Ce livre est puissant, tant par son écriture que par son sujet.
Initialement publié au seuil en 1974, aux Éditions Denöel, ce titre reparait aux Éditions le Nouvel Attila, dans une version totalement remaniée par l'auteur.
Des
chaînes qui tiennent l'esclave prisonnier au travail à la
chaîne qui broie le désir d'avenir,
Saïdou Bokoum écrit comme on combat, dans une poésie, elle, dé
chaînée.
S'il papillonne d'une histoire d'amour à une autre, Kanaan, le narrateur, nous fait surtout vivre au rythme des immigrés africains, ce sous-prolétariat au prise avec une France raciste et recroquevillée de l'après 68. La révolte et l'humour semble les moteurs de ce jeune immigrés qui vient d'abandonner ces études de droit.
Corrosif et enfiévré, le livre nous montre aussi les coeurs qui s'embrasent, pour une belle ou pour une cause. Livre de rage et de courage,
Chaîne nous transporte par sa langue déliée, parfois au bord de la rupture, de la folie, entre sorcellerie vaudou et slogan politique, amour malheureux et perte de soi, dans les nuits parisiennes. Pas celles des fils à papa, mais plutôt la marge, le no man's land de la capitale.
Des pages entières semblent n'avoir aucun sens, habitées d'hallucinations et d'incantations effrayantes. Comme le théâtre de la troupe Koteba, qu'intègre Kanaan, autant groupe de saltimbanque que cellule poiltique, jonglant avec les contes et la rhétorique marxiste.
L'écriture est vraiment sublime, et d'une intensité incroyable. Tout le monde n'aimera pas, mais pour ceux qui n'ont pas peur de quitter leur zone de confort, ce livre est une pépite à l'état brut, non taillée, et aux aspérités parfois tranchantes.
Un grand coup de coeur magnétique.