Si je n'étais pas gâté par ma formation médicale, je dirais que l'homme ne peut travailler normalement qu'après une piqûre de morphine.
Le diable est dans un flacon. La cocaïne, c'est le diable dans un flacon!
... voici plus d'un an que je ne vois que mes malades qui, eux, se soucient de moi comme d'une guigne.
Moi, l'infortuné docteur Poliakov devenu morphinomane en février de cette année, je préviens tous ceux qui connaîtront mon destin de ne pas essayer de remplacer la morphine par la cocaïne. La cocaïne est un affreux et très perfide poison. Hier, Anna a eu toutes les peines du monde à me ranimer au camphre ; aujourd'hui je suis presque un cadavre.
Le diable en bouteille. La cocaïne, c'est le diable en bouteille.
Voici l'instant où la cocaïne, par on ne sait quelle loi secrète, que nul traité de pharmacologie ne mentionne, se transforme dans le sang en quelque chose de nouveau. Je sais : c'est le diable qui se mélange à lui. Vlas sur le perron se fane et je le déteste, et le couchant agité, grondant, me tord les boyaux. Et ainsi plusieurs fois de suite tout au long de la soirée jusqu'à ce que je comprenne que je suis empoisonné. Mon coeur commence à battre si fort que je le sens dans mes mains, dans mes tempes... et puis il tombe dans un gouffre et il y a des instants où je pense que le docteur Poliakov ne trouvera plus jamais goût à la vie...
Peut-être que ma personnalité se désagrège, mais je fais tout de même des tentatives pour limiter ma consommation.
Un rideau de pluie me cache le monde. Et c’est très bien comme ça. Nul n’a besoin de moi, et je n’ai besoin de rien ni de personne
N'arrivant pas à lever les mains, je griffonne mes pensées au crayon. Elles sont pures et fières. Je suis heureux pour quelques heures. Le sommeil m'attend. Au-dessus de moi, la lune entourée d'un halo. Rien ne me fait peur après la piqûre.
Il serait très bon que les médecins aient la possibilité d'essayer sur eux-mêmes de nouveaux médicaments. Ils auraient une tout autre idée de leur mode d'agir.