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sur 235 notes
Récit d'une enfance et d'une adolescence, le dernier roman de Nina Bouraoui interroge ce qui façonne les êtres, à travers le prisme de la narratrice, l'auteure elle-même. On y découvre une enfant choyée, née d'une mère française très blonde et d'un père Algérien. de ce mariage d'amour, nait deux filles ; Nina est la deuxième, un peu garçon manqué, un peu « queer », un peu ce qu'elle veut. « Je trouve ma place dans ma famille, je suis l'être dont il ne faut pas dévier le sens du chemin qu'il prend, je suis l'artiste, j'ai le droit de me déguiser, de me travestir, de jeter mes robes, de ne pas me nourrir, de plonger dans les tourbillons de la mer agitée (…) » Dans le milieu intellectuel et bienveillant où elle grandit, on ne pose pas de questions sur sa supposée différence, on la laisse Être, Devenir, Savoir. Ces trois verbes et un quatrième (Se souvenir) sont le découpage adopté par l'écrivaine pour juxtaposer souvenirs d'enfance, d'adolescence et réflexions au présent.

Le récit n'est qu'un va et viens incessant entre ces périodes, entre la France et l'Algérie. Il traverse le pays de naissance (la France), le pays de l'enfance merveilleuse (l'Algérie) puis la fin de l'innocence, avec son retour définitif en France. Si l'un fait figure de pays où tout commence, l'autre est synonyme de l'écrivain en devenir, de la jeune femme de dix-huit qui découvre un troisième pays : celui de son homosexualité. Au Kat, un club réservé aux femmes, elle est une ombre qui hante les murs chaque nuit ; la plus jeune d'entre toutes. C'est dans l'obscurité qu'elle apprivoise son identité et au matin, les images de la veille se couchent sur le papier. Elle « apprend » son métier d'écrivain, en observant ce milieu et sa galerie de personnages hauts en couleurs. « le Kat est relié à mon premier désir d'écriture, comme si le désir des corps, assouvi ou non, la découverte d'un autre monde, l'acceptation et l'exploration d'une sexualité en dehors de la norme menaient au livre, à l'imaginaire, aux mots. » La fréquentation de femmes plus âgées, qui se confient, la prenne à témoin de leurs ivresses, de leurs souffrances, lui donne le matériau pour écrire. Les nuits parisiennes sont assez tristes, une violence latente semble régir les rapports entre les femmes. La narratrice rapporte la honte, le dégoût de soi, sa propre homophobie. le chemin est long à parcourir pour accepter non pas ce qu'elle est (car elle « est » depuis toujours) mais le regard de la société, son jugement, ses condamnations.

L'écriture de Nina Bouraoui est impudique, faite de respirations, d'un souffle qui parfois m'emporte et parfois m'agace. Je trouve certaines phrases d'une extrême beauté et d'autres sonnent comme trop faciles, trop attendues. J'ai été à la fois embarquée par son récit, émue par le souvenir d'un pays enfantin d'une beauté hypnotique et inquiétante (les plus beaux passages à mon sens) mais aussi parfois, lassée de cette écriture du Moi qui laisse entendre certaines notes de superficialité. En revanche, j'ai aimé sans conditions ce pont invisible qu'elle dessine entre les membres d'une même famille. Sans démonstration, à la seule force de l'architecture de son récit, on entrevoit les liens qui unissent l'histoire de nos parents, de nos ancêtres avec la nôtre. Nous sommes le fruit d'un héritage et c'est pour cela qu'il est ô combien difficile de Savoir. Indépendamment de notre quête d'humain aspirant à se connaitre lui-même, nous sommes le fruit de nos origines, que nous ignorons toujours en partie.

De cette lecture en demie-teinte, je retiendrai d'abord la douceur, puis la violence de l'Algérie. Celle de l'écrivaine : « Mon Algérie est poétique, hors réalité." La richesse que constitue cette double culture « La France c'est le vêtement que je porte, l'Algérie c'est ma peau livrée au soleil et aux tempêtes. » En laissant de côté le narcissisme obligatoire de la confession, je saluerai la tentative réussie d'une femme cinquantenaire à questionner l'adolescente homosexuelle qu'elle a été. Car il est nécessaire de dire cette souffrance qui ne devrait plus exister, en France, en 2019. Pour tous ceux qui se questionnent et ne savent pas que la littérature offre des réponses, ce livre en est une parmi d'autres.

Lien : https://manouselivre.com/
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C'est le premier ouvrage que je lis de cet auteur. La « grande librairie » du 19 septembre 2018 traitait des femmes et de la sexualité. Nina Bouraoui y parlait de son dernier livre où elle se dévoilait. Elle est née en 1967 et ses parents sont allés vivre en Algérie alors qu'elle n'avait que deux mois. Les événements ont fait qu'elle n'est revenue en France qu'à l'âge de quatorze ans et elle peut ainsi se sentir entre deux cultures, deux nationalités et loin de la déséquilibrer, cela lui donne une grande ouverture d'esprit. Son texte est fluide et se compose d'une succession de petits chapitres très courts qu'elle intitule successivement : « Se souvenir », « devenir », « savoir » et aussi « être ». Elle passe ainsi des terres algériennes aux nuits parisiennes. Quand elle se souvient, elle évoque une « Algérie poétique, hors réalité ». Elle n'a jamais pu écrire sur les massacres. Elle évoque sa grand-mère algérienne, son père souvent absent et surtout sa grande soeur et sa mère. Elle est très attachée à sa mère et la regarde lire Yves Navarre, Jean-Louis Bory, Wilhelm Reich. Ce qu'elle devient, elle le raconte aussi avec ses nuits au Kat, quand elle a dix-huit ans. Elle vit seule dans une rue de Paris, Notre-Dame-des-Champs. Ses parents sont partis vivre dans un des émirats du Golfe persique. Elle commence à écrire quand elle commence à fréquenter le Katmandou, un club de filles dans les années 80. Elle évoque beaucoup son identité amoureuse quand elle intègre une bande de filles, la bande d'Ely. J'ai beaucoup aimé ses souvenirs quand elle trace le portrait de sa mère et qu'elle remonte bien avant sa naissance quand sa mère a rencontré son père. C'est une écriture très légère mais limpide qui m'a rappelé le texte de Marie-Claire de Marguerite Audoux.
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Un beau "récit de soi" déroulé par Nina Bouraoui, où l'on sent plus que jamais le besoin de coucher les mots sur le papier. Cette urgence, comme toujours chez l'autrice, la rend touchante, contrebalançant une écriture (volontairement) froide.

En revanche, je trouve que Tous les hommes désirent naturellement savoir est un peu du déjà-vu chez l'autrice, notamment dans Garçon manqué, mais ne peut pas s'aborder sans connaître un peu son oeuvre - sous peine d'être un peu flou.
Lien : https://lesmotsdemahault.wor..
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La narratrice, franco algérienne, raconte son histoire et celle de sa famille à travers le prisme du souvenir. Lorsque sa mère a rencontré "le français musulman comme on nommait les algériens avant 1962", à la faculté de Rennes, son père a exigé une enquête; puis quand elle persiste dans son choix, il l'a mise à la porte.
Sa vie, partagée entre France et Algérie est troublée, dépendante des événements politiques, faite de quiétude, d'inquiétude et de renoncement.
Comme dans toute vie, elle y fait l'expérience de la violence, de l'injustice, du désir, de l'amour... avec ce quelque chose en plus qui la trouble, ce déchirement entre ses deux pays qu'elle aime et sa différence...
Comment devenir soi même dans ce monde là ?...

Un roman intimiste sur l'identité, de nationalité, d'origine, sexuelle... Comme dans le texte d'Aristote, l'auteure explore la quête de soi : se souvenir de l'Algérie, quittée à l'âge de 14 ans sans l'avoir désiré; devenir la personne lesbienne pleine de doutes qu'elle est aujourd'hui; savoir l'histoire de sa famille, le passé, ce qui construit l'être intime même s'il n'est pas raconté...

La forme du roman fait de courts chapitres mais de phrases interminables est gênant, cela empêche de rentrer complètement dans l'histoire. Sans doute est ce une figure de style volontaire, peut être pour bien signifier que le souvenir intervient dans notre quotidien de façon très ponctuelle mais le lecteur finit par se perdre...
C'est pourquoi la lectrice que je suis est incapable de dire si elle a aimé ou non ce roman.
Déception.
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You all know I am a fan of fragmented prose.
This autobiographical novel excels at this! Nina Bouraoui goes back and forth "Devenir" (Becoming), "Se Souvenir" (Remembering), and "Savoir" (Knowing), retracing her childhood steps in Algeria and her experience as a young woman in France.

Belonging to two cultures, coming to terms with her sexuality whilst battling interiorised homophobia, unpacking her family's war trauma are the main themes of the novel. Despite the heaviness of the topics, Nina's text is full of beauty. Algeria is a dreamlike land, full of wonders. The war is tainting the beauty.

The writing is DELICIOUS.
The novel contains many meta-references. Writing is a fighting tool that has the power to protect and save you ("l'écriture parle pour moi et me délivre"). Nina uses writing as a way to heal, to work through her trauma.
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Chronique d'une adolescence qui se cherche entre souvenirs de son passé en Algérie et en Bretagne mal à l'aise dans sa double culture et découverte de la vie parisienne et de sa sexualité. Pas d'histoire, juste des sensations, des bribes de vie, un patchwork qui finit par faire un tout, déroutant au départ et finalement constituant une petite musique attachante.
Agréable de lire quelques pages avant de dormir, pas de risque de perdre le fil, on replonge tout de suite dans l'ambiance et dans les états d'âme de cette jeune fille en devenir.
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Dan ce roman Nina Bouraoui raconte sa douleur quand elle doit durant son adolescence quitter un pays qu'elle aime, l'Algérie et où elle a vécu depuis sa naissance.
Elle nous parle de son homosexualité et de la difficulté pour elle de l'assumer au grand jour.
On ressent un fil de la lecture son mal être.

Les chapitres sont courts et portent tous les mêmes titres :
Se souvenir : elle parle de son passé, de sa vie en Algérie, puis quand elle est en France. Dans ces chapitres elle a environ entre 4 et 14 ans.

Devenir : Elle parle d'elle quand elle avait environ 18 ans et qu'elle commence à rencontrer des femmes. Son 1er amour, ses déceptions. Elle nous parle également de son regard sur les homosexuels, mais aussi du regard des autres.

Savoir : Elle raconte dans ces quelques chapitres des évènements de sa vie dont elle garde les enseignements.

C'est un beau livre sur la différence ; différence d'origine et différence sexuelle.
En revanche je ne comprends pas le choix du titre. Je trouve qu'il est très mal choisi.
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Au-delà de l'autobiographie, il y a une ode véritable au langage et aux mots.
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Dans la catégorie des romans qui me plaisent et m'émeuvent, il y a ceux sur la recherche identitaire, les romans initiatiques, ceux qui dévoilent la belle âme d'un écrivain.

J'ai refermé ce roman très émue mais aussi très perplexe devant mon écran, comment chroniquer un roman comme celui-là ?

Message à ma chère Hadia, elle aussi marquée récemment par la lecture de ce texte. Réponse immédiate : « Moi je commencerais par la violence muette, celle qu'on n'exprime pas dans la vie réelle, à l'image de sa mère qui se fait agresser et qui rentre meurtrie sans rien dire… Et puis la violence du déracinement… En fait ce livre est très beau parce que la violence est racontée avec délicatesse ».

(Voilà comment je force des écrivains à devenir des chroniqueurs et à bosser pour moi.)

Vous l'avez deviné, entre mélancolie suggestive et violence muette, quel beau roman que celui-ci, dans lequel Nina Bouraoui renoue avec l'exil et son enfance, pour mieux comprendre son identité sexuelle, les femmes.

« J'ai juste peur des hommes la nuit » écrit-elle. Quel rôle ont joué les femmes de sa vie au cours de la sienne ? Une mère d'origine bretonne, tombée amoureuse d'un algérien ayant contourné l'opprobre familiale pour aller vivre à Alger. Une soeur à ses côtés, qui a parfois joué le rôle d'une mère. Puis toutes les femmes qu'elle rencontrera le soir, « au Kat », lieu d'émancipation et de ses premières rencontres.

À travers un récit fragmenté de courts chapitres où elle sait, se souvient et devient, elle part à la recherche de sensations, de réminiscences fondatrices.

L'écriture, musicale, toujours en fil rouge, pour l'aider, la guider. Mais attention, quand certains écrivent pour se libérer, Nina Bouraoui soutient que non, « L'écriture n'apaise pas, c'est le feu sur le feu. »
Lien : https://agathethebook.com/20..
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Nina Bouraoui se remémore sa jeunesse à Paris, dans les années 80, quand elle fréquentait les boîtes de nuit réservées aux femmes. En parallèle, elle replonge dans son adolescence à Alger, y cherchant l'origine de son homosexualité. le récit alterne ainsi entre sa vie parisienne, ses rencontres, le sentiment de honte et de haine de soi qu'elle y a ressenti, et les souvenirs de son enfance heureuse en Algérie. Jusqu'à ce qu'un soir, en boîte, une jeune fille se mette à l'obséder.
Ce roman initiatique est marquant par sa profonde sincérité, par un regard sur soi parfois dur et par le portrait juste d'une époque et du milieu de la nuit. La beauté du texte tient aux nombreuses sensations et réminiscences qui traduisent le trouble, les désirs de l'autrice, mais aussi la nostalgie de son enfance. Nina Bouraoui interroge son identité sexuelle et témoigne de la peur de l'homophobie qui l'oblige à se cacher. Elle dépeint sans fard des femmes en quête d'amour, confrontées au rejet de leurs proches, au mal de vivre, à la tentation du suicide ou à l'alcool. Mais elle évoque aussi la complicité avec sa mère, femme rejetée par sa famille pour avoir épousé un Algérien, et révèle le lien existant entre ses premiers émois amoureux et son désir d'écriture : les impressions jadis consignées dans un journal ont été la source de ce texte fort et poétique sur l'acceptation de soi.
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