livre de Camillo Boito dont il est inspiré.
Quelle surprise ! Ce très court roman, de 72 pages seulement, écrit en 1883 est un petit bijou. On pense aux nouvelles De Maupassant.

"Senso" est l'histoire de la vengeance d'une maîtresse délaissée. La comtesse Livria, marié à un géronte, est séduite par un jeune officier autrichien. Elle devient sa maîtresse. Pour éviter qu'il soit appelé au front elle lui donne de l'argent afin de soudoyer un docteur et d'obtenir sa réforme. Lorsque Livria découvre qu'il en aime une autre, elle dénonce le déserteur à son commandant.
L'histoire est racontée par la comtesse, seize ans après les faits. le cynisme qu'elle affiche cache-t-elle l'intensité de ses sentiments ? ou est-il sincère ? Dans le film, cette ambiguïté est absente, la passion qui unit Livria à l'officier étant authentique. Beaucoup moins perverse, leur relation est beaucoup plus fade.
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Le bref roman de Camillo Boito nous restitue une autre histoire que celle du film de Visconti. le journal de la comtesse Livia parle bien d'une passion, mais dans laquelle il n'y a rien d'admirable, car elle révèle la faiblesse des caractères, l'abjection des êtres, leur lâcheté et leur goût pour la trahison. Camillo Boito a choisi la forme littéraire du récit, qui aurait pu être celle de la confession si son héroïne avait éprouvé le moindre remords sur sa conduite. Mais la comtesse Livia ne ressent que le vide né de la passion mortifère qui a emporté son amant. À trente-neuf ans, alors que sa beauté va peu à peu se faner, dans la solitude de sa vie oisive, elle se souvient du seul moment où son âme calculatrice a basculé pour s'attacher à un homme méprisable.
En juillet 1865, la comtesse Livia est la jeune épouse d'un aristocrate riche, laid, qui a près de trois fois son âge et dont les intérêts politiques sont directement liés à l'occupant autrichien. Elle a voulu ce mariage qui lui donne une position sociale enviable dans la noblesse de Trente, ville où réside le couple. Pour son voyage de noces, les époux se rendent à Venise. En se baignant au Lido, la comtesse rencontre le lieutenant Remigio ; aussitôt séduite par sa beauté, elle s'abandonne à lui. C'est la rencontre de deux Narcisse dans un décor presque mythologique. Livia a « la présomption de sa beauté », le bain lui procure un plaisir physique, un sentiment de bien-être profond, mais aussi lui permet de contempler sa nudité, de se repaître de sa perfection. Quand Remigio pénètre dans sa « sirène », elle contemple un « Adonis », un « Alcide » et le rapt mutuel de ces deux créatures est inévitable : rien d'autre n'existe que la pulsion charnelle qui les pousse l'un vers l'autre, chacun étant aimanté par la beauté de l'autre.
Bien vite, Livia ne peut plus se passer de son amant, viveur, joueur, dépensier. L'homme ne revient vers elle que pour lui soutirer de l'argent et ce qu'elle découvre de sa nature ne l'empêche pas de l'adorer. Elle-même ne prête pas une si grande attention à la noblesse des caractères et des comportements puisqu'elle doit sa position sociale à un marchandage. La guerre d'indépendance de l'Italie déclarée, elle retourne à Trente et tremble de voir son amant combattre. Sur sa demande pressante, elle consent à vendre ses bijoux pour lui permettre de corrompre les médecins militaires qui le déclareront inapte au combat. Il attend tranquillement à Vérone la fin de la guerre, en négligeant de plus en plus de donner de ses nouvelles.
La jalousie, la peur, le doute taraudent la comtesse qui décide dans le plus grand secret de rejoindre Vérone malgré les dangers de la route. Elle y découvre Remigio Ruz en compagnie de sa maîtresse. Sans doute avait-elle pressenti la vérité depuis bien longtemps déjà, mais ce qui est intolérable – en dehors de sa frustration sexuelle – c'est qu'il ne reconnaît plus la suprématie de sa beauté sur toutes ses autres conquêtes et le geste de sa maîtresse déchirant les photographies de Livia provoque le déferlement de la colère de cette dernière. Il n'y a plus de place que pour la vengeance. Elle fera fusiller le lieutenant en révélant son subterfuge au général de la garnison.
le récit de Camillo Boito est bref. En quelques pages, une femme met son âme à nu, peut-être pour se donner la force de continuer à vivre. Ressentir la douleur de la perte lui permet de sortir de l'anéantissement qui la guette. Quand sa beauté aura disparu, en même tant que la séduction qu'elle continue à exercer avec perversité, elle sera rendue définitivement à la vanité de son existence.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Qu'avais- je à faire d'un héros ? Mieux même, la vertu parfaite m'aurait semblé fade et méprisable en comparaison de ses vices ; son manque de sincérité, d'honnêteté, de délicatesse et de retenue me semblait le signe d'une vigueur cachée mais puissante, à laquelle j'étais heureuse, orgueilleuse, de plier comme une esclave. Plus son cœur se montrait bas, plus son corps rayonnait de beauté.
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Je renaissais à Venise. Ma beauté était dans tout son éclat. Un éclair de désir brillait dans les yeux des hommes lorsqu'ils me regardaient ; je sentais sur moi la flamme des regards dérobés même sans les voir. Jusqu'aux femmes qui me dévisageaient, puis de la tête aux pieds me détaillaient avec admiration. Je souriais comme une reine, comme une déesse. Je devenais, dans le contentement de ma vanité, bonne, indulgente, familière, insouciante, spirituelle : la grandeur de mon triomphe me faisait presque paraître modeste.
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Je compris alors que le lieutenant Remigio était toute ma vie. Mon sang se glaça dans mes veines, je tombai presque sans connaissance sur le lit de la chambre obscure, et s’il n’était pas apparu au même instant sur le pas de la porte, mon cœur aurait éclaté, dans un paroxysme de doute et de rage. J’étais jalouse jusqu’à la folie, peut-être même jusqu’au crime.
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Tout me confirmait dans mes bienveillantes illusions : les déclarations d'amour me semblaient d'autant plus puissantes qu'elles étaient brèves, et les passages grossiers et cyniques se présentaient à mon imagination comme le fruit d'un sublime et généreux sacrifice. J'avais tellement besoin de croire que mon désir trouvait une excuse dans le désir de l'autre.
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Sans la fièvre que me laissent ces souvenirs trop vifs, et sans la crainte de la vieillesse, je devrais être une femme heureuse.
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