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EAN : 9782707303295
178 pages
Editions de Minuit (01/04/1981)
4.33/5   374 notes
Résumé :
L'Etabli, ce titre désigne d'abord les quelques centaines de militants intellectuels qui, à partir de 1967, s'embauchaient, " s'établissaient " dans les usines ou les docks. Celui qui parle ici a passé une année, comme 0. S. 2, dans l'usine Citroën de la porte de Choisy. Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, il raconte aussi la résistance et la grève. Il raconte ce que c'est, pour un Français ou un immigré, d'être ouvrier dans une gran... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
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L'établi de Robert Linhart est l'un de ces témoignages qui nous font découvrir le monde ouvrier de l'intérieur. En effet, si l'établi est une table servant à bricoler, il désigne aussi la personne infiltrée dans une usine afin de défendre et de propager les droits des ouvriers.
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En l'occurrence, ROBERT Linhart a infiltré l'usine Citroën après mai 68. Lui, l'intellectuel qui aurait pu être professeur, découvre alors le monde de la fabrication de voitures à la chaîne : les produits toxiques, les cadences infernales, les patrons inhumains, les droits bafoués, la santé mise en danger, les horaires discutables, toute personnalité niée. Autant de causes pour lesquelles l'auteur est déterminé à se battre.
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Pour cela, il devra se faire passer pour un authentique ouvrier à la fois auprès des chefs, de la direction mais aussi du personnel. Celui-ci, réservé au départ du fait des cadences imposées, mais aussi de la crainte des représailles, finit par adopter ce français de souche pas très doué pour les travaux manuels. Ces ouvriers, dont très peu sont de nationalité française, nous livrerons alors leur souffrance. Robert Linart devra vivre leur vie et endurer leur calvaire pour faire de la grève libératrice son cheval de bataille, afin de défendre leurs intérêts et par extension ceux de toute la population ouvrière de notre pays.
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Pour ce faire, il en bavera : d'une part, il devra effectuer le travail de tout ouvrier à la chaîne ; d'autre part, il devra subir les représailles de la direction qui n'aura de cesse, une fois son identité découverte, de lui imposer des conditions de travail de plus en plus difficiles pour briser le mouvement de soulèvement qu'il est en train de faire naître et qui perturbe la production, les rendements et les chiffres.
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Un univers qui ne nous est plus inconnu aujourd'hui, mais qui méritait d'être dénoncé. Un très joli portrait d'usine extrêmement humain, avant tout militant mais aussi instructif. Il nous rappelle ce pourquoi ou contre quoi nous devons continuer à lutter chaque jour : l'humain au service de la machine et du chiffre d'affaires, l'humain presque esclave de lui-même, l'humain emprisonné dans une cadence, des mouvements répétitifs, de graves accidents du travail ou des maladies professionnelles, une négation totale de sa vie, de ses besoins mais surtout de sa dignité.
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Et si parfois les syndicats nous semblent irritants, ce livre tend à rappeler pour quoi ils se battent.
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Un livre utile qui, dans une certaine mesure, m'a rappelé la Scierie, dont je vous mets le lien ci-dessous.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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En cette journée internationale des travailleurs, quelle lecture plus appropriée que celle de "L'établi" ?
En Septembre 1968, Robert Linhart, fondateur du mouvement maoïste en France et diplômé de Normale Sup, se fait embaucher chez Citroën pour fabriquer des 2CV, mais surtout pour y faire de l'entrisme, c'est à dire diffuser les idées révolutionnaires auprès des ouvriers. Ce faisant, il va se confronter à la réalité du travail à la chaîne, à laquelle ne l'avaient pas préparé ses théories marxistes-léninistes.

De Robert Linhart, j'admirais surtout la soeur, Danièle, formidable sociologue. Je déteste les Maos, et si je n'avais pas vu et autant apprécié le film de Mathias Gokalp inspiré de ce livre, je ne l'aurais jamais lu. Et quelle grossière erreur c'eût été ! Car l'intérêt particulier de ce témoignage est qu'il a été écrit en 1978 ; Linhart avait alors suffisamment de recul pour analyser avec une redoutable acuité tout ce qu'il a vécu au cours de son expérience prolétarienne.
Ce livre est donc le récit de ses onze mois passés à l'usine. L'auteur raconte la laideur, le bruit, l'odeur, l'abrutissement des corps, l'engourdissement des esprits, le mépris, la peur, le racisme, la fatigue, le flicage, la résignation, et puis la colère, la révolte, la solidarité, la grève, et la répression patronale. le tableau qu'il fait des "maîtres", blouses blanches, blouses bleues, complets-vestons, est à vomir ; pour autant, les ouvriers ne sont pas systématiquement parés de vertus, et lui-même se remet en question : "Je m'étais rêvé agitateur ardent, me voici ouvrier passif. Prisonnier de mon poste." Parce qu'il n'est pas facile de résister à dix heures de cadences continues.
J'ai été très touchée par l'humilité de cet intellectuel dépourvu d'habileté manuelle qui, sans relâche, oeuvre subtilement à éveiller les consciences ouvrières. J'ai surtout aimé la façon dont, dix ans plus tard, il continue de défendre la classe ouvrière : "Personne ne naît O.S. ; on le devient." (Et je vous laisse découvrir la toute dernière phrase du livre, une pure splendeur). En outre, au-delà du récit, son témoignage est une puissante réflexion d'une rare intelligence sur le monde du travail dans tous ses aspects -et force est de constater que son analyse est toujours d'actualité, qu'elle porte sur l'aliénation du travail, les manipulations managériales, ou même la grève : "Au fond, toutes les grèves se ramènent à ça. Montrer qu'ils n'ont pas réussi à nous briser. Que nous restons des hommes libres."

C'est donc un ouvrage remarquable, d'une profonde humanité, une démonstration implacable de ce qu'est réellement la lutte des classes. Je suis sortie bouleversée de cette lecture et plus riche de connaissances sur le monde ouvrier. En cela, le livre est bien supérieur au film, pourtant très réussi.
Et je ne regarderai plus les sympathiques deudeuches de la même façon, désormais.

Bonne fête du 1er Mai à tous !
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J'ai vu avec intérêt le film « L'établi », sorti en avril dernier. Comme tous les films qui décrivent le monde du travail, agricole, industriel. En résonance avec les échos des discussions et contestations des sujets sociaux, j'ai voulu me plonger dans le texte, qui a servi de référence au scénario du film. Et je ne le regrette pas. Au contraire.
La force des mots dans la séduction des images du film, aussi réalistes de la reconstitution soient-elles.
Ce récit autobiographique d'une immersion de « l'intellectuel » Robert Linhart, d'une durée d'un an, dans une usine d'assemblage de Citroën. Un récit écrit 10 ans après la réalisation de celle-ci.
Un récit dense où l'on découvre le monde ouvrier de l'après 67 avec ses difficultés ; physiques, et là on prend la mesure du concept de « pénibilité » (même si aujourd'hui on peut raisonnablement penser que des progrès technologiques ont amélioré l'ergonomie des postes), et morales.
le politique avec les rapports de force, les manoeuvres, l'arrogance voire le racisme ambiant. L'entraide. On comprend bien, avec les mots, le souffle de la prise de conscience de la dignité, qu'a su inspirer ‘auteur dans la mécanique de contestation des décisions de la direction.
Précis, humain et donc instructif.
Une démonstration pratique… de la lutte des classes, et de l'engagement concret de l'auteur qui ne cache pas ses convictions, franc sur ses sentiments, qui confère une authenticité indéniable à ce récit et qui incite au respect ;
Un petit livre que je conserverai.
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C'est un livre daté comme le sont certaines expressions : "prendre son compte" = démissionner. Il date de la 2 CV grise et de la chaîne que l'on remonte à contre-courant pour gagner les 2 à 3 minutes d'une pause cigarette. Les chefaillons, le syndicat C.F.C. pro-patronat, les brimades, les punitions, les bruits, les odeurs, la chaleur, le froid de l'usine sont dépeints avec réalisme.
Au lendemain de 68, il s'est "établi" pour contribuer à la lutte des ouvriers à l'intérieur de Citroën. Lui, c'est le narrateur, un intellectuel qui continue le combat et qui débraye sur place avec quelques camarades pour bloquer la chaîne.
Une année de sa vie de travail jusqu'à son licenciement le 31 juillet, veille de la fermeture de l'usine au mois d'août.

L'écriture respire le vécu, la difficulté et le regard de celui qui n'était pas préparé, mais qui réalisera son "vrai" travail d'établi.
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Robert Linhart a passé une année comme O.S.2, à l'usine Citroën de la porte De Choisy. Sans s'attarder sur son parcours ni ses motivations, il raconte son expérience, le quotidien des différents postes de travail qu'il occupe, les humiliations, le racisme de la hiérarchie, le « système Citroën », la grève qu'il tente d'organiser, la répression qu'il subit. Car il ne s'est pas « établi » pour fabriquer des voitures mais pour contribuer à l'organisation de la classe ouvrière.
(...)
Un « classique », témoignage d'une époque et d'une forme d'engagement.

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
L'enchevêtrement fracassant qui m'avait abasourdi le premier jour s'est progressivement ordonné, au fil des itinéraires, des rencontres et des postes connus. (...) C'est comme une anesthésie progressive: on pourrait se lover dans la torpeur du néant et voir passer les mois - les années peut-être, pourquoi pas? Avec toujours les mêmes échanges de mots, les gestes habituels, l'attente du casse-croûte du matin, puis l'attente de la cantine, puis l'attente du casse-croûte de l'après-midi, puis l'attente de cinq heures du soir. De compte à rebours en compte à rebours, la journée finit toujours par passer. Quand on a supporté le choc du début, le vrai péril est là. L'engourdissement. Oublier jusqu'aux raisons de sa propre présence ici. Se satisfaire de ce miracle: survivre. S'habituer. On s'habitue à tout, paraît-il. Se laisser couler dans la masse. Amortir les chocs. Éviter les à-coups, prendre garde à tout ce qui dérange. Négocier avec sa fatigue. Chercher refuge dans une sous-vie. La tentation...
On se concentre sur les petites choses. Un détail infime occupe une matinée. Y aura-t-il du poisson à la cantine? Ou du poulet en sauce? Jamais autant qu'à l'usine je n'avais perçu avec autant d'acuité le sens du mot "économie". Economie de gestes. Economie de paroles. Économie de désirs. Cette mesure intime de la quantité finie d'énergie que chacun porte en lui, et que l'usine pompe, et qu'il faut maintenant compter si l'on veut en retenir une minuscule fraction, ne pas être complètement vidé.
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Je m'étonne. Il n'est que manoeuvre? Ce n'est quand même pas si facile, la soudure à l'étain. Et moi qui ne sai rien faire, on m'a embauché comme "ouvrier spécialisé" (O.S.2, dit le contrat) : O.S., dans la hiérarchie des pas-grand-chose, c'est pourtant au-dessus de manoeuvre... Mouloud, visiblement, n'a pas envie de s'étendre. Je n'insiste pas. A la première occasion, je me renseignerai sur les principes de classification de Citroën. Quelques jours plus tard, un autre ouvrier me les donnera. Il y a six catégories d'ouvriers non qualifiés. De bas en haut: trois catégories de manoeuvre (M. 1., M. 2, M.3); trois catégories d'ouvriers spécialisés (O.S. 1, O.S. 2, O.S. 3). Quand à la répartition, elle se fait d'une façon tout à fait simple: elle est raciste. Les Noirs sont M. 1, tout en bas de l'échelle. Les Arabes sont M. 2 ou M. 3. Les Espagnols, les Portugais et les autres immigrés européens sont en général O.S. 2. Les Français sont, d'office, O.S. 2. Et on devient O.S. 3 à la tête du client, selon le bon vouloir des chefs. Voilà pourquoi je suis ouvrier spécialisé et Mouloud manoeuvre, voilà pourquoi je gagne quelques centimes de plus par heure, quoique je sois incapable de faire son travail. Et après, on ira faire des statistiques subtiles sur la "grille des classifications", comme disent les spécialistes.
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"Le premier jour d'usine est terrifiant pour tout le monde, beaucoup m'en parleront ensuite, souvent avec angoisse. Quel esprit, quel corps peut accepter sans un mouvement de révolte de s'asservir à ce rythme anéantissant, contre nature, de la chaîne ? L'insulte et l'usure de la chaîne, tous l'éprouvent avec violence, l'ouvrier et le paysan, l'intellectuel et le manuel, l'immigré et le Français. Et il n'est pas rare de voir un nouvel embauché prendre son compte le soir même du premier jour, affolé par le bruit, les éclairs, le monstrueux étirement du temps, la dureté du travail indéfiniment répété, l'autoritarisme des chefs et la sécheresse des ordres, la morne atmosphère de prison qui glace l'atelier." (p. 25)
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le vestiaire me fascine. Il fonctionne comme un sas et, tous les soirs, une métamorphose collective spectaculaire s'y produit. En un quart d'heure, dans une agitation fébrile, chacun entreprend de faire disparaître de son corps et de son allure les marques de la journée de travail. Rituel de nettoyage et de remise en état. On veut sortir propre. Mieux, élégant.
L'eau des quelques lavabos gicle en tous sens. Décrassage, savon, poudres, frottements énergiques, produits cosmétiques. Etrange alchimie où s'incorporent encore des relents de sueur, des odeurs d'huile et de ferraille. Progressivement, l'odeur des ateliers et de la fatigue s'atténue, cède la place à celle du nettoyage. Enfin, avec précaution, on déplie et on enfile la tenue civile : chemise immaculée, souvent une cravate. Oui, c'est un sas, entre l'atmosphère croupissante du despotisme de fabrique et l'air théoriquement libre de la société civile. D'un côté, l'usine :saleté, veste usée, combinaisons trop vaste, bleus tachés, démarche traînante, humiliation d'ordres sans répliques ( " Eh, toi!"). De l'autre, la ville : complet-veston, chaussures cirées, tenue droite et l'espoir d'être appelé "Monsieur".
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Il est évident que pour travailler à la chaîne, il est indispensable de présenter de sérieuses garanties de moralité. On ne va pas donner huit cents franc par mois pour dix heures de travail par jour à des gibiers de potence! Mais n'allez pas croire que, cette rigoureuse sélection effectuée, Citroën considère pour autant que ses ouvriers sont d'honnêtes gens. Non. Pour Citroën, tous les ouvriers sont des voleurs potentiels, des délinquants qu'on n'a pas encore pris sur le fait. Nous sommes l'objet d'une surveillance rigoureuse de la part des gardiens, qui procèdent à des fouilles fréquentes à la sortie de l'usine ( "Eh là, toi!.... Oui, toi, ouvre ta serviette"..." Fais voir l'intérieur de ton manteau, ça à l'air gonflé.") . Fouilles humiliantes, tatillonnes, stupides. Sandwichs minutieusement déballés. Pour les ouvriers, bien sûr. Jamais on ne fouillera une de ces voitures de cadres qui circulent librement : tout le monde sait bien qu'ils embarquent des boîtes de vitesse entière et qu'ils se servent sans gêne dans les accessoires. Pour eux, l'impunité est assurée. Mais le pauvre type qu'on aura piqué à sortir un tournevis est sûr d'être licencié sur-le-champ.
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L'établi, d'après Robert Linhart.
>Economie>Economie du travail>Les travailleurs, selon les industries et les activités (12)
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