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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce récit délirant sent le soufre et vous fait perdre la boule. Je vous aurai prévenus.

Endiablade ou Comment des jumeaux causèrent la mort d'un chef de bureau fit une entrée tonitruante sur la scène littéraire soviétique. le début de la gloire et des persécutions pour le jeune Boulgakov qui avait abandonné la médecine pour se consacrer à l'écriture. L'ouvrage fut publié dans l'Almanach Nedra en 1924 puis retiré de la vente un an plus tard sous l'influence de la critique prolétarienne. Celle-ci condamna le pamphlet antisoviétique. Mais une partie de la critique défendit Boulgakov. Les modérés virent en lui le continuateur des satiristes du XIXe qui s'étaient attaqués à la bureaucratie à la suite de Gogol (le Manteau, le Journal d'un fou). Les modernistes saluèrent un talent prometteur. Evgueni Zamiatine écrivit dans les Izvestia :"L'auteur, sans aucun doute, a été bien inspiré de choisir pour cadre un fantastique, enraciné dans la vie quotidienne, rapide, comme dans un film »(...) » on peut s'attendre à du bon travail ». Endiablade s'inscrit dans la tradition et annonce par bien des aspects le Maître et Marguerite.
Pour le résumé, tout est dans le titre !
Bartholomé Korotkov (« Petit homme ») est un petit blond paisible, un brin candide, qui compte bien terminer sa carrière à la Glavtsentrbazspimat (spimat en abrégé, Premier Dépôt central de matériel pour allumettes ) où il est chef de bureau .Mais, le 21 septembre 1921 le caissier arrive avec une poule dans les bras. Il n'y a plus d'argent. Les salariés seront désormais payés en produits de la firme. Trois jours plus tard en effet, le camarade Korotkov rentre chez lui avec de jolis paquets colorés qui contiennent... des allumettes. Mais, il est d'un naturel optimiste le brave Korotkov et compte bien les vendre. Il se rend chez sa voisine, en larmes car elle a été payée avec quarante six bouteilles de liquide rouge. de l'encre ? Non, du vin de messe ! Elle lui apprend que ses allumettes sont de mauvaise qualité car elle ne brûlent pas. Inquiété par les allégations de son idiote de voisine, Korotkov retourne dans sa chambre et teste les allumettes. L'une d'elle se fiche. dans son oeil gauche. Mais il ne se démonte pas car est vaillant et persévérant, il se fait un beau pansement et toute la nuit il craque des allumettes à la flamme verdâtre. Il réussit à en allumer soixante-trois, de quoi détromper son idiote de voisine et défendre l'honneur de la Spimat. Au matin, la chambre est remplie d' une étouffante odeur de soufre. Il s'endort. Il rêve d'une énorme boule de billard vivante et munie de jambes. Il se réveille, il lui semble bien qu'elle est toujours là et qu'elle répand une forte odeur de soufre puis elle s'évanouit et il s'endort, cette fois-ci pour de bon. le lendemain, au bureau un tout petit homme chauve large d'épaules lui apparaît dans un pré vert, le bouscule et le dispute vertement. Korotkov lui répond. Or c'est le nouveau chef de service Kalsoner, le bien nommé. Korotko va commettre sur ce nom une confusion croquignolette qui lui vaudra d'être injustement renvoyé. Ce qui s'en suivra sent le soufre et sera mené à un train infernal jusqu'à la fin annoncée.

L' histoire comme le remarque Zamiatine est enracinée dans les folles années 20 post-révolutionnaires. Il n'y a pas d'argent et les gens sont payés en nature, ils changent sans arrêt de travail du jour au lendemain, virés par de petits chefs virés à leur tour. de vrais pickpockets agissent dans les transports publics et volent les papiers des gens. Les produits manufacturés sont de mauvaise qualité. Les camarades vivent entassés dans des appartements collectifs surveillés. Les gens qui critiquent le système sont ostracisés, culpabilisés, broyés.
Endiablade est une nouvelle fantastique et tragique. C'est le récit d'un cauchemar ou le journal d'un fou-schizophréne . En tout cas le texte est délirant, plein de rythme, de fantaisie et d'humour caustique mais il est terrible. Quand le paisible Korotkov reçoit dans l'oeil l'allumette, il ne réagit pas tout de suite. Il fait apparaître la boule chauve qui diffuse l'odeur de soufre, à cause de son zèle stupide à faire craquer les allumettes, complice du système qui causera sa perte. le texte jusqu'alors plausible plonge dans le fantastique absurde et débridé. les corps se déforment, se dédoublent, les personnages apparaissent puis disparaissent à un rythme effréné. Limogé arbitrairement, Korotkov poursuit son directeur mais il ne parvient jamais à mettre la main sur un corps qui lui échappe, qui change de forme, qui change de nom, qui l'entraine d'escaliers en ascenseurs jusque dans une tour administrative labyrinthique dotée d'une centaine de portes avec des employés interchangeables. le lecteur lui même s'y perd car les noms changent et leurs référents sont de moins en moins évidents. Korotkov étouffe et fuit à son tour des policiers qui l'ont pris pour un autre et le poursuivent implacablement. le rythme du récit accélère encore et devient un tourbillon endiablé.
le diable c'est donc la machine bureaucratique totalitaire qui dans l'esprit pour le moins embrumé de Korotkov prend l'apparence d'une force diabolique protéiforme irrésistible. Les motifs maléfiques et apocalyptiques sont très nombreux. On les retrouvera dans le le Maître et Marguerite.
Un petit livre diabolique qui vaut la peine d'être découvert.
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"Endiablade" ( j'ai lu une traduction, dont le titre, est "Diablerie" ), est un bref texte, de Mikhaïl Boulgakov, valant principalement par son style picaresque, qui nourrit bien le côté quelque peu satirique, de ce bref récit.
Boulgakov, sait créer une ambiance très particulière, qui m'a tout simplement enchanté. Il faut dire qu'il sait très bien écrire, et que ces récits, sont parfaitement pensés et réfléchis.
J'ai eu plaisir, à découvrir ce récit bref et efficace. de la bonne littérature.
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Endiablade est une nouvelle de Mikhaïl Boulgakov publiée en février 1924 dans le périodique Niedra.

Le camarade Korotkov est un homme ordinaire qui occupe le poste de chef de bureau dans une fabrique d'allumettes. Cette existence stable va être bouleversée le jour où son salaire va lui être réglé non pas en roubles, mais avec les produits de la firme, des allumettes de mauvaise qualité. le soir, il s'acharne à craquer l'ensemble de son revenu, puis s'endort dans une épaisse odeur de souffre et fait un rêve terrible.
Ce qui suivra au réveil le sera d'autant plus. Tout se mêle : le rêve, le fantastique, la folie... Des jumeaux diaboliques apparaissent soudainement, les Kalsoner. L'un d'eux devient le supérieur de Korotkov et le renvoie aussitôt. le malheureux licencié va s'empresser de convaincre son responsable de changer d'avis, mais ne connaissant pas l'existence du frère, reste perplexe devant ces apparitions successives des Kalsoner dans les locaux de l'administration. Il se fait voler ses papiers d'identité au cours du trajet et court au sein de divers bureaux de l'administration pour obtenir une attestation. La situation va devenir inextricable et Korotkov (le lecteur aussi) va entrer dans la plus grande confusion. Il n'a plus d'emploi, plus d'identité, plus d'argent, plus de notion du temps... Tout va progressivement dégénérer.

Comme dans les oeuvres qui vont suivre, ce récit fantastique permet à Boulgakov de dresser une critique acerbe de la société soviétique naissante. Production de mauvaise qualité, administration délirante, goût prononcé de ces administrations pour les acronymes...
La nouvelle s'étire un peu sur la fin, il y a un ou deux chapitres en trop. Néanmoins, elle est d'une grande qualité et laisse présager le futur chef d'oeuvre de Boulgakov, le Maître et Marguerite, dont la rédaction débutera quelques années plus tard.
A noter que le titre a été modifié. le "Diablerie" de l'édition précédente s'est transformé en "Endiablade", néologisme plus proche du sens du texte.
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Si on ne doute pas que Boulgakov avait lu Kafka et que Goscinny avait lu Boulgakov, on se demande parfois comment tout ça a pu se mélanger avec les scènes les plus hallucinées de Las Vegas Parano. Parce qu'Endiablade (1924), c'est exactement ça : l'improbable rencontre de la Métamorphose et des 12 Travaux d'Astérix sous hallucinogène. La maison qui rend fou au jeune pays des Soviets.

C'est une courte nouvelle qui porte en germes les prémices du Maître et Marguerite. Boulgakov entame à peine sa carrière d'auteur, l'écriture est encore un peu maladroite, un peu fébrile, mais son style gentiment qualifié de fantastique par nombre de ses lecteurs est déjà certes satirique mais surtout complètement halluciné.

Boulgakov est l'haruspice des Soviets : il décortique les entrailles de leur pouvoir tout neuf et en tire de sombres présages, et nous savons désormais qu'il voyait juste.
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Après lu le formidable Maître et Marguerite, j'avais envie de retrouver la plume de Boulgakov et j'ai été gâtée ! Il excelle toujours autant à nous transporter dans son monde. Un véritable petit bijou et surtout je le conseille pour ceux qui n'oseraient pas se lancer dans son grand roman.
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Une autre nouvelle de Boulgakov qui se veut satirique de l'administration soviétique.

Korotkov, un modeste employé d'une usine d'allumettes, est renvoyé du jour au lendemain par un nouveau chef tyrannique. En essayant de récupérer son poste, il se perd dans les méandres d'un système tentaculaire avant d'en perdre tout à fait la raison.

Il s'agit comme à l'accoutumée d'une nouvelle efficace de Boulgakov avec un style fin, sec, rythmé sans temps mort. Parfois malheureusement un peu confus comme on lui reproche dans ses oeuvres plus secondaires. La sensation d'oppression ressentie par le personnage principal est très bien communiquée au lecteur. La qualité la plus grande de ce livre selon moi est l'humour omniprésent de Boulgakov. Ainsi, le patron "avec une tête d'oeuf dont la partie pointue regarde vers l'avant", les allumettes, les culottes etc ne manqueront pas de vous faire sourire.
La satire quant à elle est, comme d'habitude chez cet auteur qu'on ne présente plus, cinglante. Il y dénonce l'absurdité d'une administration violente, corrompue et inefficace à la manière de Coeur de Chien ou J'ai tué.

Il s'agit donc là d'une courte nouvelle, plaisante, intéressante historiquement et pour connaître l'ensemble de l'oeuvre de Boulgakov. Elle est toutefois assez difficile à suivre, confuse, et trop courte pour montrer l'ensemble du génie de l'auteur russe. Ainsi, les non-habitués au style de Boulgakov qui mêle tragique et comique, réel et fantaisiste, commissaires communistes et cochons volants pourront être déroutés.

C'est une oeuvre qu'il faut lire après avoir lu les autres inventions de Boulgakov.
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