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EAN : 9781091504295
L'Arbre vengeur (08/04/2015)
4.39/5   9 notes
Résumé :
« Dans la banlieue nord de Paris, il y a une ville terrible et charmante. En elle, confluent les déchets, les résidus, les immondices sans nom que produit la vie d’une capitale. C’est Aubervilliers-la-Poudrette et Aubervilliers-la-Fleurie, la ville aux deux figures, l’antique et la moderne, la chaudière de l’Enfer et la corbeille du Printemps ».
À deux pas des boulevards dits modernes, la révolution industrielle continue ses ravages à l’aube du XXe siècle. On... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Chiffonniers, charretiers, brodeuses, blanchisseuses, terrassiers, repasseuses, boyaudières, équarisseurs, ramasseurs de crottes de chien (que les tanneurs utilisaient pour nettoyer le cuir), écumeurs d'égoûts en quête de flaques de graisse de porc (pour l'industrie du savon), voilà une partie du vaste panorama des petites combines (plus que de véritables métiers tant ils sont précaires) que nous décrit avec une subtile empathie Léon Bonneff, consciencieux journaliste du tout début du XXème siécle.

Rajoutez la misère, la crasse, la putréfaction, les maladies, les accidents de travail, accompagnés par ce navrant fatalisme de la classe laborieuse, qu'on retrouve aujourd'hui encore.
Rajoutez, pour tenter d'oublier tout ça, l'omniprésence de l'alcool : bière, vin, calva, rhum, vodka, absinthe... j'en oublie.
Des hommes souvent ivrognes, violents, fainéants, infidèles. Leurs femmes qui ont appris, tant bien que mal, à s'en défendre ou à les chasser.

Prenez garde, lectrices, lecteurs : il faut parfois avoir l'intestin bien disposé pour encaisser les minutieuses descriptions des abattoirs d'Aubervilliers. Les pratiques ne semblent d'ailleurs pas avoir évolué, toujours aussi révulsantes que dans les abattoirs "modernes" (merci à L214 puisque désormais ils se cachent).

Un témoignage vivant et militant de la vie d'Aubervilliers il y a plus d'un siècle.
Si nos journalistes pouvaient s'inspirer de Léon Bonneff ... on n'en serait pas là.
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Aubervilliers narre la vie d'ouvriers désemparés à la fin du 19ème siècle où la révolution industrielle bat son plein dans le plus pur mépris des travailleurs : couturiers, cordonniers, parfumeurs, equarisseurs, chiffonniers... Tout est noir, crasseux, sordide : le lecteur ne veut pour rien au monde vivre ce que ces multiples protagonistes endurent chaque jour de l'année avec au mieux une journée de repos par semaine. Des existences basées sur la survie et le travail avant tout : pas de place pour les loisirs ou le repos. Et le soir, les bistrots se remplissent et toutes les paies y sont dépensées pendant que les femmes s'occupent de leurs progénitures. Aucune perspective positive à l'horizon pour ces refoulés de la société capitaliste.

L'écriture est très journalistique et il ne faut s'attendre à s'attacher à tel ou tel personnage car finalement ici tous ont leur importance, le but étant a priori de ratisser large en nous montrant l'éventail de la condition ouvrière sur une époque pas si lointaine. Ici, le lecteur est invité à s'imprégner de la crasse et de la misère sans se soucier de son attachement à une personne ou situation en particulier.

Une belle découverte que cet auteur malheureusement trop méconnu et qui mériterait d'être mis en avant notamment au niveau éducatif par son originalité, sa sincérité et sa pertinence.
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Un ouvrage passionnant sur la vie et la condition ouvrière parisiennes à l'aube du XXe siècle ! Enrichi de nombreuses anecdotes sur les déboires d'une société de plus en plus fracturée par l'écart des classes entre elles, le texte est un panorama de la vision humaine de l'époque. Ce monde à deux vitesse, bien que descriptif et critiqué, est encore celui que l'on retrouve aujourd'hui, même si l'asservissement est devenu plus subtil.
L'on regrette le destin tragique de Léon Bonneff, visionnaire parti trop tôt dans des conflits qui dépassent l'entendement humain...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il faisait valoir aux industriels que le mal du syndicalisme attendrait infailliblement leur personnel s'il ne l'avait atteint déjà, et que les revendications qui en seraient la conséquence lèseraient les intérêts des patrons, soit par l'augmentation des prix de main d'oeuvre, soit par les frais d'une longue résistance à la grève.
Et il proposait d'enrayer les progrès du syndicalisme revendicateur par un contre-syndicalisme satisfait ; de vacciner les travailleurs contre l'influence de la Confédération Générale du Travail.
Il parlait avec facilité et, par moment, avec une emphatique éloquence. Il dit que les grèves ruinaient l'ouvrier ; que les meneurs de la CGT buvaient du champagne, mangeaient des huîtres et coulaient leurs jours dans la plus nonchalante oisiveté à cause de l'aveuglement des syndiqués, leurs dupes, dont les cotisations les entretenaient grassement. Il conclut en déclarant que seule une entente avec le patron réalisée par un syndicat sérieux pouvait entraîner de grands avantages en faveur des ouvriers.
Les hommes l'écoutèrent avec indifférence mais quand il eut fini beaucoup l'applaudirent.
Un orateur qui s'exprime sans hésitation et parle très haut est toujours applaudi ; c'est un geste machinal, une politesse traditionnelle, on frappe les mains comme on choque les verres au moment de boire.

(page 254)
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L'organisation du travail chez les maraîchers présente des inconvénients.
C'est connu.
Sortir de la tiédeur du lit pour s'asseoir immobile sur le siège étroit d'une charrette, côte à côte, bras contre bras, genoux serrés, avec un gars robuste, c'est une épreuve pour les jeunes femmes. Elle se renouvelle toutes les nuits.
Le pas régulier du cheval qui ne trotte jamais et qu'on n'a pas besoin de guider tant il connait la route berce et ramollit les corps rapprochés.

il est beaucoup de maraîchères qui supportent la tentation sans faiblir : pas toutes. Quelques maraîchers sont cocus ; l'infortune conjugale est un risque de leur commerce, c'est un accident professionnel. Ils l'ignorent joyeusement.
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Aussi la blanchisseuse fonctionna-t-elle toute la nuit. On avait appliqué les volets sur la devanture, mais la chaleur était devenue si intolérable qu'on se décida à ouvrir la porte sur le coup de deux heures du matin. À pareil moment, l'inspecteur du travail est couché. Et si même un zèle extraordinaire le conduisait à la boutique et s'il demandait des explications sur la présence insolite des ouvrières, on lui répondrait que l'une était la soeur de la patronne et l'autre sa cousine et il ne pourrait pas dresser contravention, car la loi permet d'occuper les parents aussi longtemps qu'on le veut.

(page 246)
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Il viendra des machines qui feront les tâches répugnantes. Il y aura des conducteurs de machines sur les chantiers où cent hommes peinent maintenant. Les chômeurs se désoleront.

Mais les enfants des chômeurs auront une vie plus facile que leurs pères et ils vivront plus vieux.
Ils perdront le souvenir du travail horrible et ils ne jugeront pas heureux leur sort amélioré. Ils auront la nostalgie d'un bonheur qui cessera d'être le bonheur quand ils le possèderont. Car les hommes, s'obstinant à chercher la vie bonne, sont pareils aux enfants qui mordent une pomme verte et se désolent de ne pas lui trouver la douceur du miel.

(page 327)
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À Aubervilliers, on ne constate pas que le vent vient de l'Ouest ou de l'Est, du Nord ou du Sud, apportant la pluie, le froid ou le temps sec. On dit :
- Ça sent Clochet (la parfumerie), il va pleuvoir.
- Ça sent Patoche (la colle), il fera beau.
- Le vent vient de chez Bignon (le suif), c'est la gelée.
- Chocarne empoisonne, il y aura de l'orage.
À Aubervilliers, le nez est un baromètre.

(page 310)
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