Boulgakov, avec ce tout petit roman, nous plonge d'emblée dans la frénésie épileptique d'un monde en pleine furie. Ce livre a sans doute été écrit très rapidement, d'une seule traite sans respirer, comme s'il fallait noter à toute vitesse de peur d'en oublier. Pour ce faire il utilise un personnage sans signe particulier, le camarade Korotkov. Ce pauvre cam. Korotkov est licencié par suite d'une malheureuse confusion d'écriture entre le nom de son supérieur hiérarchique et des caleçons. À partir de là, il tentera de réparer cette bévue, ou à tout le moins de s'en expliquer, mais comme dans les plus mauvais rêves, plus il s'acharnera à se tirer de ce mauvais pas, plus sa situation empirera. Il ne trouvera la solution qu'en fuyant dans les airs du haut d'un immeuble, or il avait oublié qu'il n'avait pas d'ailes.
Beaucoup disent que ce roman est une charge contre le système soviétique, je ne suis pas sûr qu'il s'agisse uniquement de cela. Pour ma part, j'ai surtout l'impression d'une personne (
Boulgakov) qui voit une société (peut-être un monde) en pleine convulsion épileptique, dans laquelle la course et l'agitation sont les maîtresses. Cette accélération bouleverse les modes de perception des individus qui ne comprennent plus ce qui les entoure. du coup, l'angoisse saisit celui qui sent un déphasage entre le lui et le monde, comme si subitement il en était devenu étranger (à noter que Korotkov n'a plus de papiers d'identité). Il aura beau faire, mais il n'y aura jamais de place pour lui.
Ce roman haletant et complètement loufoque du début jusqu'à la fin est à conseiller aux lecteurs qui apprécient l'insensé et le non construit.