Il faisait contre mauvaise fortune bon cœur, mais Elsa savait qu'il était inquiet de son soudain envol, et de sa vie sociale qui se développait. D'autant plus qu'Antoine se rendait compte qu'elle vivait beaucoup mieux la situation qu'ils ne l'auraient cru, aussi bien l'un que l'autre.
Contrairement à toute attente, il était à présent évident que, des deux, c'était Antoine qui souffrait le plus de la séparation. Prenait-il conscience des sentiments qu'il éprouvait pour elle ? Ou de l'émancipation de cette dernière, vis-à-vis de lui ?
Tous les deux s'apercevaient que leur relation évoluait et que la tendance s'inversait : plus le temps passait, plus Antoine tentait de se rapprocher… et plus Elsa se libérait.
Elle avait pourtant désiré de façon si ardente ce revirement… et à présent qu'il se concrétisait enfin, elle n'en éprouvait pas de joie particulière. Tout juste un amer sentiment de soulagement : ce n'était plus elle qui souffrait. Un mois seulement plus tôt, elle aurait trépigné de joie à l'idée qu'enfin, il était peut-être prêt à envisager une évolution sérieuse de leur relation.
À présent, cette idée lui faisait plutôt peur.
L'aimait-elle encore toujours autant ? Elle en doutait. Trop de désillusions, trop d'espoirs vains, trop d'humiliations insidieuses et répétées.
Et je veux profiter de chacun de ces instants, écouter mes envies, mes désirs, même si j’ai conscience qu’une telle situation pourrait être mal vue. Qu’importe. Je veux vivre pleinement tant que la vie parcourt mes veines, tant que mon corps vibre. Le temps qui nous est donné ici est court, tout peut s’arrêter brutalement. Des regrets, je n’en veux pas. Si c’était à refaire, Tom, je le referais. Peu importe ce qu’on peut en dire. Je te comprends, et ne pense pas une seconde que je puisse t’en vouloir. Je… je t’apprécie, Tom, beaucoup. Alors non, je ne suis pas désolé !
Lui était heureux, naturellement, parce qu’il l’aimait. Tout était simple. Il l’aimait, tout comme il aimait sa maison, son métier de commercial et son chat.
Mais elle…. Elle, elle l’adorait. Il était comme l’air qu’elle respirait, indispensable à sa vie. Chaque évènement de son existence ne pouvait avoir de saveur que s’il était là.
Alors, lorsque parfois, et de plus en plus souvent d’ailleurs, elle comprenait qu’il n’avait pas vraiment besoin d’elle, elle prenait douloureusement conscience qu’elle l’aimait plus que lui ne l’aimait.
Elle avait parfaitement conscience de sa dépendance incontrôlable. Elle acceptait tout, avait parfois même le sentiment de s’avilir ; pourtant elle ne montrait pas à quel point ses mufleries la blessaient parfois, car elle se sentait humiliée de quémander ainsi son amour et son attention… Comme ce fameux soir où ils étaient sortis chez des amis, et où il avait décidé de l’éviter toute la soirée, de s’asseoir à l’autre bout de la table sous le regard ahuri des autres convives, sous prétexte qu’il voulait respirer un peu.