Citations sur Vent d'Est, vent d'Ouest (120)
Oh ! ma chère maison ! Mon enfance se déroule devant moi, comme autant d'images illuminées par la clarté du feu : les cours où, à l'aube, je regardais la brusque éclosion des boutons de lotus dans la pièce d'eau, et les pivoines fleurissant sur les terrasses ; les chambres dans lesquelles les enfants se bousculaient sur le carrelage, les bougies brûlant devant les dieux familiers ; l'appartement de ma mère, où je revois son délicat profil austère penché sur un livre et, dans le fond, l'immense lit à baldaquin.
"C'est mon mari qui a opéré en moi ce changement, si bien que j'ose, en dépit de ma frayeur, plaider contre mes ancêtres en faveur de l'amour"
Le fils d'un tel père peut-il être fidèle ? Il est tout à sa passion, en ce moment-ci. Je sais ce que c'est. Mais attendez la naissance de l'enfant, et que la beauté de la mère lui soit retirée comme on arrache la couverture d'un livre. Les feuillets auront beau ne parler que d'amour, il ne se souciera guère de les lire.
p.288
« Mon mari est un sage. Il connaît toutes choses, et ne dit que ce qui est vrai. » (p. 96)
Quant à leur enfant, je suis perplexe. Il devra se créer lui-même sa voie. L'Est t l'Ouest, fondus en lui, le méconnaîtront et le répudieront l'un et l'autre. Je crois cependant que s'il hérite l'énergie de ses parents, il saura comprendre ces deux mondes et triomphera.
Tout enfants nous apprenions dans les édits sacrés qu’un homme ne doit pas aimer sa femme plus qu’il n’aime ses parents. Ce serait un péché devant les tablettes ancestrales et les dieux. Mais quel est le faible cœur humain qui sait résister à l’afflux de l’amour? Que ce cœur le veuille ou non, l’amour le remplit. Comment se fait-il que les anciens, dans toute leur sagesse, aient ignoré cela?
Je disposais les chrysanthèmes dans le salon avec le plus grand soin. Je cherchai la meilleure manière de les placer, voulant lui faire une surprise. Mais lorsque j'eus tout installé, aussi bien que possible, je fus déçue. Autant les plantes, dans la vieille cour, brillaient, splendides, contre les boiseries noires et sculptées des couloirs, autant ici, devant les murs blanchis et les peintures jaunes, elles perdaient leur éclat, devenaient simplement jolies, prenaient un air artificiel. Hélas, il en était ainsi de moi! (p.78)
Chaque jour, je regarde jaunir le riz des champs. Les épis sont pleins et se courbent. Encore un peu de temps sous ce langoureux soleil, et ils éclateront de maturité, prêts pour la moisson. Mon fils naît dans une belle année, une année de plénitude, disent les fermiers.
Mais je ne pouvais pas, vraiment, la blâmer de son ignorance, car de toutes les choses curieuses que m'a dites mon mari, la plus surprenante est celle-ci : Les peuples occidentaux ont les trois mêmes lumières du ciel que nous _ le soleil, la lune et les étoiles, et j'avais toujours cru que P'an Ku, le Dieu créateur, les avait faits pour les Chinois. M on mari est un sage. Il connaît toutes choses, et ne dit que ce qui est vrai.
Puis elle cria un mot inconnu très suave, souleva mon fils et le serra contre elle en appuyant ses lèvres sur son cou, si doux.
Le chapeau tomba, et l'étrangère me regarda par-dessus la tête rasée de l'enfant. Et quel regard, ma soeur ! Ses yeux disaient : J'en voudrais un tout pareil !
Et je lui souris : nous serons amies.
Je crois que je commence à comprendre pourquoi mon frère l'aime.