Wahala

La couverture de Wahala peut faire peur, elle donne pourtant une très bonne idée de ce qui nous attend. Les petites perles de verre brodées font partie de l'art du Cameroun, elles recouvrent non seulement des masques, mais aussi des tabourets, des sculptures entières, des objets divers. Elles s'arborent comme protection, amulettes ou costume de danses portés par hommes ou femmes. Elles nous introduisent dans la culture bamiléké, une ethnie du nord-ouest du pays, un peu en contrebas de la zone anglophone sécessionniste, « terroriste » selon le pouvoir central de Paul Biya, et certainement armée par les « Boko-Aram du Nigéria voisin.
C'est la guerre dans le Nord du Cameroun, avec tout ce que cela comporte d'atrocités.
Un Français atterrit par hasard à Yaoundé, la capitale, s'imaginant « arriver dans un pays miroir, une sorte de France à l'africaine où les règles non dites et les comportements sont semblables ». Preuve de son innocence couplée avec l'ignorance absolue du pays où il est destiné pourtant à travailler dans une ONG, il sort le soir de son hôtel, avec passeport et tout son argent, et que croyez-vous qu'il arriva ? il se fait salement attaquer et voler.
Le capitaine Ronin, très certainement une réplique de l'auteur Thierry Bonneau II, qui lui-même, en tant qu'attaché de sécurité intérieure à l'ambassade de France à Yaoundé, sait parfaitement ce que c'est que de venir en aide à ces innocents venus d'Europe persuadés qu'ils vont « aider »,ou bien attirés par l'argent, ou par la chair fraiche (qui parfois coûte vraiment cher) ou pour combler leur vide existentiel, ce qui est le cas de notre anti-héros, Monsieur Haubert.
Le roman est ponctué de proverbes africains en guise de citations, style « « c'est quand un moustique se pose sur tes testicules que tu comprends que la violence ne résout pas tous les problèmes », ou : « Si en te baignant tu as échappé au crocodile, prends garde au léopard sur la berge ». Il nous permet, en plus d'admirer le sang-froid, la prudence, le courage et la parfaite connaissance de ses interlocuteurs camerounais du Colonel Ronin, la visite des chefferies bamilékés. Ces chefferies, vraies petites monarchies de droit divin, peuvent avoir à leur tête un monarque éclairé, ou un fou furieux ivre de haine contre le pouvoir des Blancs, qui se méfie de « ces ONG fouille-merde lanceuses d'alerte, comme disent ces cons de Blancs. Droits de l'homme ! Conneries ! Qu'ils nous foutent la paix et se mêlent de leurs affaires ! »
Le pouvoir en place ne vaut pas mieux, avec l'extorsion permanente opérée par les policiers qui se disent mal payés et qui le sont vraiment, les services rendus qui se monnayent, l'argent facile placé dans une banque africaine peu regardante.
Et puis, pour couronner le tout, parmi les « ambaboys » anglophones, un tueur prêt à tout, dont Thierry Bonneau nous énumère les carnages.
Si ce livre est un petit joyau, ce n'est certes pas pour les tueries exposées, mais pour la présentation de l'autre partie du Cameroun, celle où la paix règne malgré les malversations, où l'on peut aller visiter les villes, aller à la piscine d'un grand hôtel, contempler la beauté de la montagne de 4000 mètres, se cultiver quant à l'origine égyptienne des Bamilékés, pourtant ethnie défavorisée par le pouvoir politique, et nous enchanter à la lecture de ces proverbes africains pleins de sagesse : «  N'insultez pas le crocodile lorsque vos pieds sont encore dans l'eau  », ou bien : « Assieds-toi auprès d'un arbre et avec le temps tu verras défiler l'univers devant toi.»
Sans oublier les vêtements portés par les chefs, les tissus « Ndop » bleus indigo avec réserves de blancs formant des entrelacs géométriques.

Le Jurassien Yves Haubert n'aura pas besoin de pull over au Cameroun. C'est le coeur et la valise légère qu'il débarque sur le continent africain. Un poste dans une ONG de panneaux solaires l'attend de pied ferme une fois sur place. Mais dès sa sortie du Boeing 777, il va vite avoir quelques petits soucis ...Ma foi, trois fois rien , des formalités administratives et des inculpations de toutes sortes ...Le moral au plus bas, il fait la rencontre à l'Ambassade de France d'une séduisante avocate bamiléké qui va le défendre et lui faire voir du pays... Faut bien un peu de douceur dans ce monde de grands fauves ! Parce que le bougre, il n'est pas au bout de ses peines...
Pour son premier roman policier, le colonel Thierry Bonneau a le bras déjà bien armé et ne rate pas sa cible. Il nous emmène par le bout du nez et au pas de troupe au coeur de L'Afrique qu'il connaît bien, au Cameroun où sévissent des guerres de chefferies, des milices armées, des coupeurs de routes, des politiciens véreux, des allumés de toutes sortes ...Et où il ne fait pas bon d'être une proie, surtout si tu es un blanc bec ! Là tu risques d'en voir de toutes les couleurs notamment si tu croises la route de Killer le Balafré et Bishop qui ont l'air de sortir tout droit de l'enfer.
En sus du polar trépidant , Wahala est fort bien documenté en proverbes africains, en géopolitique et en pratiques ethnologiques, ce qui en fait un roman fort enrichissant mais je préfère vous prévenir qu' il vaut mieux avoir le coeur bien accroché pour affronter quelques scènes terribles qui risquent d'en faire pâlir plus d'un ou d'une . Pour rassurer les moins téméraires, une pointe de romantisme bienvenue adoucit et pimente le tout. Ce mélange des genres ma bien plu.
Wahala, même pas peur, quoi que...
Je remercie Babelio, Masse critique et les éditions Lajouanie pour la découverte de cet auteur qui devrait faire couler beaucoup d'encre.

L'Afrique n'est plus la terre conquise par les colonisateurs anglais et français au XIXème siècle. Elle se mérite et ne se comprend qu'avec humilité et ouverture d'esprit. Comme toute autre région du Monde, la patience est une vertu indispensable pour découvrir l'humanité qui réside naturellement dans une partie de ses habitants alors que son image est malheureusement ternie à la base par quelques tristes sires profitant du système et souhaitant conserver coûte que coûte leurs prérogatives . Par ailleurs le blanc n'est pas toujours le bienvenu même si sa présence n'a rien à voir avec la politique du pays et le jugement qu'il peut porter à son égard.
Yves Aubert,un ingénieur venant du Jura pour rejoindre une ONG au Cameroun,va vite s'en rendre compte.
Pris à ses dépends dans une terrible mécanique où se mêle sans ordre particulier, jeux de pouvoir et d'influence, corruption à grande échelle, suspicion de subversion, guerre civile entre des ethnies francophones au pouvoir et celles, anglophones qui souhaitent leur indépendance. il ne pourra compter que sur deux êtres bienveillants pour se sortir vivant de ce guêpier : un attaché de sécurité intérieure auprès de l'Ambassade de France qui a su développer un beau réseau sur place, son avocate bamiléké qui ne manque ni de charme ni de caractère. Un séjour qui changera sa vie à tout jamais.

Pour un premier roman c'est une belle réussite. Thierry Bonneau ne connaît pas seulement l'Afrique (et le Cameroun en particulier) comme sa poche il parvient, à travers sa plume acérée , à nous plonger dans ce récit tant dépaysant que captivant, dans lequel il malmène sans vergogne l'un de ses principaux personnages tout en lui ouvrant les yeux sur cette culture si différente de la sienne. Un périple semé d'embûches de toutes sortes et de toute part qui va l'emmener dans l'Ouest du Cameroun, cette zone anglophone dans laquelle une véritable guerre civile subsiste contre le régime francophone au pouvoir à Yaoundé. Une guerre sans merci même si elle se déroule dans un silence étourdissant aux yeux du Monde.
Peu de temps mort dans ce roman, où la réalité de la situation géopolitique complexe du Cameroun. rejoint la fiction que supportent des personnages attachants et d'autres beaucoup plus effrayants, habités par une folie sanguinaire.
Je recommande.

Bon moment passé en compagnie de Thierry Bonneau et de son Wahala, arrivé par ici suite à une Masse Critique Babelio. Un grand merci donc aux Éditions Lajouanie.
Comme le dit fort justement la première de couverture, un roman policier mais ... pas que ! Rompol classique d'abord. Nous suivons Yves Haubert, qui cherche à prendre un nouveau départ, à donner un nouveau sens à sa vie, et qui fait le grand saut vers l'inconnu en débarquant au Cameroun. Bien évidemment, rien ne se passe comme prévu, et les péripéties vont s'enchaîner à un rythme effréné - parfois un peu trop d'ailleurs - pendant les 350 pages du livre.
Une lecture agréable, rapide, un parcours presque initiatique du héros malgré lui, à la découverte d'un monde qu'il ne connaît pas, structuré autour de trois grands moments qui seront autant de lieux et presque de temps différents dans l'ouvrage.
Parfois déroutant - j'ai parfois mis du temps à voir le lien entre les différentes parties, à saisir la cohérence du propos - mais dépaysant, j'ai un peu regretté le léger manque de profondeur dans certaines descriptions, dans la compréhension des personnages ou certains raccourcis. En revanche, la plongée dans le Cameroun contemporain est réussie, du moins c'est mon ressenti, pour le peu que j'en connais. On sent la connaissance que l'auteur a du contexte local, et cette découverte des tensions qui traversent le pays est à n'en pas douter l'un des points forts de ce roman.

« Wahala » signifie malheur, Peine, peur, Terreur… le ton est donné d'emblée…
L'histoire : Yves Haubert, ingénieur jurassien, s'ennuie dans sa vie… A la demande d'un ami, il va débarquer au Cameroun pour y intégrer une ONG installée depuis plusieurs années et chargée, entre autres, de l'installation de panneaux solaires sur les toits des écoles. Décidé à changer d'horizon, Yves débarque sans la moindre idée de ce qui l'attend…
C'est pour ce type de rencontre que j'aime aller dans les salons ! (Nemours)
Au détour d'un paravent, une couverture m'attire : une sorte de masque ethnique plutôt effrayant ; derrière cette table, un homme discret, sourire timide, s'excusant presque d'être là, répond doucement à mon Bonjour… face à mon questionnement sur son (unique) livre présenté devant lui, il prend confiance et s'emballe peu à peu dans la description de son vécu au Cameroun…
Et quel vécu !
Colonel retraité, Thierry Bonneau raconte le Cameroun vu de l'intérieur avec ses dérives, les malversations des dirigeants en place, les groupuscules ethniques qui s'entretuent sans que le pouvoir ne tente rien pour les en empêcher… voire même cautionne et profite de cette violence.
Tout le monde sait que le continent africain n'est pas le « paradis des Bisounours » mais les faits relatés par Thierry Bonneau glacent le sang ! Tiraillé entre les guerres d'influence des pouvoirs et les groupes terroristes, le Cameroun et sa population (sur)vivent au milieu de massacres et de magouilles dont personne n'entend parler hors du pays…
Un témoignage poignant malheureusement réaliste ☹
Sur le plan de l'écriture, j'ai beaucoup aimé ce récit rythmé, parfois teinté d'humour malgré l'horreur de certains passages…
Un petit côté Caryl Ferey qui m'a immédiatement séduite et m'incite à suivre ce Grand Monsieur… D'ailleurs, j'ai vu passer un nouveau titre dont la sortie est imminente : L'expatrié, sortie le 17 mars aux Editions Lajouanie.